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Mutinérie militaires : Bobo-Dioulasso comme un Far West

Publié le vendredi 3 juin 2011 à 03h10min

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Pendant deux nuits des soldats mutinés sont descendus dans la ville de Bobo-Dioulasso avec des armes à feu semant ainsi la panique au sein des populations. Pillages, vandalisme, vols et destructions de biens privés et publics, tel est le spectacle désolant qu’ont offert ces soldats supposés assurer la défense du peuple.

Bobo-Dioulasso est toujours sous le choc. Que s’est-il donc passé pour que les soldats du camp Ouezzin Coulibaly qui avaient pourtant fait preuve d’intégrité, de patriotisme, de patience, bref, donné le bon exemple, entrent aussi dans la danse ? Aux dires du gouverneur de la région des Hauts-Bassins, Pascal Bénon, il s’agit toujours des questions d’indemnités et de primes. Les bidasses seraient jusqu’à présent en attente des promesses prises par le gouvernement concernant la question.

Tout aurait commencé aux environs de 21h la nuit de mardi où les soldats se sont fait entendre par des tirs d’armes. Ce spectacle a duré pendant quatre heures avant qu’ils ne descendent au centre-ville. Progressivement, les mutins s’en sont pris aux bien privés. C’est ainsi que le seul grand super marché de la ville a été saccagé. « Lorsque j’ai appris qu’ils descendaient en ville, je m’y suis rendu. Loin, je les voyais forcer la porte du supermarché avec des gourdins, des pioches et bien sûr avec leur armes. A l’interieur, ils ont tout pillé. Le coffre fort a été cassé et une importante somme emportée », explique l’employé de ladite « boite ».

De là-bas, les soldats sont allés visiter la Société burkinabé d’équipement ou plus d’une vingtaine de mobylettes, des matelas, des réfrigérateurs, des téléviseurs et bien d’autres équipements seront emportés. Les petits commerces de vente de portables, de prêt-à-porter, d’électroménager ont reçu la visite des mutins. Sur les lieux, on pouvait voir les marteaux, des mutinions abandonnées et bien d’autres objets destructeurs. Un animateur d’une radio de la place confie qu’il a échappé à un lynchage. « A ma descente, je les ai rencontrés en train de prendre la moto d’une personne pour amener des biens au camp militaire. Lorsque j’ai voulu retourner, ils m’ont suivi et ont commencé à m’insulter », confie-t-il. Ces actes de vandalisme se sont passés devant plusieurs personnes restées impuissantes. Que pouvaient-ils d’ailleurs faire ?

Les commerçants de la ville de Bobo-Dioulasso auraient fait les frais de cette mutinerie. Le lendemain, ils ont tout de suite organisé une marche au cours de laquelle ils scandaient des injures et des solgans hostiles tels que : « Militaires voleurs, nous n’en voulons plus. Nous en avons maintenant marre de leur comportement. L’Etat est en train de former des voleurs au sein des camps militaires ». Cela ne pouvait pas suffire, puisque les commerçants ont décidé de se rendre au camp Ouezzin pour se faire justice. Mais ils seront appellés au calme.

Six blessés à l’hôpital Souro Sanou

Des victimes collatérales ont malheureusement été enregistrées. Ce sont pour l’instant six personnes dont une femme et un homme de 60 ans qui ont été blessées. Deux de ces victimes ont été admises au bloc opératoire pour des blessures diverses : plaies, fracture, traumatisme crânien, etc. Mais aux dernières nouvelles, l’homme aurait succombé suite à ses blessures. Ce dernier était un gardien de la pharmacie Souligné situé a quelques pas du supermarché Marina Market. Il a été donc touché pendant qu’il était en service. Cinq victimes ont été reçues entre 24h et 5h et la sixième aux environs de 6 h. Cette dernière selon l’infirmier que nous avons rencontré était de garde dans un hôtel de la place. Les militaires sont venus et l’ont lynché. Aussi, poursuit l’infirmier : « Nous avons reçu deux gendarmes qui ont été blessés légèrement. Selon leurs déclarations, c’est parce qu’ils ont voulu empêcher les militaires de se servir des munitions qu’ils ont reçu des coups et blessures.

