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Environnement des affaires : Les Tertius’boys à l’épreuve de l’incivisme fiscal

Publié le vendredi 13 novembre 2009 à 00h57min

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Depuis quelques semaines, la Direction générale des impôts est en guerre contre les entreprises qui n’honorent pas leurs engagements vis-à-vis du fisc. Les fins limiers des différentes divisions fiscales multiplient des contrôles inopinés dans les boîtes pour distribuer de bons et de mauvais points. Mais comme ils devaient s’y attendre, le nombre de mauvais élèves est malheureusement encore supérieur à celui des bons. Ils sont légion, les entrepreneurs, commerçants et autres opérateurs, à se faire prendre en flagrant délit de non-paiement des sommes dues au Trésor public, de non-reversement de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), ou encore des cotisations sociales dues à leurs employés.

L’incivisme fiscal a la peau dure au Faso. La gangrène semble difficile à éradiquer, et pour cause.
Si l’on peut se féliciter de la volonté du pasteur Testicus Zorro de mettre de l’ordre dans les Finances publiques et d’imposer une certaine discipline dans l’environnement des affaires, force est de constater que les mauvaises habitudes qui persistent de chaque côté ne lui facilitent pas du tout la tâche. La grande majorité des opérateurs économiques du Burkina n’a pas encore intégré le paiement des impôts et des différentes taxes dues au fisc comme une obligation dont ils doivent obligatoirement et volontairement s’acquitter.

Ils préfèrent toujours feinter l’Etat plutôt que d’honorer leurs engagements. Et lorsqu’adviennent les contrôles, ils usent de toutes les astuces imaginables pour ne pas payer ce qu’ils doivent.
Les tactiques les plus usitées en la matière restent la falsification des documents comptables et la corruption des agents des Impôts. C’est peu de dire que la comptabilité de beaucoup d’entreprises qui font des affaires dans le pays ne respecte pas toujours les règles éthiques. Entre les comptes qui sont présentés aux contrôleurs des impôts et la réalité des recettes et des charges de l’entreprise, le fossé est parfois abyssal. La transparence n’est pas encore la chose la mieux partagée. Le sport favori est de brouiller le plus possible les pistes afin de continuer à gagner beaucoup d’argent tout en payant très peu d’impôts. C’est un jeu de cache-cache quasi institutionnalisé qui s’est installé dans les rapports entre les entreprises et la Direction générale des impôts.

Dans ce jeu, qui devient logiquement malsain, ce sont les plus malins qui se sucrent le plus.
Conscients que les entreprises ne respectent pas toujours les règles, certains agents du ministère de l’Economie et des Finances n’hésiteraient pas à exploiter cette faille pour empocher des sommes indues afin, diraient-ils, d’effacer les ardoises ou de fermer les yeux. Ainsi sont nées les brebis galeuses qui s’enrichissent en un temps deux mouvements, bâtissent des villas somptueuses à Wagda 2000, roulent dans les grosses cylindrées alors qu’ils ont à peine 5 années de carrière et que leurs salaires n’ont connu aucune avancée substantielle. La situation de ces agents qui s’enrichissent subitement est du reste connue de leurs supérieurs hiérarchiques qui, curieusement, n’osent même pas s’interroger sur l’origine de leur fortune ostentatoire. Le pire c’est qu’ils sont quelquefois présentés ou enviés (c’est selon) comme des modèles de réussite sociale. Et pourtant, tout le monde est convaincu que ce ne sont que des affairistes, des dealers qui polluent impunément l’environnement des affaires.

Par ailleurs, on connaît aussi des entrepreneurs et des opérateurs économiques qui n’ont coutume que de régler leur problème de fisc dans les couloirs obscurs du service des impôts. Ceux-là n’ont ni recours aux voies légales de remise de taxes dues, ni de demande de paiement à tempérament de ce qu’ils doivent. Ils préfèrent graisser les pattes des fonctionnaires plutôt que verser le moindre kopeck dans les caisses de l’Etat. Certains sont passés maîtres dans l’art d’utiliser leurs relations administratives et politiques pour solder leurs comptes. Ils sont convaincus qu’il suffit d’avoir les bras suffisamment longs pour passer à travers les mailles des filets. Vrai ou faux ?

La promiscuité entre des opérateurs économiques et des acteurs politiques de haut rang n’est pas toujours de nature à favoriser le civisme fiscal au Faso. Car il est reconnu que les grands commerçants et autres entrepreneurs qui financent les activités des partis politiques ou sponsorisent des manifestations caritatives organisées par des personnalités attendent toujours un retour d’ascenseur. Soit en termes de marché, soit d’exonération d’impôt, ou de couverture en cas de pépin avec l’Administration en général ou le service des impôts en particulier. Tout compte fait, ils ne sont pas généreux pour rien. Le hic c’est que cette générosité a des effets polluants sur l’environnement des affaires.
Dans le jeu du chat et de la souris entre le service des impôts et les acteurs du monde économique, il y a aussi ceux qui comptent sur leur lien de sang avec tel ou tel môgô puissant du régime pour échapper au fisc et à toute forme de contrôle.

Ceux-là s’adonnent à tous les écarts possibles. Et lorsque surviennent des impairs, c’est toute la république qui est éclaboussée par leur gaffe. Dans ce lot, on cite les beaux-frères, les belles-sœurs, mais aussi les belles-mères proches ou lointaines.
Ainsi, dans l’affaire peu reluisante de « chèques roses » dans laquelle deux personnalités importantes du ministère de l’Economie et des Finances sont impliquées, certains sont déjà convaincus que ceux-ci joueront de leurs « liens de sang » pour se tirer d’affaire. Mais apparemment, l’affaire est plus sérieuse qu’on ne peut l’imaginer, puisque les intéressés auraient été déférés à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (Maco) en attendant qu’ils soient situés sur leur sort. Ce malgré leur statut et leurs relations.
Le pasteur Testicus Zorro pourra-t-il résister aux « interventions » et autres influences dans sa croisade contre l’incivisme fiscal ou laissera-t-il passer les gros poissons à travers la nasse ? Il est peut-être encore trop tôt pour en juger. Ce qui est sûr, c’est que ce nouveau front ne sera pas de tout repos pour lui. Mais c’est seulement lorsqu’il ira jusqu’au bout qu’il pourra prouver sa ténacité et donc sa capacité à briser ces mauvaises pratiques qui plombent dangereusement l’économie burkinabè.

F. Quophy

Le Journal du Jeudi

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