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SUBVENTION DES ACCOUCHEMENTS : Les hauts et les bas d’une stratégie

Publié le mardi 15 mai 2012 à 02h00min

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Afin de réduire la mortalité et la morbidité par la réduction significative des coûts financiers directs des services d’accouchement et de prise en charge des urgences obstétricales au Burkina, le gouvernement a adopté une stratégie nationale de subvention des accouchements et des Soins obstétricaux néonataux d’urgence (SONU). Cette Stratégie vise à réduire, à plus de la moitié, les frais d’accouchement des femmes enceintes sur tout le territoire national. La stratégie est mise en œuvre non sans difficultés. Quelles sont ces difficultés ? Comment la subvention est-elle appliquée ? Et quelles conditions ? Pour en savoir plus, nous avons rencontré des acteurs et des bénéficiaires dans le district du Centre médical avec antenne chirurgicale (CMA) du secteur 30 de Ouagadougou.

Un bâtiment plein à craquer, des femmes couchées un peu partout ; de la salle d’attente à la salle d’accouchement en passant par la salle d’hospitalisation. Nous sommes à la maternité du district de l’hôpital de Bogodogo, communément appelé CMA du secteur 30. Là, les parturientes, en principe, bénéficient aussi de la subvention des accouchements et des SONU, que l’accouchement soit sans ou avec des complications. Mais, la stratégie présente quelques failles au niveau de son application. Ainsi, Maïmouna Bandé qui a accouché par césarienne dit ne pas avoir bénéficié de ladite subvention puisque de son admission au CMA jusqu’à l’heure où elle se confiait à nous, c’est son mari qui a honoré toutes les ordonnances.

Peut-être, dit-elle, n’ayant pas encore été libérée, pourra-t-elle bénéficier de la subvention dans les jours à venir. Pognogo Awa, après son accouchement dans le Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) du secteur 15, a été admise au CMA du secteur 30 suite à une complication. Elle, par contre, dit n’avoir pas déboursé beaucoup d’argent par rapport à ses autres accouchements (NDLR : Pognogo Awa est à sa sixième grossesse). Toutefois, elle reconnaît avoir réglé une ordonnance au CMA mais depuis son référencement au CMA du 30 suite à une hémorragie, elle n’a encore rien déboursé comme argent. Les soins, elle les a reçus gratuitement. Concernant les ordonnances délivrées aux parturientes, Haoua Ouattara / Tiendrébéogo, sage-femme d’Etat, surveillante d’unité de soins de la maternité du CMA de Bogodogo, a affirmé qu’il arrive que l’on délivre aux femmes admises à la maternité des ordonnances, mais cela, uniquement en cas de kits incomplets.

Souvent, ce problème entraîne des évacuations vers le Centre hospitalier Yalgado Ouédraogo. A part ces cas, lorsque les patientes mettent pied à la maternité, le matériel nécessaire à l’accouchement constitué de kits leur est remis, poursuit-elle. Tout compte fait, les difficultés ne manquent pas. Haoua Ouattara / Tiendrébéogo nous a confié que des usagers du service, en l’occurrence certains accompagnants, ne comprennent pas pourquoi à la sortie de la femme de l’hôpital, on leur dit de passer à la caisse alors qu’il est dit que les accouchements sont devenus gratuits. En ce qui concerne la subvention des accouchements et les SONU, Haoua Ouattara / Tiendrébéogo trouve que la stratégie n’a pas été assez mûrie puisque les acteurs chargés de la mise en œuvre de la stratégie n’ont pas été associés.

Or, ce sont eux qui peuvent définir les besoins en ce qui concerne la bonne marche du travail. Pour ce faire, elle a souhaité que les autorités créent un cadre de concertations entre décideurs et acteurs sur le terrain afin que les priorités soient définies pour la satisfaction des patientes et des agents de santé. Les kits sont confectionnés et déposés au niveau des dépôts pharmaceutiques des centres de santé. Les femmes y vont avec des fiches remplies par la sage- femme pour les chercher. Hamado Gorgha, préparateur en pharmacie, responsable du dépôt pharmaceutique du district de l’hôpital de Bogodogo nous a assuré que les kits ont été toujours disponibles dans le district. Mais, il peut arriver qu’il y ait rupture, pas de kits mais des éléments composant le kit, ajoute-t-il.

