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Pique de Gbagbo à Blaise : « Il n’est pas donné à tout le monde de se faire réélire »

Publié le jeudi 6 janvier 2011 à 00h50min

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"...En 2003, il y a un chef d’Etat d’un pays voisin qui a dit que je méritais la Cour pénale internationale. Venant de lui, c’est succulent. Il vient de se faire réélire à 80%. Moi aussi, j’aurais dû me faire élire à 80% et on n’en parlerais plus...". C’est en ces termes qu’en se confiant au journal français Le Figaro, Laurent Koudou Gbagbo critiquait en demi-teinte le Président du Faso, Blaise Compaoré. Ces propos ne sont pas du goût d’Iterre Somé qui réagit à travers cette adresse. Pour lui, la preuve qu’il n’est pas donné à n’importe quel chef d’Etat de se faire réélire, c’est que Gbagbo a été platement battu par Alassane Dramane Ouattara.

N’en déplaise à Laurent Gbagbo, il n’est pas donné à n’importe quel chef d’Etat sortant de se faire réélire. Dans le style ampoulé et l’art consommé de l’emphase qu’on lui connaissait, il est vrai que feu Omar Bongo du Gabon avait édicté qu’en Afrique on n’organise pas d’élections pour les perdre. Le doyen disparu, nul ne regrettera que l’histoire politique contemporaine du continent le fasse mentir. Ainsi, Laurent Gbagbo a perdu l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire.

Une élection à laquelle (à décharge et en signe de conscience prémonitoire de leur défaite), usant depuis des années de tous les subterfuges, Gbagbo et son clan ont vainement freiné de tous fers pour ne pas aller.

Fermement poussés dans le dos par une communauté internationale à la fois exacerbée et déterminée, bernés probablement aussi et surtout par les résultats flatteurs des sondages commandités avant échéance, Gbagbo et les siens ont fini par franchir le pas redouté qui leur indique désormais la sortie du pouvoir. Le maïs en face (entendez ses opposants à la présidentielle) s’est transformé en caillou et Gbagbo s’y est cassé les dents !

Dans la rage de la défaite et un refus obstiné et suicidaire de quitter le pouvoir, Gbagbo ne trouve rien mieux à faire que s’en prendre à la terre entière, qu’il accuse de complot contre lui et la galaxie d’utopistes avec lesquels il se persuade que la Côte d’Ivoire est une sorte d’îlot ethnico religieux qui leur appartient ; lequel îlot pensent-ils devoir et pouvoir défendre envers et contre tous, au prix de toutes sortes de crimes et d’exactions.

Dans la mission divine de sauvetage de la Côte d’Ivoire qu’il s’est assignée et le rêve populiste de se bâtir coûte que coûte une image de sauveur d’une nation ivoirienne libre, digne et souveraine, nul n’échappe au dépit coléreux du boulanger d’Abidjan, dont la pâte a subitement tourné un certain 28 novembre 2010.

Des plus puissants de ce monde aux plus proches dirigeants africains engagés pour une sortie de cette crise à fond identitaire dans laquelle quelques intellectuels véreux et politiciens opportunistes ont plongé le peuple de Côte d’Ivoire, Gbagbo Laurent n’épargne personne de propos fielleux et revanchards.

Médiateur dans la crise avant élection, facilitateur du dialogue direct, sur demande des protagonistes eux-mêmes, qui a abouti à l’apaisement ayant permis la tenue de cette élection présidentielle en Côte d’Ivoire, Blaise Compaoré, n’a pas échappé à la folie injurieuse de son ami et frère de Mama. Homme réputé peu loquace et ne parlant guère à l’emporte-pièce, le Président du Faso ne réagira sans doute point, officiellement du moins, aux propos vexants et provocateurs de Laurent Gbagbo au sujet du score de sa propre réélection, le 21 novembre 2010.
Le maïs s’est transformé en caillou

A quoi bon du reste faire écho aux propos d’un homme qui a fini de convaincre la terre entière qu’il n’a aucune crédibilité. Laurent Gbagbo fait honte à l’Afrique entière, à ses intellectuels et très certainement aux dirigeants politiques du continent.

