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Tunisie : Le monde en l’envers

Publié le lundi 17 janvier 2011 à 01h13min

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Selon un proverbe populaire, quand un âne veut va te terrasser, tu ne vois guère ses longues oreilles pour attraper afin de ne pas se retrouver à terre. Et apparemment, c’est ce qui est arrivé au président Zine el-Abidine Ben Ali qui n’a pas su exactement quoi faire pour sauver son fauteuil, emporté par la rue, malgré ses 23 ans de règne absolu. Mais, bien plus que le désormais ex-chef d’Etat, c’est la Tunisie qui voit, en quelques jours, s’effondrer comme un château de cartes tout ce qui depuis des décennies faisait dans certains milieux son charme : l’ordre et la stabilité au sommet de l’Etat.

En effet, si la Tunisie a pu connaître le développement qui est le sien et fait de lui aujourd’hui un pays émergent, c’est en partie grâce à sa stabilité politique. En 55 ans d’existence ce petit Etat (territorialement parlant) du Maghreb, coincé entre 2 géants pétroliers, l’Algérie et la Libye, n’a connu que 2 présidents. A savoir Habib Bourguiba, le père de l’indépendance, et le président fraîchement déchu le Général Ben Ali. Toute chose qui a permis à la Tunisie, dépourvue de véritables ressources naturelles comme ses voisins, d’attirer des investisseurs, des touristes et de réaliser d’impressionnants progrès dans les domaines économiques et de l’éducation.

Mais, cette stabilité politique a été considérablement mise en mal ces derniers jours. Ainsi, en moins de 24 h le pays a compté 3 présidents dont 2 intérimaires successifs : d’abord le Premier ministre Mohammed Ghannouchi désigné par décret présidentiel, ensuite le président du Parlement Fouad Mebazaa, investi par le Conseil constitutionnel, conformément à la loi fondamentale tunisienne. Pendant que le président Fouad prêtait serment ce samedi 15 janvier, des violences et pillages de biens se poursuivaient dans les quartiers de Tunis. A Monastir, ville natale de Bourguiba située à 160 Km de la capitale, c’est une prison qui était l’objet d’un incendie. Bilan du sinistre : plus d’une quarantaine de morts parmi les détenus.

Qui l’aurait crû ?

Même 48 heures après la fuite en Arabie Saoudite du président Ben Ali, le calme était encore loin d’être totalement revenu dans les rues de Tunis et des principales villes du pays, avec la poursuite des scènes de vandalisme perpétrées, semble t-il, par des hommes restés fidèles au pouvoir déchu. Cela en dépit des efforts déployés par l’armée et les appels à l’unité des nouvelles autorités pour contrôler la situation, sans oublier les vagues de sympathies suscitées à l’Etranger. Autre chose et non des moindres : les Tunisiens, par ce soulèvement populaire, semblent avoir retrouvé une liberté de parole et de ton, certains n’hésitant même plus à le faire savoir haut et fort, parfois à la barbe et au nez d’éléments de la sécurité. Fini donc les longues années de musellement de la population. Mais, que le changement est allé très vite en Tunisie !

Manifestement, c’est à ne rien comprendre à ce qui se passe en territoire tunisien. En tout cas, pour qui a connu ce pays réglé pendant des décennies comme une coupe par le régime Ben Ali, c’est visiblement le monde en l’envers. Qui l’aurait crû ? Mais la réalité est là, implacable. Le si stable navire tunisien, en pleine zone de turbulence, est à la recherche d’un capitaine pour le maintenir dans le flot et poursuivre son trajet.
Le successeur constitutionnel du Général président exilé est-il l’homme de la situation ? Président de la Chambre des députés depuis 1997 et quatre fois ministre sous Bourguiba, Fouad Mebazaa (77 ans) est sans doute un homme politique chevronné. Reste maintenant à savoir si ce statut de monument lui suffira à calmer la rue et à organiser dans un délai de 60 jours comme le prescrit la Constitution, des élections présidentielles et législatives crédibles en Tunisie, économiquement avancée mais démocratiquement attardée. Wait and see !

Grégoire B. BAZIE

Lefaso.net

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