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Me Bénéwendé Stanislas Sankara : "Le pouvoir a trompé Laurent Bado"

Publié le mercredi 30 septembre 2009 à 03h13min

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Le bureau de l’Assemblée nationale, en sa délibération du mardi 22 septembre 2009, a désigné Me Bénéwendé Stanislas Sankara, président de l’Union pour la renaissance-Parti sankariste (Unir-PS) comme chef de file de l’opposition burkinabè. C’est une satisfaction pour le leader de l’Unir-PS, qui a toujours revendiqué ce titre. Cependant, il reconnaît les difficultés liées à une telle tâche. Dans l’interview qu’il a accordée à Fasozine.com, il fait le tour d’horizon des problèmes qui l’attendent dans l’accomplissement de cette mission.Me Sankara s’est également prononcé sur les recentes déclarations du Professeur Laurent Bado(Paren) sur une chaîne de télévision.

Fasozine.com : Lors de sa dernière sortie sur la chaîne de télévision Africable, le professeur Laurent K. Bado, député et fondateur du Parti de la renaissance nationale (Paren), a déclaré, sur la foi d’une liste, qu’en dehors d’un opposant, que tous les autres ont reçu de l’argent du président du Faso pour créer une opposition forte. Avez-vous également reçu l’argent de Blaise Compaoré ?

Me Bénéwendé Stanislas Sankara : Il a été trompé. Et c’est dommage qu’un professeur de sa trempe se laisse tromper ainsi. Au début, nous avons suivi cette affaire des 30 millions du président du Faso. Cela a même entraîné l’échec de l’OBU (Opposition burkinabè unie) qu’il avait créée avec le docteur Emile Paré. Ce n’est pas parce qu’il a pris cet argent du président qu’il va croire, à tort, que tout le monde en a pris. Il doit respecter l’opposition. Si le professeur a choisi de venir en politique, de surcroît dans l’opposition puisqu’il s’en réclame, je pense que le minimum c’est d’avoir un peu de considération pour les hommes politiques de l’opposition. Je me garde de faire des appréciations des gens, parce que mon éducation ne me le permet pas. Peut-être qu’il a encore été payé pour le dire.

Je suis convaincu que pour faire la politique, il faut des journalistes. Et Me Sankara ne hait pas les journalistes. Pour cela je remercie toute la presse et exprime mon admiration pour Fasozine qui est toujours au top.

Quels sont les sentiments du tout nouveau chef de file de l’opposition que vous êtes depuis le 22 septembre 2009 ?

Ma désignation est le corollaire d’une loi votée dans le sens du renforcement de notre processus démocratique, loi qui a connu des difficultés d’application. Aujourd’hui, elle connaît un aboutissement heureux. Pour cela, il faut s’en féliciter. Dès les premiers instants de ma désignation, j’ai dit que si quelqu’un saute dans le feu, il lui reste un deuxième saut à faire. C’est une vérité absolue qu’avait déjà énoncée le professeur Joseph Ki-Zerbo. De même, j’ai retenu du président du groupe parlementaire Alternance, démocratie et justice (ADJ), le député Fidèle Kientéga, que si on vous donne une tour à construire, vous n’avez plus le temps de vous quereller. Aujourd’hui, c’est comme si, dans l’opposition, nous avons à construire la Tour de Babel et que les gens sont incapables de s’entendre.

A quoi sert le titre de chef de file de l’opposition ?

Tout d’abord, ce titre offre un cadre qui permet à l’opposition de s’organiser, d’avoir un agenda et d’élaborer une plateforme commune. Ce qui intéresse l’opposition aujourd’hui, dans sa multiplicité, c’est d’avoir des objectifs globaux. On ne peut pas structurer l’opposition si chaque parti n’y voit pas son intérêt. C’est à nous de savoir transcender nos différences car, souvent, j’ai l’impression que les fossoyeurs de l’opposition sont dans celle-ci plutôt que dans la majorité. Il va falloir rapprocher les uns des autres. Cette mission me paraît extrêmement difficile, au regard de notre parcours, mais elle n’est pas impossible. Cette volonté est affichée aujourd’hui. Et chacun, à partir de son expérience, s’accorde à dire qu’il faut s’unir ou périr. En résumé, le titre va servir à réduire au maximum les fossés, et à parvenir à l’unité d’action.

Vous êtes le chef de file d’une opposition qui est pratiquement inexistante…

L’opposition n’est pas inexistante. Selon la loi, un parti d’opposition est le parti qui s’oppose au parti ou au regroupement de partis qui sont dans la mouvance présidentielle ou qui soutiennent l’action du gouvernement. Cette définition clarifie le jeu politique. On sait maintenant quel parti est de l’opposition ou ne l’est pas. Et je trouve que ce n’est pas vrai de dire que l’opposition est inexistante.

Depuis l’adoption de la Constitution, en 1991, les Burkinabè en âge de voter ne s’attachent pas aux processus électoraux. Ce qui veut dire que le peuple attend un changement à la tête de l’Etat. C’est en cela que la question de l’alternance est très importante. Cependant, il faut se demander si le jeu politique actuel permet l’alternance. Je ne le crois pas. C’est d’ailleurs ce qui explique la résistance du pouvoir. L’opposition évolue dans un système. Pour cela, tout système sécrète son opposition. Si le système est bancal, il y aura une opposition bancale. Par contre, si le système est dynamique, si les règles du jeu sont claires, l’opposition sera dynamique.

