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KOUPELA ET POUYTENGA : Les populations face à une grave pénurie d’eau

Publié le mercredi 2 mai 2012 à 02h07min

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Les villes de Koupèla et de Pouytenga connaissent, depuis plus de cinq ans, des pénuries d’eau récurrentes dues à un tarissement total du barrage d’approvisionnement en eau potable, durant la période de février à juin de chaque année. Cette pénurie s’est beaucoup aggravée courant 2011. La situation est plus amère cette année car certains habitants peuvent faire trois à huit jours sans voir une seule goutte d’eau tomber de leurs robinets. Pour mieux constater la souffrance des populations et nous imprégner des mesures prises dans l’immédiat, à moyen et à long termes pour juguler ce phénomène, nous avons tendu notre micro aux habitants de ces deux villes, notamment au maire de la commune de Koupèla, Simplice Dambré, président du Comité local de gestion du barrage d’approvisionnement en eau potable d’Itengué, et au Directeur régional (DR) de l’ONEA du Nord-Est basé à Koupèla, Gilbert Bassolé.

Les activités de tous genres tournent au ralenti depuis le mois de mars dans les villes de Koupèla et de Pouytenga. Et pour cause, les populations n’arrivent plus à s’approvisionner suffisamment en eau à partir des robinets des ménages, des services et des bornes fontaines à cause des coupures d’eau. Et comme ‘‘l’eau c’est la vie’’, son manque cause de nombreux désagréments et des conséquences incalculables sur la vie des ménages, des travailleurs, des services et sur les activités socio-économiques. Selon Noël Kyélèm, habitant à Tambèla, l’impact immédiat de cette pénurie se traduit chez les éleveurs par la mort de leurs animaux sous leur regard impuissant. Au niveau des écoles, l’hygiène n’est plus au rendez-vous ; les élèves n’arrivent plus à se laver une fois par jour car l’urgence est de pouvoir étancher sa soif.

Le lavage des habits devient un casse-tête chinois ; les mères de famille sont obligées d’aller dans les villages voisins pour laver les habits de leurs enfants avec l’eau des puits traditionnels et des forages. A l’hôpital, la situation est encore plus critique car les malades manquent aussi d’eau. Les accompagnants de ceux-ci venus des départements, sont obligés de faire la queue, à longueur de journée, pour espérer avoir un seau d’eau. Les malades qui ont des parents ou connaissances résidant à Koupèla, se ravitaillent auprès de ces derniers en ville, confie Joachim Yaméogo, habitant du secteur 3 de Koupèla. Des investigations nous ont permis de savoir que l’hôpital ne dispose pas de forage autonome pour faire face à une pénurie d’eau.

Il est alimenté comme un simple ménage de quartier. Alors que le droit à l’eau fait partie des droits de premier ordre constitutionnellement reconnus au Burkina. Et l’OMS, a laissé entendre le DR du Nord-Est de l’ONEA de Koupèla, recommande un minimum de consommation de 30 litres d’eau potable par jour et par habitant. Pire, l’accès à l’eau potable fait partie des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Les malades n’ont-ils pas droit à l’eau ? Les Koupèlais et les Pouytengalais sont-ils inscrits dans ce registre du millénaire pour le développement ? S’interroge Joachim Yaméogo du secteur 3 de Koupèla. Une source d’approvisionnement autonome en eau potable et propre à l’hôpital s’avère nécessaire pour participer à la guérison et au soulagement des malades hospitalisés. Le comble du paradoxe est que certains CSPS (Centres de santé et de promotion sociale) sont équipés de forages.