Le gouvernement promet de dédommager les victimes

Le gouverneur de la région Pascal Bénon, le maire de la ville Salia Sanou et plusieurs autorités locales ont appelé les populations au calme et ont déclaré que le gouvernement se chargera des dédommagements. Ce sont de jeunes commerçants très furieux que nous avons rencontrés dans la salle de réunion du gouvernorat de Bobo-Dioulasso. Ils s’apprêtaient à se rendre au camp militaire Ouezzin Coulibaly pour se faire entendre des mutins qui leur ont causé de nombreux préjudices. Mais le gouverneur et les autorités locales ont pu les calmer. Les dégâts sont énormes et pour le moment il est impossible de faire une quelconque évaluation. L’objet de la rencontre avec le premier responsable de la région était donc de rassurer les victimes. Les rassurer, parce qu’explique le gouverneur : « Ce n’est pas la première fois que nous vivons ce genre de situation. La même est arrivée à Ouagadougou et le gouvernement a pris des mesures compensatrices. A Bobo-Dioulasso, ce sont les mêmes mesures qui seront également prises pour les dédommager ».

Aux dires du gouverneur, une équipe sera très rapidement mise en place pour faire l’évaluation des pertes. « Nul n’a le droit de se faire justice », dit-on. C’est pourquoi, indique le gouverneur : « La solution ne serait pas d’aller à la rencontre des militaires dans leur caserne pour se régler les comptes. Cela ne fera qu’empirer les choses ». C’est donc le gouvernement qui s’en chargera. Pour le gouverneur Pascal Bénon, il « s’agit certainement des questions de primes et d’indemnités ». Parce qu’explique-t-il, l’acte s’est passé dans presque toutes les garnisons. « Soit qu’ils n’ont pas été payés à temps, soit qu’ils pensent qu’ils sont oubliés », et poursuivant : « Je pense que la hiérarchie militaire et le ministre de la Défense vont s’en charger ».

Ils refusent de rencontrer les membres du gouvernement

Le gouverneur de la région des Hauts-Bassins Pascal Bénon, de même que le maire de la ville avaient rassuré les victimes des dédommagements qui seront faits. Aussi, deux ministres devraient les rencontrer pour discuter des procédures devant être prises pour les soulager. Cette rencontre devait se tenir hier matin, mais les commerçants ont décidé de ne pas les recevoir. Ils ont lapidé les façades du gouvernorat, la chambre de commerce avant de se rendre à la mairie centrale. Là-bas également, ils ont lapidé les bâtiments et ont mis le feu sur des matériels roulants et de bureaux.

Notons également que dans la nuit du mercredi à jeudi, les soldats sont encore sortis pour piller et casser. Ils ont saccagé la boutique "Burkina pas cher" situé au coté est du marché central. Des hôtels tels Diyana, Relax, Teria ont eux aussi reçu la visite des mutins. L’opératrice économique Mamou Doukouré a aussi payé les frais de la soldatesque.

Bobo-Dioulasso, la jungle

Le coffre de Marina Market a été vidé de son contenu

Après s’être rendus à la mairie centrale, les commerçants sont allés se ruer devant le camp militaire. Pendant des heures, les commerçants ont exprimé leur raz-le-bol. Ce fut une vraie bataille d’un jour. Ce qui a davantage énervé les militaires. Des coups de feu se sont fait entendre partout dans la ville. A deux, ou un sur des motocyclettes, des armes à la main, les militaires n’ont pas laissé un moment de répit. Ils sont même rentrés dans les profondeurs des quartiers tels que Belle-ville, Sarfalao, Toumouma, Koko (...) en tirant à l’air. Des stations d’essence et des boutiques ont été pillées en pleine journée. Jusqu’à l’heure où nous traçons ces lignes ce jeudi soir, des coups de feu sont entendus dans les quartiers.

Bassératou KINDO pour Lefaso.net

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