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Manifestations des militaires : « Le dossier des 33 civils accusés de vol est vide », selon Me Guy Hervé Kam

Publié le lundi 25 avril 2011 à 22h56min

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Lors de leurs manifestations, le 14 avril 2011, pour réclamer des primes, les militaires du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) ont arrêté 33 personnes qu’ils accusent d’avoir commis des vols. Le dossier a suivi son cours et a été appelé à l’audience, le vendredi 22 avril dernier au tribunal correctionnel. Mais le jugement a été renvoyé au 29 avril prochain. Pour Me Guy Hervé Kam, un des avocats chargés de la défense de ces personnes, le dossier est vide et il a foi que les accusés seront relaxés. C’est du moins ce qu’il affirme dans cet entretien qu’il a accordé à Fasozine.com dans le vendredi 22 avril 2011.

Fasozine.com : Quelle est la situation actuelle du dossier en justice ?

Me Guy Hervé Kam : Le dossier a été appelé en audience ce matin (ndlr, vendredi 22 avril 2011). Il s’agit de 33 personnes civiles, pour l’essentiel des élèves, arrêtés par des éléments du Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Ces derniers les ont présentés au Commissariat central de police comme étant des personnes qui ont commis des vols dans la nuit du 14 avril dernier, lorsque les militaires du RSP manifestaient. Les militaires ont aussi présenté divers matériels, dont des armes, disant qu’ils ont été volés par ces 33 personnes. Le procureur du Faso près le tribunal de grande instance de Ouagadougou a donc décidé de poursuivre ces personnes pour vol. Avec des confrères avocats, membres du Syndicat des avocats du Burkina et de l’Association des jeunes avocats, nous avons en charge la défense de ces personnes. Le dossier a été renvoyé au vendredi 29 avril prochain. Mais vu qu’il s’agissait d’un dossier vide, les 33 personnes, sur notre demande, ont été mises en liberté provisoire. Elles comparaitront donc libres, le 29 avril prochain, pour être jugées pour fait de vol sur dénonciation des éléments du RSP.

Outre le matériel présenté, quelle autre preuve pourrait être exibée contre vos clients ?

C’est justement cela la curiosité du dossier. Les manifestations des militaires se sont déroulées dans la nuit du 14 au 15 avril 2011. Et dans la journée du 15 avril, une partie de leurs revendications a trouvé satisfaction. Ils ont donc appréhendé, sur des bases que nous ignorons, un certain nombre de jeunes citoyens dont 5 mineurs. Dans le fond du dossier, il n’y a aucune charge palpable contre ces personnes. Leur seule faute est qu’elles se seraient retrouvées dehors au moment où les éléments du RSP manifestaient. De mon avis, pour se protéger de certains reproches, ces derniers ont attrapé ces personnes et les ont remises à la police. Ce n’est d’ailleurs pas leur fonction. Les éléments du RSP sont chargés, à ma connaissance, d’assurer la sécurité du chef de l’Etat. D’ailleurs, à la lecture du rapport des Officiers de la police judiciaire, on sent aisément que ceux-ci étaient embêtés par ce dossier. Mais ils l’ont quand même transmis au procureur pour, selon notre entendement, éviter tout affrontement avec le RSP. Mais nous ne comprenons pas la décision du procureur de poursuivre ces personnes.

Au regard de sa complexité, quel sort sera réservé à ce dossier ?

Nous avons des raisons d’être optimiste que le droit sera dit. Parce que le tribunal a eu le courage d’accorder la liberté provisoire, que nous avons demandée pour nos clients. Il est vrai que dans le contexte national actuel, la justice est mise à mal parce que le problème est venu d’elle. Et je pense que les magistrats vont dire la justice. Ce n’est pas parce que des personnes ont été arrêtées par des éléments du RSP qu’il faut les condamner pour contenter ceux qui les ont arrêtées. Au regard donc du fond du dossier, si le droit doit être dit ces jeunes personnes continueront d’aller librement à l’école mais pas à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (Maco). Même si on leur reproche d’être dehors, je n’ai pas souvenance que le couvre-feu avait déjà été instauré. Et ce n’est d’ailleurs pas une infraction pénale que de se retrouver dehors en période de couvre-feu.

Comment appréciez-vous la liberté provisoire dont bénéficient les cinq militaires dont la condamnation dans une affaire de mœurs avait entrainé une manifestation de leurs frères d’armes pour exiger leur libération ?

Il existe deux types d’appréciation de cette situation. Dans la forme, ces militaires ont d’abord été libérés d’une manière qu’on ignore. En droit, c’est une évasion. Lorsqu’ils ont été réincarcérés le 7 avril dernier, ils ont obtenu la clémence de la Cour d’appel qui leur à octroyé la liberté provisoire. Il me semble que quelqu’un qui s’est déjà évadé ne peut pas bénéficier de la clémence du tribunal. Mais celui-ci demeure indépendant. En la forme, la décision est une curiosité, dans la mesure où leur condamnation a été annoncée le 22 mars 2011. C’est ce jour que les troubles ont commencé et les magistrats ont suspendu leur travail. Les militaires n’ont été réincarcérés que le 7 avril et les magistrats ont repris leur travail le 11 avril 2011. Ce qui veut dire que, entre le 22 mars et le 11 avril, la décision les condamnant n’avait pas été rédigée et que la Cour d’appel ne pouvait pas statuer.

Et c’est ce qu’elle a fait le 8 avril dernier. Mais nous respectons la décision parce qu’elle est de la justice. Sur le fond, en revoyant le code de procédure pénale, la Cour d’appel ne peut pas mettre un condamné en liberté provisoire. Seuls les détenus préventifs peuvent être mis en liberté provisoire. Il est également vrai que la Cour d’appel peut lever un mandat de dépôt. Mais les conditions sont totalement différentes de celles qu’on a actuellement. On peut donc dire qu’en droit, la décision est mauvaise.

Jacques Théodore Balima

Fasozine

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