Le moins que l’on puisse dire par ailleurs étant en effet que la situation actuelle en Côte d’Ivoire donne, cinquante ans après les indépendances, une image fort pittoresque et pitoyable de la gouvernance en Afrique.

Aussi longtemps, malheureusement, que les instances et les dirigeants africains trouveront motifs et matières à tergiverser face à des forfaitures du genre, il y a fort à parier que les images de républiques bananières, de cirques infantiles et autres pantins de carnavals colleront longtemps encore aux modes de gouvernance et aux dirigeants politiques de notre continent.

La fermeté de départ de la position des chefs d’Etat de la CEDEAO avait en effet donné espoir au peuple ivoirien et à l’opinion sous-régionale de se voir assez rapidement débarrassés de Gbagbo et de sa clique d’activistes. En lieu et place de l’intervention armée envisagée pour mettre un terme aux exactions et aux souffrances du peuple de Côte d’Ivoire, ne nous voilà-t-il pas engagés dans une palabre stérile ?

Un dialogue de sourds avec le squatteur fou et têtu du palais de Cocody. Une médiation de plus, dont on peut raisonnablement s’interroger et douter de l’utilité, sauf à laisser du temps et de la place pour d’autres victimes innocentes, dans la saga sanguinaire qui tient lieu de gouvernance au pays d’Houphouët-Boigny depuis la mort du père de la nation ivoirienne.

L’on arguera que la Côte d’Ivoire est un Etat souverain. Un pays indépendant, doté de forces de défense et de sécurité loyales, ne fut-ce qu’en apparence, à Laurent Gbagbo. Un pays également aussi et surtout infesté de mercenaires à la solde de celui que l’on prétend chasser du pouvoir. Dans ces conditions, nul doute que la mise en œuvre d’une solution armée est loin d’être une ballade de santé.

C’est probablement au regard de cette donne qu’un pays comme le Ghana a déclaré par la voix de son chef d’état-major général des Armées qu’il n’enverrait pas de soldats en Côte-d’Ivoire dans le cadre d’une opération armée. Réalisme ou couardise ? Aux autorités ghanéennes d’assumer, le cas échéant, la consonance défaitiste d’une pareille décision aux yeux de l’opinion nationale et sous-régionale.

En attendant et ne désespérant pas que l’irrédentisme borné dont fait montre l’intéressé finisse par contraindre la CEDEAO à le déloger par la force du pouvoir, les propos pour le moins narquois de Gbagbo sur la réélection de celui-là même qui, au nom de la communauté sous-régionale et internationale, a consacré tant d’efforts ces dernières années pour la réconciliation et un retour de la paix en Côte d’Ivoire font, pour tous ceux qui en doutaient encore, toute la lumière sur l’ingratitude et la fourberie du personnage.

Blaise Compaoré n’est sans doute pas un Saint politique ; et la démocratie burkinabè certainement loin d’être parfaite. N’en demeure pas moins ubuesque toute forme de comparaison entre le magistère de l’enfant terrible de Ziniaré, comme le surnomme la presse nationale, et les dix années calamiteuses et catastrophiques que Laurent Gbagbo, à contre-courant de l’Histoire est-on tenté de dire, vient de passer à la tête de la Côte d’Ivoire.

Là où les détracteurs les plus virulents du Président du Faso s’accordent à reconnaître que, au fil des ans, sa méthode de gouvernance tend au respect et à un attachement relatif aux valeurs universelles de la démocratie (ne fut-ce qu’au plan formel) et est indéniablement porteuse pour son pays et son peuple de paix, de stabilité et de croissance, Laurent Gbagbo a réussi, en dix ans, la prouesse de dilapider le capital social, politique et économique de la Côte d’Ivoire.
Entre Blaise et Gbagbo, y a pas photo

Entre les bilans des deux dirigeants, il n’y a pas photo. Sans vouloir jeter des lauriers sur une tête fort couronnée déjà, il faut en la matière reconnaître à chacun ses mérites et éviter de mélanger les serviettes et les torchons.

