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SORTIE DE JEAN-CHRISTOPHE RUFIN : Un avertissement sans frais pour Wade

Publié le mercredi 7 juillet 2010 à 00h49min

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Jean Christophe Rufin

Comme s’il étouffait durant les trois ans qu’il a passés au pays de la Téranga, l’ex-représentant personnel de Nicolas Sarkozy au Sénégal a vite retrouvé son aisance et usé de sa liberté de parole sitôt après avoir quitté son poste. Sans prendre de gants, Jean-Christophe Rufin a, au cours d’une interview à une radio FM sénégalaise, critiqué Abdoulaye Wade ainsi que son fils. L’immortel Rufin (il a été coopté à l’Académie française) n’a pas été tendre envers Wade sur le fait qu’il se soit déjà déclaré candidat à sa propre succession à l’élection présidentielle de 2012.

Ce qui chiffonne le diplomate et homme de lettres français, ce n’est pas tant le manque d’alternance que l’âge de Wade. En 2012, terme de son mandat actuel, et si Dieu lui prête toujours longue vie, Wade aura 86 ans. Et pour l’Occidental Rufin, habitué à ce qu’à un certain âge l’on prenne sa retraite quelles que soient les responsabilités qu’on occupe, cela devient « curieux, surprenant » de voir quelqu’un se croire toujours indispensable à une aussi haute fonction que celle de chef d’Etat qui n’est pas forcément une sinécure. Hélas, c’est une vérité que Wade, qui, sans doute, se dit toujours jeune, n’aime pas entendre.

Si cette fois, il n’est pas sorti de ses gonds comme lors de la lettre ouverte de l’ambassadrice des Etats-Unis sur la corruption dans le pays, certains de ses proches et lieutenants sont rapidement montés au créneau. Comme en pareille circonstance, on a entendu des répliques du genre « Nous n’avons de leçons à recevoir de personne », « C’est une ingérence dans les affaires internes d’un Etat souverain » et tutti quanti. Il faut dire que Jean-Christophe Rufin a touché du doigt là où ça fait bondir Wade et ses partisans. En effet, ce n’est un secret pour personne, l’alternance au sein du parti de Wade, le PDS (Parti démocratique sénégalais), est un sujet qui fâche pour ne pas dire tabou.

Ceux qui ont osé en parler ou se sont montrés impatients dans leur volonté de prendre la place de Gorgui (vieux, en wolof) ont eu maille à partir avec l’intéressé lui-même. On leur a fait subir toutes sortes de misères qui les ont amenés à aller voir ailleurs. Les exemples les plus emblématiques et parlants à ce sujet sont les mésaventures de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck et de l’ancien président de l’Assemblée nationale Macky Sall. Il n’est un secret pour personne non plus que Wade, malgré ses dénégations et celles de son entourage, prépare son fils Karim Wade pour lui succéder tant à la tête du parti qu’à celle de l’Etat. Et c’est un crime de lèse-majesté que d’en parler aussi. Or, dans l’interview en question, la succession dynastique qui se prépare a été aussi évoquée par l’ancien ambassadeur.

Il n’y a vraiment rien d’extraordinaire dans cette interview. Jean-Christophe Rufin enfonce même des portes grandement ouvertes par rapport à des sujets que ressasse l’opposition sénégalaise. La nouveauté ici est qu’il s’agit d’un étranger. Sur ce plan, il ne faut pas s’attendre à ce que Wade et ses partisans l’applaudissent. Mais au fond, l’ex-ambassadeur leur rend service quelque part. Il leur fait même du bien à eux et à leur pays, aussi paradoxal que cela puisse paraître. En effet, la candidature de Wade à la présidentielle de 2012, la préparation de son fils pour lui succéder en 2019 (ou avant) à 93 ans, posent sérieusement problème. Et il n’y a pas que les Sénégalais que cela dérange.

La sortie est aussi une interpellation faite à Wade de savoir quitter les choses avant qu’elles ne le quittent, de ne pas se croire aussi indispensable au point de vouloir s’accrocher au pouvoir. C’est un conseil du genre « Il ne faut pas faire son temps et vouloir faire celui de ses petits-enfants » qui lui est gentiment donné. Et cela, à peu de frais. Mais Wade et ses partisans le prendront-ils en compte ? Le doute est permis au regard des cris d’orfraie poussés par l’entourage du chef de l’Etat dont certains lui chantent sans doute chaque jour qu’il est l’homme indispensable dont le Sénégal a toujours besoin. En réalité, ils lui pompent tout simplement l’air et ne pensent qu’à leurs propres intérêts.

Séni DABO

Le Pays

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