Le degré de subvention des accouchements et des SONU s’effectue selon que l’accouchement est simple ou se déroule avec des complications. Ainsi, pour chaque accouchement, les kits diffèrent, les prix aussi. Jean Nebié, pharmacien, assurant l’intérim du médecin- chef de district, a affirmé que tout se passait bien en ce qui concerne la mise en œuvre de la stratégie, dans l’hôpital du district de Bogodogo. Il a estimé qu’il n’y avait rien à signaler puisque tout se passait bien au niveau de la maternité. Pour lui, la stratégie en elle-même n’est pas mauvaise. Mais pour qu’elle soit pérenne, il va falloir mettre en œuvre un système permettant à celles qui le peuvent, de payer plus ou d’accoucher sans subvention.

La subvention des accouchements et des SONU a été initiée au profit de toutes les femmes accouchant sur le territoire national. Cette stratégie se révèle être une aubaine puisque la pauvreté a un visage féminin au Burkina Faso. Pour ce faire, un travail de sensibilisation s’impose afin de les informer sur les tenants et les aboutissants de cette stratégie. Pour la pérennisation de la subvention des accouchements et des soins obstétricaux néonataux, l’Etat pourrait s’associer à des ONG soit pour le relayer soit pour le soutenir dans la mise en oeuvre de cette stratégie.


* SOS, Sages-femmes et parturientes en danger

La maternité de l’hôpital de district de Bogodogo a besoin de faire peau neuve. En effet, bien des choses ne fonctionnent pas dans cette maternité. Les meubles sont tellement délabrés qu’on se croirait dans un dépotoir. En plus, la maternité a mal à ses toilettes. Si fait que pour se soulager, c’est la croix et la bannière pour les patientes, les accompagnants et les agents de ce service. Pour réduire la mortalité maternelle et infantile, il sied de mettre les usagers et celles ou ceux qui y travaillent à l’aise. La subvention des accouchements et des SONU n’est pas mal en soi, mais équiper les maternités et mettre les sages-femmes et les maïeuticiens dans de bonnes conditions contribuerait à atteindre l’objectif de la stratégie nationale de subvention des accouchements et des SONU.

* Subvention des accouchements et des SONU, l’information passe-t-elle ?

Rien ne montre à la maternité que les accouchements sont subventionnés si ce n’est par les dires des sages-femmes et maïeuticiens. Etant donné que la stratégie est prévue pour durer une dizaine d’années, il serait souhaitable d’afficher au su et au vu de tous les informations relatives à cette stratégie (prix, montant de la subvention et autres).


La vision de la CROISAD par rapport aux SONU

La Coalition des réseaux et organisations intervenant dans le secteur de la santé pour le développement au Burkina (CROISAD/Burkina) a mené une étude pour évaluer la mise en œuvre de la subvention des accouchements et des soins obstétricaux néonataux. L’étude a concerné les régions du Centre, des Hauts-Bassins, du Centre-Ouest, du Centre-Sud et du Nord. Selon la CROISAD, la subvention sur les accouchements et les soins obstétricaux néonataux d’urgence est la bienvenue, compte tenu du fait qu’elle contribue à réduire considérablement la mortalité maternelle et néonatale. En effet, les parturientes, surtout celles des campagnes, sont de plus en plus promptes à aller à la maternité.

Ce qui n’était pas le cas avant la mise en œuvre de la stratégie. Toujours est-il que tout n’est pas parfait en ce qui concerne la mise en œuvre de cette subvention. La CROISAD a constaté qu’il y a un hiatus entre ce qui est dit et ce qui est fait sur le terrain. En fait, la CROISAD, à travers l’étude qu’elle a menée, a constaté que souvent, les centres de santé manquent de fonds pour subventionner les soins. Aussi a-t-elle remarqué des cas de forfaiture de certains agents qui demandent aux femmes de payer ce qui est normalement gratuit. En sus, sur le terrain, elle a constaté que les kits, en plus d’être incomplets, ne sont pas de bonne qualité.

Pour que la stratégie puisse avoir l’impact souhaité, la CROISAD suggère qu’une pause soit observée afin de réfléchir et redéfinir la stratégie pour repartir sur de nouvelles bases. Ainsi, elle préconise que les comités de gestion aient des comptes uniquement SONU en vue d’avoir un état des fonds dépensés dans le cadre de la subvention. Elle a aussi suggéré que l’on permette aux dépôts pharmaceutiques en cas de rupture de médicaments à la CAMEG, de s’approvisionner dans les officines privées. Du reste, la CROISAD estime qu’il ne sert à rien de dire que les femmes doivent payer 900 F CFA alors que les kits sont incomplets. Pour la CROISAD, cela s’apparente à un enrichissement illicite. Par ailleurs, la CROISAD préconise qu’un suivi soit instauré et s’il le faut, des sanctions, pour des résultats encore plus probants.

Françoise DEMBELE

Le Pays

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