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LIBYE – SUISSE : Intraitable Kadhafi

Publié le jeudi 3 décembre 2009 à 01h21min

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Il y a deux choses pour lesquelles les Suisses sont aujourd’hui bien placés pour donner des conseils à qui le voudrait. La première est qu’il ne faut jamais toucher le cheveu d’un fils de Kadhafi même s’il déconne. La seconde est que Kadhafi père a la rancune tenace. Pour avoir donc interpellé d’une manière jugée musclée Hannibal Kadhafi chez eux en 2008 suite à une plainte de ses domestiques, la Suisse et ses ressortissants continuent de payer jusqu’aujourd’hui ce crime de lèse-enfant du Guide.

C’est ce que l’on peut dire au regard du sort de deux hommes d’affaires suisses en Libye. Retenus contre leur gré au pays de Kadhafi en représailles à la mésaventure genevoise de Hannibal, Max Göldi, chef d’une filiale d’un groupe d’ingénierie, et Rachid Hamdani, responsable d’une PME, sont devenus des otages qui ne disent pas leur nom. Au gré des événements et des humeurs de Kadhafi, l’étau se serre ou se desserre autour d’eux.

Le 1er décembre dernier, la probabilité de leur libération qui était dans l’air du temps s’est (à jamais ?) éloignée. Ce jour-là, les deux otages de luxe ont été jugés par contumace et condamnés à 16 mois de prison ferme et à une amende de 2 000 dinars libyens (environ 1 100 euros) pour séjour illégal. Même si on ne le crie pas sur les toits, les deux hommes d’affaires paient quelque part l’interdiction de construire des mosquées avec des minarets en Suisse, votée à plus de 57% le 30 novembre dernier par les Suisses. Kadhafi a eu ainsi une verge de plus pour fouetter les Suisses perçus depuis la votation (référendum) de dimanche dernier comme des adversaires de l’Islam.

Du même coup, il relance le bras de fer avec les autorités de Berne qui croyaient que la confrontation était finie avec les promesses de libération de ses ressortissants faites par Tripoli. Une fois de plus, Kadhafi fait chanter un pays du Nord. Avant la Suisse, c’était la Bulgarie qui avait supporté jusqu’à l’extrême les caprices du guide libyen qui retenait dans ses geôles des médecins de ce pays, accusés d’avoir inoculé le virus du Sida à des enfants. C’est finalement la France qui a réussi à les faire sortir de cette situation. Le Guide de la Révolution d’Al Fateh semble intraitable avec les Occidentaux. Il semble avoir trouvé le point faible de ces gens qui se croient à tort ou à raison, tout puissants. Le mythe de l’Occident est tombé aux yeux de Mouammar Kadhafi.

Il est l’un des rares dirigeants du Sud qui n’hésitent donc pas à toiser les Occidentaux. Dans l’affaire des deux hommes d’affaire suisses, il n’y a que les autorités de Berne qui donnent de la voix. Pas pour condamner cette prise d’otages mais juste regretter que la promesse de libération n’ait pas été tenue. Sauf omission de notre part, aucun autre pays occidental n’a encore dit mot. C’est le silence total. Or, dans d’autres circonstances, tout ce que ces pays comptent comme défenseurs des droits de l’Homme, organisations et ONG, se seraient offusqués de la détention contre leur gré des pauvres hommes d’affaires. Pourquoi donc les Occidentaux se laissent mener par le bout du nez par les Libyens ? Ils doivent bien avoir leurs raisons.

Et il ne faut pas chercher loin pour en trouver. Le pétrole libyen enivre l’Occident à tel point qu’il est prêt à tout pour l’avoir. Pour cela, les caprices, les sautes d’humeur du numéro un libyen sont un moindre mal. L’homme fort de Tripoli, le sachant, n’hésite pas à jouer sur ce tableau. Tant qu’il y aura le pétrole, le guide sera en position de force, donc intraitable. Dans cette situation, l’Occident évitera autant que faire ce peut d’avoir un bras de fer avec lui. Qui est fou ?

Par Séni DABO

Le Pays

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