LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine.” Montaigne

COMMUNE RURALE DE KOMSILGA : Encore une matinée trouble à Garghin !

Publié le jeudi 9 février 2012 à 03h01min

PARTAGER :                          

Les populations de la zone non lotie de Garghin dans la commune rurale de Komsilga, non loin de l’hôpital Blaise Compaoré, ont encore manifesté le mercredi 8 février 2012. Après leur sortie le 11 janvier dernier pour s’opposer à la démolition de leurs maisons, cette fois-ci, elles s’opposent à la construction d’un mur de clôture par l’entreprise « Bâtiments-Travaux publics-maintenance » (BTM). Elles estiment que l’entreprise outrepasse les limites de son domaine. Chose que l’entreprise conteste, preuves documentaires à l’appui. Zoom sur les deux versions.

Ce mercredi 8 février 2012 aux environs de 8h, une alerte nous conduit dans la zone non lotie du village de Garghin, proche de la route Ouaga-Saponé, à quelques mètres de l’hôpital Blaise Compaoré. Des populations sont rassemblées dans la zone non lotie de Garghin à notre arrivée. Leur porte-parole, Seydou Traoré, président de l’Association Solidarité pour le droit au logement (ASP.DRO.L), vient à nous. Que se passe-t-il ? « BTM veut nous faire la force ! » Pourquoi ? Il livre la version des faits, selon la population. Mais avant de continuer, pour rappel, le 11 janvier 2012, les populations envahissaient la route Ouaga-Saponé pour contester le marquage au rouge par l’entreprise BTM de leurs maisons aux fins de les démolir. Le maire de Komsilga et le Directeur général de BTM, Amadou Kaboré, étaient sur les lieux et ont ensuite rencontré une délégation des populations le même jour à la mairie de Komsilga.

Mais cette rencontre n’a semble-t-il pas résolu le problème puisque Seydou Traoré était encore au devant des populations pour exprimer des revendications.

La version des populations : extension illégale et recensement illicite

Seydou Traoré, avant de commencer, explique que l’ASP.DRO.L a pour but de promouvoir le droit au logement décent et le droit à la terre. La revendication des populations, ce matin de mercredi, est la suivante : que l’entreprise arrête la construction d’un mur de clôture, qui est destiné à faire le tour d’une grande étendue de terrain qui englobe la zone non lotie. « Nous ne voulons pas être entourés ! » entendait-on crier. Autre chose, le projet de construction du mur outrepasse les limites de ce qui appartient à l’entreprise. « Regardez ces maisons rouges ! Ce sont les limites de son domaine ! On ne comprend pas pourquoi, aujourd’hui, il construit un mur pour dépasser ces maisons ! » Seydou Traoré montre les maisons en question. « Les propriétaires terriens, avant de vendre les terrains aux populations, ont bien rassuré que là où ils s’installent n’appartient pas à BTM ! », continue-t-il. Selon donc les populations, le domaine de l’entreprise a été très bien délimité par les propriétaires terriens et BTM serait en train de corrompre les autochtones pour étendre son domaine. Seconde revendication, BTM aurait commandité un recensement de la population de la zone non lotie.

Chose que Seydou Traoré dit ne pas comprendre, étant entendu que les lotissements sont suspendus, de même que les recensements, sans compter que BTM n’était pas habilitée à le faire, cette prérogative étant dévolue à la mairie. Les populations, selon Seydou Traoré, accusent donc BTM d’extension illégale de domaine et de recensement illicite. Après avoir tenu un meeting, les populations sont ensuite allées demander au chef de chantier d’arrêter la construction du mur. « Nous faisons tout pour éviter tout débordement et que les gens ne cassent. Mais nous demandons à BTM d’arrêter de construire avant qu’il y ait un débordement ! », prévient Seydou Traoré. « Regardez tout ce domaine ! Les habitants de Garghin ne veulent juste qu’une maison pour s’abriter ! », dit un habitant.

La version de Amadou Kaboré : « J’affirme : la parcelle appartient à BTM »

Après avoir quitté la zone non lotie de Garghin et les populations qui se sont dispersées aux environs de 11h, nous nous sommes rendus au siège de l’entreprise BTM. Le directeur général, Amadou Kaboré, joint au téléphone, nous a rejoints. Il sortira alors un premier document : un titre de propriété provisoire de la parcelle datant de 2003 que lui a délivré la direction de la législation et du contentieux. « J’affirme : la parcelle appartient à BTM », martèle-t-il avant d’ajouter : « S’ils disent que je ne suis pas propriétaire du terrain, qu’ils me montrent un titre de propriété ». Il sort un second document : une feuille manuscrite signée, dit-il, de quelques autochtones. Ceux-ci avaient accepté de quitter le terrain en avril 2009. II appellera ensuite au téléphone en notre présence Jean Baptiste et Madi Ilboudo (quelques-uns des signataires du document cité plus haut) pour leur indiquer que les populations contestaient son titre de propriété.

Ceux-ci diront en substance : « Vous êtes le propriétaire du terrain ». Ils indiqueront ensuite qu’ils n’étaient pas au courant de cette manifestation. Amadou Kaboré sort ensuite un autre document : un courrier daté de janvier 2010 signé de dignitaires du village de Garghin lui disant que l’installation d’une « zone d’habitation précaire » sur son domaine leur causait des dommages, notamment des vols. Ils indiquent qu’ils tiendront pour responsable l’entreprise BTM pour tout désagrément qui naîtrait de cette zone d’habitation précaire. Et, cerise sur le gâteau, le DG de BTM nous amène à Garghin où il indique les bornes délimitant sa parcelle. La zone non lotie se trouve dans cette délimitation. Concernant le recensement, Amadou Kaboré reconnaît qu’il a demandé à Madi Ilboudo d’établir la liste des habitants de la zone non-lotie.

Le DG de BTM motive cet acte en ces termes : « C’est (les habitants de la zone non-lotie, ndlr) devenu un cas social. Alors, j’ai dit aux populations que je leur trouverai des parcelles où elles pourront habiter afin que je récupère la mienne ». Il reconnaît avoir demandé au maire de Komsilga de l’aider à faire ce recensement afin de savoir qui étaient les vrais habitants de la zone. Il explique cette décision : « Quand les gens ont appris qu’il y aura des parcelles, certains ont quitté Tampouy, Pissy pour venir construire ». Pour revenir au recensement, le maire de Komsilga, selon ce qu’a dit le DG, a estimé qu’il ne pouvait pas. Amadou Kaboré a alors expliqué qu’il a introduit une demande dabs ce sens auprès de la Direction générale de l’urbanisme avec le ministre de l’Habitat comme ampliataire. Il nous a présenté le courrier en question. Mais il indique que la direction n’a pas encore répondu, « sans doute à cause de la décision faisant état de la suspension des lotissements ». Nous quittons aux environs de 13h un DG de BTM qui semble amer : « Nous avons voulu être compréhensifs, mais j’ai l’impression que nous sommes récompensés en monnaie de singe ».

Que conclure ?

A la lecture des deux versions, on reste perplexe. Les habitants pensent être dans leur bon droit et semblent décidés à user de tout moyen pour empêcher la construction du mur et la réalisation du projet immobilier de l’entreprise, au nom de leur droit au logement. BTM, quant à elle, brandit ses documents administratifs pour indiquer que le terrain lui appartient et qu’elle entend continuer son projet de construction. La question qui mérite peut-être une réponse est de savoir quel compromis trouver ?

Abdou ZOURE

Le Pays

PARTAGER :                              

Vos réactions (6)

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique