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Culture du Jatropha : Conquérir l’or vert avec prudence

Publié le vendredi 5 février 2010 à 01h34min

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Un peu partout au Burkina, les plantations de jatropha poussent avec la bénédiction des techniciens de l’agriculture et de l’environnement. L’engouement pour cette plante est de plus en plus grand.

On le considère comme “l’or vert” ou le “carburant du futur”. Le Jatropha curcas, selon les spécialistes, est une plante au rendement très élevé, dont l’huile a les mêmes propriétés que le diesel.

Un seul plant donnerait un litre de biodiesel par an et ce, pendant 40 ans. D’où l’engouement pour la culture de cette plante. Malgré ses vertus sans cesse vantées, comme sa capacité de résistance à une longue sécheresse, le Jatropha a été pendant longtemps négligé.

C’est à la faveur de l’augmentation effrénée du coût du pétrole avec l’épuisement annoncé des énergies fossiles que la recherche s’est tournée à nouveau vers le Jatropha, suscitant du coup l’intérêt de nombreux groupes industriels.

Au Burkina Faso également, le Jatropha a le vent en poupe. Autrefois, servant de haie vive pour protéger les champs des animaux, le Jatropha est devenu une filière économique.

Au départ, le Jatropha, devait être planté uniquement dans les zones arides, très désertiques, ou aucune culture n’est possible. En ce moment, son utilité est certaine puisse qu’il contribue à restaurer les terres, et à combattre l’avancée du désert.

Aujourd’hui, avec la perspective d’un marché potentiel, lié au besoin de biocarburant, les plantations de Jatropha se multiplient à travers le pays, même dans les zones suffisamment arrosées comme la Comoé, le Nayala et le Houet. Par exemple, la province du Nayala compterait à ce jour 150 producteurs de Jatropha. Ces producteurs qui espèrent vendre les graines pour avoir des revenus substantiels y consacrent beaucoup de temps et d’énergie contrairement à ce qu’on avait pensé.

Selon Gilles Vaintilingom, chercheur du CIRAD, le coût d’entretien est élevé lorsqu’on en fait une grande exploitation et le rendement est souvent faible. Le Jatropha n’étant pas un produit comestible. L’intensification de sa production dans un pays où la sécurité alimentaire reste encore un défi, peut constituer une menace. Le marché n’est pas encore bien structuré. A l’image de la filière coton, pouvue qu’à la longue, il ne se crée pas une dépendance envers l’acheteur, entraînant une baisse des prix d’achat.

En octobre dernier, le gouvernement ivoirien a préconisé la prudence, expliquant que toutes les techniques de son fonctionnement ne sont pas encore maîtrisées. En Inde, des agriculteurs ont fini par abandonner sa culture car n’ayant pas apporté les revenus promis. Une expérience similaire a été vécue par les producteurs d’anacarde au Burkina Faso. En effet, désenchantés, des producteurs du Sud-Ouest ont dû détruire leurs plantations d’anacarde pour y semer du maïs en 2007.

D’où la nécessité de prendre des précautions pour ne plus tomber dans le piège. Alors que la fièvre monte au niveau des producteurs, les acheteurs ne se bousculent pas pour acheter les récoltes. Même si des comptoirs d’achat de graines de Jatropha sont en train d’être implantés un peu partout dans le pays, il faut surtout souhaiter que tout soit mis en œuvre pour l’achat effectif de la production. En 2007, une convention-cadre pour le développement de la filière biocarburant avait été signée entre le Burkina Faso et la société française Agro Ed.

L’implantation d’une unité industrielle pour la fabrication du biocarburant qui devrait être une suite logique de cet accord est toujours à l’état de projet. A quant la concrétisation de ce projet, source supplémentaire de motivation des producteurs ? Car au moment où certains chercheurs soutiennent à cor et à cri que le jatropha est un mirage, il convient de poser des actes concrets pour convaincre les plus sceptiques. Selon Gilles Vaitilingon, beaucoup de projets allant dans ce sens ont échoué.

Les agriculteurs doivent de ce fait être prudents dans l’allocation des terres pour le Jatropha. Evitant toute propagande, les promoteurs du Jatropha ont également le devoir d’aider les producteurs à mieux calculer leurs coûts de production et les bénéfices en faisant un parallèle avec d’autres cultures.

Fatouma Sophie OUATTARA (sofifa2@yahoo.fr)

Sidwaya

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