LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine.” Montaigne

Le Couple infernal a décidé de mourir au palais du vieux !

Publié le jeudi 23 décembre 2010 à 01h26min

PARTAGER :                          

Laurent et Simone Gbagbo ne se voient plus vivre en dehors du palais de Cocody. Ils sont prêts à y laisser la vie, dans l’espoir qu’un tel sacrifice les place à la hauteur de Houphouët, le bâtisseur des lieux, qu’ils ont d’abord détesté avant d’en devenir les vils " ?dévots ?". Gbagbo était convaincu qu’il remporterait haut la main ces présidentielles du 30 octobre. Quand, quelques jours avant le premier tour, Alassane Ouattara, interviewé par RFI, conteste pour la première fois les nombreux sondages qui avaient assis sa conviction, Gbagbo perd son self contrôle et insulte sur les mêmes ondes son rival du RDR en le traitant de " ?menteur…". Le lendemain, il revient sur ses propos et présente ses excuses à Alassane Ouattara.

Mais c’était clair pour ceux qui en doutaient encore que pour lui, la défaite était exclue. Le principal slogan de la majorité présidentielle " ?on gagne…ou on gagne ?" a alerté les plus avisés sur l’état d’esprit des Gbagbo.

En Côte d’Ivoire, il y a Houphouët et Gbagbo

"Ce sont de faux héritiers ceux là. Qu’est-ce qu’ils ont fait pour leur père (Houphouët) ?? Yamoussoukro a été abandonné aux herbes. C’est moi qui suis entrain de réhabiliter Yamoussoukro avec les grands travaux que j’y ai engagé. Avec cette élection, je vais les réconcilier et les envoyer définitivement à la retraite". Ainsi parlait Gbagbo à l’occasion d’un de ses meetings dans la région des Lacs, dont Yamoussoukro est le chef-lieu. Convaincu de sa victoire certaine au premier tour, Gbagbo attendait que cette présidentielle le consacre définitivement comme l’égal d’Houphouët, dans l’histoire de la Côte d’Ivoire, à défaut d’en être l’héritier naturel. Gbagbo en était convaincu.

Il avait déjà, pour avoir résisté près d’une décennie, contre toutes les adversités internes et externes, acquis la stature de combattant. Ses obligés l’ont surnommé " ?Woody ?", le guerrier en langue Bété, son ethnie d’origine. Il lui restait d’acquérir la légitimité des urnes, lui, l’enfant de la " ?démocratie ?" et des " ?votes ?". Par ce fait, il aurait égalé Houphouët. Celui-ci a, comme lui, combattu et résisté au colon français avant d’apporter l’indépendance aux Ivoiriens. C’était à son tour de leur apporter la souveraineté et la démocratie. Une mission messianique qu’il pense devoir réaliser quel qu’en soit le prix.

Un couple fanatisé

Quand le vendredi 03 décembre, le président du Conseil constitutionnel rétablit les résultats en faveur de Gbagbo, peu après 15 heures, Simone Gbagbo, debout au milieu de la salle des pas perdus du palais de Cocody, reçoit les partisans en liesse par cette exhortation ? : " ?allez en joie. Entrez en action de grâce pour le seigneur ?". Le couple Simone-Laurent Gbagbo, sans doute convaincu par des pasteurs illuminés, se sont pénétrés d’une mission divine pour la Côte d’Ivoire. Toujours en rapport avec Houphouët, qui est le seul modèle à leurs yeux, le couple Gbagbo est convaincu d’être le " ?Moise ?" de la Côte d’Ivoire, venu réparer les "torts" d’Houphouët, représenter sous les traits de pharaon et de conduire les Ivoiriens à la terre promise de la souveraineté "authentiquement africaine" et à la démocratie. C’est pourquoi, il pense qu’il faut faire comme Napoléon, en France, " ?prendre la couronne et se la placer sur sa tête, pour éviter que le pape (la France en l’occurrence) ne le fasse plus désormais".

