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Disparition de sexe : Trouvez ce sexe que je ne saurais voir

Publié le vendredi 4 novembre 2011 à 00h16min

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Le phénomène des “voleurs de sexe” fait de nouveau la une en Afrique de l’Ouest. Les populations oscillent entre scepticisme et superstition.

Ouagadougou. 26 octobre 2011. Epouvanté, un jeune homme du quartier de Zogona annonce à ses proches que son sexe vient de disparaître mystérieusement. Avant même d’illustrer son propos, il accuse un vieux mendiant qui officie en face de la mosquée. Malmené, le prétendu voleur d’organe est soudain secoué par une crise d’épilepsie qui le sauvera. Les superstitieux qui voulaient le lyncher s’écartent. Au beau milieu de l’avenue Babanguida, ils regardent le présumé sorcier trembler de tous ses membres. De quoi accréditer l’idée qu’il est possédé par le démon…

victime du vol d’organe

Le cas n’est pas isolé. Le phénomène dit de « disparition de sexes » existe depuis des années. Une semaine avant l’affaire de la mosquée de Zogona, c’est au secteur 17 de Ouagadougou qu’une foule en furie accusait des étrangers d’avoir volatilisé les pénis de jeunes du quartier, rien qu’en leur serrant la main. Il y a une quinzaine d’années, déjà, des chasses à l’homme et des ratonnades avaient eu lieu dans les rues de Ouagadougou.

Le phénomène existe également dans plusieurs pays du continent africain.

Au Bénin comme au Burkina Faso, si l’on veut éviter d’être victime du vol d’organe ou victime de l’accusation de vol d’organe génital, on est tenté de se promener avec une main sur la braguette et l’autre sur le crâne. Les 23 et 24 novembre 2001, cinq présumés voleurs de sexe étaient brûlés vifs par des conducteurs de taxis-motos de Cotonou. Dans l’ouest du Cameroun, le 21 mars 2010, en pleine journée, au carrefour Tchouta’a du village de Bamena, des jeunes armés de gourdins et de machettes fondaient sur un homme d’une quarantaine d’années, Félix, enseignant qualifié de « charlatan ».

L’homme que l’on rouait de coups aurait abordé un garçon de 23 ans, le matin même, aux alentours du marché. Devant les gendarmes, la victime présumée raconta que Félix lui aurait posé quelques questions sur sa situation matrimoniale et l’état de sa virilité. C’est à cet instant que son sexe aurait disparu de son caleçon. Un témoin de la scène confirma, devant les pandores, qu’il aurait constaté le rétrécissement du pénis, devenu « presqu’invisible ». Le dénommé Félix échappera de peu à la vindicte populaire.

Victimes expiatoires de la vindicte populaire

En juin de la même année, à Touba, au Mali, sept personnes affirmaient avoir perdu leurs attributs sexuels après avoir serré la main d’un élève de la Maison du Coran et du Hadith.

Cette année, c’est donc au Burkina Faso que ces faits-divers refont surface. Dans la ville nordiste de Ouahigouya, le dimanche 11 septembre dernier, un “guérisseur” est interpellé pour fait de vol de sexe. Après avoir administré un médicament traditionnel contre les maux de ventre et fourni des bagues “magiques”, il aurait fait disparaître les “clefs à molettes” de deux jeunes mécaniciens.

Selon certaines sources, en une quinzaine d’années, la rumeur des réducteurs de sexe aurait fait, en Afrique de l’Ouest, près de trois cents morts et plus de trois mille blessés, victimes expiatoires de la vindicte populaire.

Le plus cartésien des observateurs ne comprend guère que des allégations aussi surréalistes suffisent pour conduire à de tels scandales. Mais les populations ne sont pas si incrédules. Bien sûr, pour les uns, il n’a jamais été prouvé scientifiquement que le sexe d’un homme puisse disparaître à la suite d’une simple poignée de main. Mais pour d’autres, bercés tout autant de syncrétisme que de considérations intellectuelles, il n’y a pas de fumée sans feu et « en Afrique, tout est possible ».

L’incernable mobile du crime

Bercé, lui, de romans policiers, le cartésien pose alors la question de l’incernable mobile du crime. À cela deux réponses possibles, relatives à la magie noire ou à l’escroquerie…

Le Sahel est pudibond. En 1997, le Conseil supérieur de l’Information réprimandait officiellement un journal satirique burkinabè qui dessinait, sur sa une, le pénis de la discorde. Cette pudeur explique peut-être qu’on ne vérifie que rarement les allégations de la prétendue victime subitement “asexusée”. Mais aussi prude que soit le Burkina, certains Burkinabè sont friands de “wack”, la magie noire locale. Et l’organe sexuel semble être bien prisé par les moins scrupuleux de ses adeptes. En témoigne le trafic de clitoris dévoilé dernièrement au Faso. Les pratiques occultes justifieraient donc le maraudage de sexe…

Pour d’autres, le vol, vérifié ou non, relèverait de l’escroquerie. Acte I : un aigrefin dérobe ou persuade un pigeon qu’il a dérobé son précieux organe. Acte II : tapi dans l’ombre, un acolyte compatissant offre à la victime une épaule à jérémiades. Acte III : quelques minutes plus tard, le complice invite le malheureux à débourser, chez un “wackman” de ses connaissances, quelque somme pour l’antidote. Les escrocs parient sur la pudeur qui devrait empêcher les souffre-douleur de hurler leur mésaventure sur les toits. Est-il alors nécessaire que le sexe disparaisse pour de vrai ? Aveuglé par l’angoisse, celui qui est prédisposé à croire à “l’évaporation” perdra tout sens de la mesure. Subitement subjectif devant son organe favori, il se laissera persuader que celui-ci rétrécit effectivement à vue d’œil. L’affolement n’a-t-il pas pour effet, via la circulation sanguine, de le miniaturiser effectivement ?

Réguler la circulation de spermatozoïdes

Le pénis devient un serpent de mer qui resurgit quand il “disparaît” ; de fait-divers en fait-divers. Alors que le sept milliardième humain est né, les disparitions d’appareils génitaux ne pourraient-ils pas réguler la circulation de spermatozoïdes africains que l’on dit trop prolifiques ? On pourrait en rire si les rumeurs ne conduisaient pas à des lynchages, d’Abidjan à Accra. Et à une insidieuse stigmatisation.

Lorsqu’on ne désigne pas du doigt tous les vendeurs d’amulettes, on crie haro sur certaines communautés. La ficelle est parfois grossière. On connaît les vieilles femmes inutiles que l’on qualifie, dans les villages, de « mangeuses d’âmes », en leur imputant tel ou tel décès, sur la foi de cadavre qui “guide” les enquêteurs vers la case de la présumée sorcière.

En matière de rétrécissement de sexe, on accuse essentiellement des étrangers. La technique serait une spécialité des Haoussas originaire du Niger et du Nigeria, des Yorubas, ethnie de la rive droite du fleuve Niger ou des Ibos, ethnie du Sud nigérian composée de gens souvent reconnaissables à leur teint clair. Stigmatisation et délit de faciès… Gare à vous si votre accent a des relents de djerma…

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