Et lorsqu’on sait que ce sont les malades jugés très critiques qui sont transférés généralement de ces CSPS au CMA, on est en droit de se demander s’il s’agit de négligence ou de manque de moyens financiers pour doter le CMA d’une source autonome d’eau potable. Nous avons tenté de joindre les responsables de l’hôpital pour mieux comprendre mais nos tentatives furent vaines. Cependant, de leur côté, les accompagnants des malades, à l’image de Idrissa Silga du village de Kawèga, confirment n’avoir jamais vu une source autonome d’approvisionnement en eau potable, comme un forage depuis leur arrivée au CMA. ‘‘Mon père a subi une intervention chirurgicale et nous souffrons sérieusement de la pénurie d’eau. Mais avec l’arrivée de la presse, nous pensons que notre problème trouvera une solution’’, a-t-il conclu.

Au niveau des écoles primaires, la situation est moins critique car la plupart de ces écoles disposent d’une source autonome d’approvisionnement en eau potable pour la consommation humaine. N’empêche que cette pénurie d’eau a d’énormes conséquences sur les activités économies. Selon le maire de Koupèla, Simplice Dambré, certaines activités comme la restauration, la production du dolo (activités très rentables à Koupèla) ont vu leurs chiffres d’affaires baisser de moitié à cause de cette pénurie. Pour étayer les propos du maire, Karanga Marie Madeleine, dolotière à Koupèla, soutient qu’avant la pénurie, elle pouvait prélever 10 barriques d’eau par jour pour faire le dolo. Mais, maintenant, elle ne peut plus obtenir deux bonnes barriques d’eau par jour.

Pour certains Koupélais et Pouytengalais, cette pénurie est directement liée au tarissement total et précoce du barrage d’Itengué. Elle est due, d’après eux, entre autres, à des causes naturelles dont l’insuffisance de la pluviométrie, l’infiltration d’eau dans le sol, l’évaporation et l’envasement de la retenue d’eau. D’autres pensent qu’il s’agit d’une mauvaise gestion de l’eau de la part des autorités. C’est le cas du groupe des pêcheurs de Koupèla et de Pouytenga. Pour ces représentants, Paul Zougmoré et Joachim Yaméogo, les autorités communales, notamment les maires, les conseillers municipaux et les députés ont minimisé ce problème criard de pénurie d’eau dont souffrent les populations de la province du Kouritenga. Les autorités n’ont rien fait depuis plus de cinq ans pour atténuer notre souffrance. Sinon, elles auraient pu construire des barrages ou curer, tout au moins, le barrage d’Itengué construit depuis 1987, en vue d’augmenter la capacité de la rétention d’eau de celui-ci et permettre à l’ONEA de distribuer l’eau potable à la population. Elles attendent seulement la veille d’une élection pour venir nous égrener nos vrais problèmes qu’ils connaissent mieux que nous-mêmes, nous corrompre avec de l’alcool et des gadgets et nous promettre le ciel et la terre. Une fois élues, elles nous oublient, elles achètent des véhicules luxueux pour venir nous voir lors des cérémonies nuptiales ou funéraires pendant que nous mourrons de soif ; allez voir à l’hôpital, vous constaterez que ce que nous disons est vrai », ont-ils martelé. Ils ont interpelé le président du Faso, Blaise Compaoré, et le président de l’Assemblée nationale, Roch Marc Christian Kaboré, afin qu’ils trouvent une solution définitive à ce problème d’eau.

Il y en a aussi qui accusent l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA) de n’avoir pas pris des dispositions suffisantes pour juguler ce qu’ils appellent la crise de l’eau. En plus, il a retiré le barrage d’Itengué qui était initialement construit pour la maraîcherculture. « Dépossédées de leurs champs et empêchées de faire le maraîchage, de quoi les populations vont-elles se nourrir » ? S’interroge un interlocuteur qui a requis l’anonymat. Si le barrage connaît un ensablement dû, en partie aux activités des producteurs, c’est parce qu’ils n’ont plus où aller pour produire leurs cultures de contre-saison, d’où leur entêtement à rester dans le périmètre irrigué. Un homme influent de l’église catholique qui, aussi, a requis l’anonymat, s’est montré extrêmement critique à l’égard des autorités depuis la base jusqu’au sommet de l’Etat.