Sur un autre plan, les psychanalystes diront de Simone qu’elle est une névrosée. Militante syndicaliste et politique comme Laurent, elle n’aurait pas bien traversé la période de la lutte pour la démocratie du début des années 1990. Arrêtée et vraiment maltraitée dans son intimité pendant sa détention, elle s’est abandonnée à la prière, coachée par des évangélistes. Quand, par les circonstances que l’on sait, le pouvoir leur tombe entre les mains, en octobre 2000, elle est convaincue que Dieu a entendu sa prière et leur assigne une mission de sauver la Côte d’Ivoire. Deux ans après, une deuxième épreuve, le coup d’Etat manqué de septembre 2002, surmontée miraculeusement finit par la convaincre qu’ils ont une mission divine. Dieu ne peut pas montrer autant de sollicitude pour rien.

Une source proche du dossier ivoirien est convaincue qu’elle est pour quelque chose dans l’autisme actuel de son époux de président. Le jeudi 2 décembre, elle réunit une assemblée de prière de femmes exclusivement, filmée complaisamment par la RTI, instrument de la propagande des Gbagbo pour ?annoncer la dernière parole divine ? : "la souffrance des Ivoiriens va prendre fin ?bientôt". Le lendemain 3 décembre, Paul Yao Ndré, que Laurent Gbagbo appelle familièrement " ?Pablo ?", instrument de cette volonté divine, prononce la sentence de Dieu. Laurent Gbagbo reste président. Les votes de toute la région nord, sous contrôle des Forces nouvelles, sont annulés.

Mais comme tout cela ne suffisait pas à conférer la victoire à l’élu de Dieu, Pablo raye aussi d’un coup de trait, les votes de la région des Lacs, dont Yamoussoukro est le chef-lieu, et redresse les chiffres dans la région du Fromager (chef lieu Gagnoa, région d’origine de Laurent Gbagbo). C’est pourquoi, Choi Young-jin, le représentant du secrétaire général de l’ONU, qui ne conteste pas les compétences du Conseil Constitutionnel d’annuler les votes litigieux, insiste pour dire que la démarche de Paul Yao Ndré " ?n’est pas basée sur des faits ?". Même en annulant les votes du Nord, comme l’en joignait la saisine de Gbagbo, Alassane Ouattara gagne quand même la présidentielle.

Le suffrage…oui, mais on peut s’en passer !

Instruit par le précédent du Congo démocratique, où l’ONU a organisé une présidentielle qui a été en définitive remportée par Kabila fils, Laurent Gbagbo était convaincu qu’il ne peut en être autrement en Côte d’Ivoire. Cette présidentielle, dans l’entendement des Gbagbo, ne pouvait servir qu’à une seule chose acceptable, permettre de conserver ?" ?ce pouvoir chèrement acquis en 2000, puis, depuis 2005, préservé au prix de mille contorsions pour éviter d’aller aux élections ?"1. Si les Ivoiriens lui accordaient leur suffrage, ce serait " ?la symphonie achevée ?". Mais s’il devait en être autrement, les Gbagbo avaient pris leur précaution. Laurent Gbagbo l’a dit à son investiture ? : "j’avais pris mes précautions et je prends toujours des précautions légales".

Les précautions légales dont il parle, c’était de tout faire pour bloquer la délibération de la CEI au cas où les résultats ne lui seraient pas favorables jusqu’à la forclusion du délai de trois jours qui lui est imparti pour proclamer les résultats provisoires. Paul Yao Ndré, le joker, devait alors entrer en jeu. Sa décision est sans appel et la communauté internationale ne pouvait, sauf à violer les règles communément admises, que reconnaître Gbagbo, même à contre cœur. Seulement, Laurent Gbagbo, l’historien, avait mal lu le contexte ivoirien et international.

Simone et Laurent savent à présent que c’est sans issue. Mais ils ont décidé de se suicider pour un pouvoir qu’ils ont appris à chérir et dont ils savent qu’ils ne sont plus prêts à conquérir. La situation exceptionnelle de 2000 ne se représentera plus. L’historien Gbagbo sait que "l’histoire ne repasse pas les plats". Alors, à défaut d’être le messie de la démocratie ivoirienne, les Gbagbo pensent qu’en se sacrifiant, ils seront martyrs.

Par Newton Ahmed Barry

L’Evénement

PARTAGER :                              

Vos réactions (45)

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
France : Michel Barnier est le nouveau Premier ministre
Un expert militaire analyse les actions de l’Ukraine en Afrique