Nul n’ayant le monopole du verbe acerbe et de la parole acide, Laurent Gbagbo ferait bien mieux de s’occuper de l’accident malencontreux et catastrophique qu’il représente dans l’histoire de la gouvernance politique de la Côte d’Ivoire. La preuve qu’il n’est pas donné à n’importe quel chef d’Etat de se faire réélire (peu importe à quel taux), c’est que lui, Laurent Gbagbo, a été platement battu par Alassane Dramane Ouattara.

Une défaite que, depuis des années, tout connaisseur de la carte géopolitique ivoirienne prédisait. Tous, sauf bien sûr Laurent Gbagbo et sa cour de griots et de griottes de piètre intelligence politique et de naïveté sociologique déconcertante, savaient que dans une élection libre, transparente et régulière en Côte d’Ivoire, il faudrait rien moins qu’un miracle pour qu’un personnage de si légère consistance politique (on l’a vu lors des débats électoraux) et vulgaire apparence sociale (on ne gouverne pas en nouchi !) puisse se faire réélire (si tant est du reste qu’il ait véritablement jamais été élu Président de Côte d’Ivoire...).

C’est ça qui est la vérité. Une réalité dure et difficile à avaler, il faut en convenir, pour un intellectuel qui s’est curieusement fourvoyé et définitivement discrédité dans une conviction populiste et une posture politique dévote peu honorables.

Nul doute qu’il arrivera à Laurent Gbagbo la seule chose qu’il mérite depuis son irruption frauduleuse et sanglante sur les devants de la scène politique ivoirienne. Tôt ou tard, ce monsieur, ainsi que tous ceux qui l’ont aidé ou encouragé dans l’œuvre méthodique de déstabilisation politique, économique et sociologique de ce beau et magnifique pays, légué il y a une vingtaine d’années à peine par le père de son indépendance, répondront inéluctablement de leurs crimes de sang devant les juridictions internationales et le tribunal de l’histoire de Côte d’Ivoire.

En attendant ce jour béni, qui mettra un terme au martyr du peuple ivoirien et de l’ensemble des ressortissants africains et étrangers qui vivent paisiblement à ses côtés, Laurent Gbagbo peut bien continuer d’essaimer la haine et distiller sa bile revancharde à l’encontre de ceux dont il jalouse la quiétude et la réussite relative dans la gouvernance de leurs pays respectifs. N’en déplaise à Gbagbo, il n’est point donné à n’importe quel chef d’Etat d’être réélu. Les peuples savent reconnaître les bons et les piètres dirigeants.

Compassion aux souffrances des Ivoiriens et de tous ceux et celles qui vivent en Côte d’Ivoire. Quelle que soit la longueur de la nuit, comme le chante si bien un des leurs, le jour va se lever. Souhaitons le plus tôt possible, pour qu’à jamais soient rendus à l’Afrique entière et à toute la communauté internationale, aujourd’hui tristes et meurtris, ce pays et ce peuple jadis paisibles, hospitaliers, prospères, gais et si agréables à vivre.

Pour ce faire, il y a lieu de souhaiter que les artisans de la conciliation et de la réconciliation de la Côte d’Ivoire avec elle-même (comme l’a sagement et joliment dit un prélat burkinabè), aux premiers rangs desquels les chefs d’Etats de la sous-région, Blaise Compaoré en bonne place parmi eux, n’accèdent aux propos dépités que peut tenir Laurent Gbagbo à leur encontre, ne cèdent au découragement et n’abandonnent la Côte d’Ivoire à un sort que ce pays ne mérite décidément pas.

Il y va de la solidarité africaine agissante et de la respectabilité politique du continent que la Côte d’Ivoire soit, le plus tôt sera le mieux encore une fois, débarrassée de Gbagbo et de sa bande, conformément à la volonté populaire exprimée le 28 novembre 2010.

C’est la seule issue et aucune autre possible que l’Afrique consciente et les Ivoiriens épris de paix attendent de l’engagement de la CEDEAO et de la communauté internationale dans cette phase critique de la crise en Côte-d’Ivoire. Le reste n’est que diversion, perte de temps et de vies humaines supplémentaires.

Iterre Somé

L’Observateur Paalga

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