Pour lui, cette pénurie récurrente d’eau cause un problème de sécurité publique et d’insécurité alimentaire à tous les niveaux. Certaines femmes se frappent au niveau des fontaines publiques et autour des puits traditionnels pour pouvoir se ravitailler en eau de qualité douteuse en ces temps-ci. Avec leurs mouvements nocturnes à la recherche de l’eau, les femmes sont sujettes à des menaces et à des agressions physiques de délinquants. Cela pose également un problème grave de santé et d’hygiène, surtout pour les enfants mais aussi pour les adultes. Les autorités sont donc interpelées, afin qu’elles usent de leur pouvoir pour soulager la souffrance des populations. Pour le maire de la commune de Koupèla et président du comité local de gestion de l’eau du barrage d’Itengué, des mesures comme les poses des cordons pierreux ont été prises pour arrêter l’ensablement afin d’éviter cette pénurie récurrente d’eau.

Seulement, les effets escomptés n’ont pas été atteints pour plusieurs raisons. L’une d’elles est la croissance démographique à laquelle viennent s’ajouter les activités économiques très fortes dans les deux villes alors qu’à l’opposé, la capacité de rétention du barrage a diminué, a-t-il expliqué. « De 1987 à nos jours, on ne peut pas dire que le barrage n’a pas contribué à soulager la population de sa souffrance. Nous aussi, nous avons des limites de décisions et des contraintes budgétaires qui ne nous permettent pas d’entreprendre des travaux de grande envergure. Mais, nous avons saisi qui de droit à savoir l’Agence des eaux du Nakambé qui est la structure technique coiffant notre Comité local de gestion. Elle est à pied d’œuvre pour trouver une solution à cette pénurie », a-t-il confié. II a félicité l’ONEA pour les actions et les initiatives qu’il a entreprises tendant à satisfaire ses clients chaque jour que Dieu fait. Le maire a invité les populations à suivre les conseils et instructions de l’ONEA pour une gestion responsable et réussie de cette pénurie.

Pour sa part, le directeur régional du Nord-Est de l’ONEA, Gilbert Bassolé, affirme que sa structure prend au sérieux cette pénurie et mettra tout en œuvre pour satisfaire ses clients. Dans la perspective de jouer sa mission de service public, l’ONEA, a-t-il indiqué, a réalisé 14 forages dans la ville de Pouytenga dont 10 ont été négatifs et les 4 autres forages positifs ont un débit très faible (5 à 7m3 par heure) pour une population estimée à 70 000 habitants. Il projette également, dans un bref délai, louer une dizaine de camions-citernes à raison de 200 mille F CFA par camion et par jour, soit un montant de 5 millions de F CFA/jour, sans compter les frais de carburant et autres frais accessoires. Ces 10 camions-citernes iront chaque jour transporter 1000 m3 d’eau dans les barrages de Bilanga dans la province de la Gnagna, situés à environ 56 kilomètres de Pouytenga, en vue d’approvisionner la station de pompage d’Itengué pour satisfaire ses clients.

Cette opération durera jusqu’à l’arrivée d’une pluie qui remplira le barrage, a-t-il précisé. Selon le DR Bassolé, il n’y a pas de sites naturels dans la zone pour creuser un grand barrage capable de résoudre le besoin en eau très élevé. « Des études sont en train d’être menées en vue de prendre l’eau à l’aide des vannes, depuis le barrage de Bagré, et alimenter au passage les différents villages jusqu’à Koupèla, long de 100 km environ. Un autre projet en étude est celui d’aller dans la Gnagna à Bilanga et prendre l’eau par vanne pour approvisionner les deux villes (Koupèla-Pouytenga) et les villages traversés », a-t-il confié. L’ONEA, par la voix de son directeur régional du Nord-Est présente ses excuses à toutes les populations des deux villes pour les désagréments occasionnés par cette pénurie d’eau qui est réellement indépendante de sa volonté.

Keynes Abdoulaye KOUANDA

Le Pays

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