L’opposition burkinabè a du mal à s’unir. Affirmez-vous pouvoir créer l’unanimité autour de votre personne ?

Oui, je l’affirme !

Comment comptez-vous vous y prendre ?

Il n’y a pas de remède miracle. Nous devons concrétiser notre volonté politique de travailler ensemble. Déjà, au niveau de ceux qui se réclament de l’idéal sankariste, nous travaillons, au sein du groupe parlementaire ADJ, avec le président du Front des forces sociales (FFS), Norbert Michel Tiendrébéogo. Il y a également eu la fusion de l’Union pour la renaissance-Mouvement sankariste (Unir-MS), de la Convention panafricaine sankariste (CPS) et d’une partie du FFS. Certains partis sankaristes ne sont pas représentés à l’Assemblée nationale, mais on se retrouve dans le Cadre de concertation des partis de l’opposition (CPO). Nous avons toujours voulu travailler ensemble et, entre sankaristes, il n’y a pas de diversité idéologique. Le statut nous offre une occasion pour rassembler plus large.

D’ailleurs, en tant que chef de file de l’opposition, ce n’est pas l’idéologie politique des partis l’appartenance à l’opposition, dans son ensemble, selon la clarification effectuée par la loi, qui compte. C’est du reste cet appel que je lance à tous les partis de l’opposition burkinabè, afin que nous puissions travailler ensemble.

Les partis d’opposition sont constamment en bute à des difficultés financières et n’arrivent pas à mener leurs activités. N’est-il pas grand temps qu’ils se prennent mieux en charge pour ne plus dépendre ainsi de l’Etat, pour ne pas dire du pouvoir ?

Les moyens sont un frein au processus démocratique dans les pays africains. Et ceux qui sont au pouvoir confondent les moyens de l’Etat à ceux du parti. A l’Unir-PS, nous disons que c’est le militant qui fait le parti. L’apport du militant est diversement apprécié, dans la mesure où celui-ci apporte déjà un soutien physique inestimable quand le parti mène ses activités. Et dans ce cas, il ne peut plus supporter le coût de la visibilité des actions du parti. Dans une société où la majorité vit au-dessous du seuil de pauvreté, nombre de militants n’arrivent pas payer leurs cotisations. A l’Unir-PS, la cotisation est d’environ 100 F CFA par mois. Mais nous avons du mal à collecter les fonds. En gros, je veux dire que les ressources doivent d’abord venir du parti, qui est obligé d’initier des activités lucratives.

De même, nous sommes dans un pays où il n’y a pas de sponsors. C’est d’ailleurs une bonne chose pour l’opposition parce que tous les opérateurs économiques se retrouvent dans la grosse poche des dirigeants. Personne ne supportera ouvertement l’opposition, s’il court le risque de voir sa boutique fermée. C’est la même chose chez les intellectuels, qui veulent préserver leurs postes. Avec le statut, si on améliore les rapports, on peut aboutir à un dialogue où on mettra beaucoup plus en exergue le pluralisme des idées, des opinions, pour préserver l’indépendance et la liberté.

Pendant longtemps, vous avez réclamé ce titre de chef de file de l’opposition. Maintenant que vous l’avez, qu’apporterez-vous de plus à l’opposition ?

Ce n’est pas le chef de file qui apporte quelque chose. De toute façon, je m’inscris dans la logique que toute liberté se conquiert. Aussi, n’avons-nous pas attendu une quelconque résolution de l’Assemblée nationale pour regrouper l’opposition. Mais il ne s’agit pas de faire des regroupements pour la forme. Le Burkina a connu tellement de regroupements qui se sont disloqués ou qui se sont cassés.

On ne peut pas réaliser l’alternance tout seul. Peut-être qu’un jour, on pourra, si on a des partis suffisamment grands, forts et qui ont des moyens, mobiliser des gens. Aujourd’hui, la population a besoin d’alternance sans forcément passer par une révolution nationale comme certains le prônent, mais avec un processus où le citoyen pourra voter librement et de façon consciente. La question de la contribution du chef de file de l’opposition peut se poser dans ces conditions.

Mais au regard de la configuration actuelle, on est tenté d’être sceptique parce qu’on se dit que le pouvoir a déjà lancé sa machine électorale. La Commission électorale nationale indépendante est en train de parcourir des pays africains et européens pour mettre en place ses démembrements, et l’opposition se contente seulement d’aller aux élections. C’est pour dire que plus nous attendons, plus nous n’aurons pas le droit de faire des reproches au pouvoir, parce que la faute nous incombe par notre inertie. Il est de notre devoir de contribuer à l’exercice des règles du jeu démocratique. C’est notre première mission. Et pour y arriver, il faut que nous acceptions de nous dire la vérité, examiner nos forces et faiblesses et définir des perspectives communes. Nous avons déjà commencé ce travail au niveau du CPO et le titre de chef de file n’est qu’un prolongement.

Il est extrêmement important d’évoluer vers des concertations et un agenda commun. Le reste résidera dans la volonté politique de tout un chacun. Mais je suis conscient des obstacles. Certains partis se réclament de l’opposition, mais font pire que le pouvoir. Je n’ignore pas non plus que le pouvoir ne nous laissera pas en paix. C’est de bonne guerre. Pour nous, le titre de chef de file de l’opposition est une première expérience. Il y aura des lacunes, des faiblesses. Mais cela n’entachera en rien à notre volonté inébranlable de faire un pas avec le peuple burkinabè.

Fasozine

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