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Présidence de la Commission de la CEDEAO : Vers un report des élections (1)

Publié le mercredi 17 février 2010 à 01h43min

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Le 37e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest qui se tient à Abuja au Nigeria, n’aura d’ordinaire que le nom. Rarement, l’instance régionale, depuis sa fondation, n’aura eu à se pencher sur tant de dossiers difficiles à la fois. Et ce, dans un contexte qui se singularise par l’absence du président en exercice, le Nigérian Yar’Adua, alité depuis de longues semaines en Arabie saoudite pour raison de santé.

Ce sommet se caractérise également par l’élection d’un nouveau président de la Commission régionale qui aura pour tâche de succéder au Ghanéen Mohammed Ibn Chambas. La « guerre de succession » apparemment en latence était, en réalité déjà ouverte, à quelques semaines du sommet et oppose deux pays francophones, dont chacun espère l’élection de son poulain en remplacement du président qui termine son mandat. Le Sénégal et le Burkina Faso présentent, chacun de son côté un candidat et jouent des coudes, chacun à son niveau pour le faire valoir, auprès d’amis, d’alliés et de personnalités influentes, et ce, en vue de l’élection finale. Et déjà, on peut déplorer à ce niveau, ce manque de consensus qui traduit un déficit de cohésion et fait ressortir immanquablement l’une des grandes faiblesses de la CEDEAO. Ces deux pays de la même partie ouest de l’Afrique ont-ils vraiment besoin de se livrer à une telle rivalité, si tant est que réellement la finalité recherchée est de se mettre au service de la CEDEAO ? La réponse est non. Ils auraient pu tout simplement s’entendre et proposer un candidat unique. Cela aurait eu l’avantage de l’unicité de vue et aurait sans doute révélé aussi la cohésion et l’entente dont tout le monde rêve pour une CEDEAO qui, à ce jour, sur bien des points, peine à trouver ses marques.

Mais le fait est là, il faudra choisir entre le Sénégalais Abdoul Aziz Sow et le Burkinabè Kadré Désiré Ouédraogo. Ils devront se partager l’électorat. Il faut seulement espérer que la lutte "fratricide" ne se révèle pas âpre au point d’occulter tout le reste du sommet. Car d’autres dossiers, tous aussi brûlants les uns que les autres devront être au menu des chefs d’Etat et de gouvernement au sommet d’Abuja. Car, l’Afrique de l’Ouest n’est pas en ce moment un havre de paix. Sans exagération aucune, on peut dire qu’elle se trouve face à de sérieuses difficultés dont on ne sait pas à présent, si et comment elle en sortira. Ni quand.

Avec des points chauds comme la crise guinéenne, AQMI et ses otages au Mali, l’inflexible Tandja au Niger et l’imbroglio politique ivoirien, on ne peut raisonnablement dire que la vie est un long fleuve tranquille au sein des Etats qui forment la CEDEAO. Cependant, il convient de faire raisonnablement la part des choses : si certains pays à l’instar du Mali et de la Guinée se trouvent confrontés à des difficultés, à leur corps défendant, tel n’est pas le cas du Niger et de la Côte d’Ivoire où, à contrario, les crises semblent générées dans le premier des cas, par des "sabotages-sabordages" de la Constitution et dans le second, par une volonté manifeste des tenants du pouvoir d’exceller dans le dilatoire jusqu’à ce que opposants et démocrates s’essoufflent. Et on attend alors de savoir ce que décidera le sommet de la CEDEAO.

Le président sortant de la Commission, se sera surpassé, à propos de ces nombreux conflits qui minent l’Afrique de l’Ouest. Au risque d’attirer sur sa personne les critiques les plus acerbes. Mais au final, on reconnaît aujourd’hui qu’il aura eu raison par moments d’avoir eu des mots durs à l’encontre de certains chefs d’Etat de la région qui, envers et contre tout, auront décidé de jouer chez eux les apprentis sorciers. Quid de celui qui remplacera Ibn Chambas ? Une chose est sûre, il lui faudra mettre les bouchées doubles. L’attente est unanime que quelque chose se fasse pour ramener les dirigeants qui auront opté de jouer les récalcitrants à la raison. Mais pour cela, les têtes couronnées qui président aux destinées de l’instance régionale ont tout intérêt à faire preuve d’une cohésion et d’une collégialité à toute épreuve. Cela, il faut hélas, le reconnaître, n’a pas toujours été le cas.

On a quelquefois eu l’impression que certains dirigeants membres de cette CEDEAO ont toujours préféré le one man show retentissant et plein d’éclat à la communion de décision solidaire d’avec les pairs qui, pourtant et raisonnablement, a plus de chance d’aboutir. On se doute bien que le président Tandja, alors qu’il est mis à l’index comme actuellement il l’est, retire une double satisfaction lorsqu’il reçoit la visite d’un chef d’Etat, ami de surcroît. Car quelque part, une telle visite possède pour lui quelque parfum d’alliance, de complicité et, dans tous les cas, lui donne de croire que le chemin qu’il a pris n’est pas aussi mauvais qu’on veut le faire croire.

Les dirigeants ouest africains seraient bien inspirés de se rendre compte que les populations des pays qu’ils gouvernent attendent de ce 37e sommet de la CEDEAO de fortes décisions. Les crises guinéenne, nigérienne et ivoirienne troublent le sommeil de plus d’un dans la sous-région. Et l’attente est unanime que des solutions adéquates s’imposent. Il faut se donner les moyens de les obtenir. On ne peut que souhaiter bonne chance à ce sommet. Il en a bien besoin. Tout comme il a besoin de sagesse et de réalisme pour réaliser enfin ce qui doit l’être. Car, il lui faut, à tout prix, éviter l’écueil de décevoir à l’heure où il urge de redonner espoir à des milliions de personnes dont le sort reste entièrement lié à ses futures décisions.

"Le Pays"

N-B : (1) Le titre est du LeFaso.net : Aux dernières nouvelles, il semble que l’élection du président de la Commission de la CEDEAO qui devait voir le face à face entre le Burkinabè Kadré Désiré Ouédraogo et le sénégalais Abdou Aziz Sow a été reporté en juin prochain. L’intérim sera vraisemblablement assuré par un Ghanéen. Nous y reviendrons.

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