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Procès Charles Taylor : « Faiseur de paix », on aura tout entendu

Publié le mercredi 15 juillet 2009 à 02h00min

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Lorsque le 11 août 2003 Charles Dakpenah Ghankay Taylor a quitté Monrovia et le pouvoir pour la cité de Calabar au Nigeria, afin d’y couler un exil doré, a-t-il songé un instant que, quelques années plus tard, les fantômes de ses victimes par procuration en Sierra Leone le rattraperaient ? Sans doute pas, puisqu’avant de l’amener chez lui, Olesegun Obasanjo, le chef de l’Etat du Nigeria à l’époque, avait prévenu la communauté internationale : « Je le prends, mais ne me demandez pas après de le livrer à la justice ». Paroles prémonitoires, du moins réalistes de l’ex-président nigérian, car, le 20 juin 2006, le monde entier voyait un Taylor menotté et envoyé par avion au Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) à la Haye via Freetown.

Depuis le 4 juin 2007, le 21e président du Liberia âgé de 61 ans comparait devant le TSSL sous le coup de 11 chefs d’inculpation, notamment « incitation au meurtre, viol, mutilation, enrôlement d’enfants-soldats ». Ayant au début refusé de se présenter devant ce tribunal des Nations unies « parce que non équitable », le célèbre rouquin du Liberia a finalement opté de se défendre. Accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, Charles Taylor est sur le gril depuis des mois. En effet, le réquisitoire du procureur du TSSL, Stephen Rapp, est très dur contre l’accusé. Bâti sur les dépositions de 91 témoins, « les requis » du procureur doivent être démontés par les avocats de celui qui accéda à la tête du Liberia en 1997. Et par lui-même.

Non content d’avoir semé la mort chez lui à partir de 1989, celui qui avait fait de la guerre son business l’a exportée visiblement en Sierra Leone. Grâce au sanguinaire Foday Sankoh, un ex-caporal de l’armée britannique, le pays fut mis en coupe réglée par le Front révolutionnaire uni (RUF), qui y pratiqua la loterie mortelle des amputations dites « manches longues et courtes » (1). L’heure est donc venue de rendre compte pour l’ancien patron du Front patriotique national du Liberia. C’est ainsi que, depuis hier 14 juillet 2009, l’intéressé, après ses avocats, est monté à la barre pour se défendre lui-même.

« J’ai agi pour la paix en Sierra Leone », tel est l’argument « massue » qu’a brandie Taylor reprenant mutatis mutandis les propos de ses avocats qui avancent la thèse du “vrai responsable” de ces atrocités. Il devra démontrer, par exemple, qu’il n’a pas aidé le RUF à s’implanter dans la région diamantifère de Kono, et sur les riches terres agricoles de Kailahun ; d’où d’ailleurs cette question pressante des juges à son endroit : « Receviez-vous régulièrement des pots de mayonnaise avec des diamants du RUF ? » Une question à laquelle il a répondu en niant tout en bloc, qualifiant tout cela de « mensonges ».

Mais il en faudra plus pour convaincre les juges. Et il faudra aussi arrêter de claironner que ce ne sont que les tronches des Africains que l’on voit dans les prisons de Shevenegen et se poser particulièrement la question de savoir si ceux qu’on y envoie sont au-dessus de tout reproche comme la femme de César. L’histoire a prouvé certes, que la justice a toujours été celle des vainqueurs, c’est une question de rapport de force, mais convenons que l’important est surtout de ne pas avoir quelque chose à se reprocher. Quand on ne trimballe rien...

Un seigneur de guerre tel que Taylor qui se présente en faiseur de paix face à des juges, on aura tout vu, mais ce sera une ligne de défense qui ne sera pas facile à tenir. Va-t-il convaincre ? Réponse au second trimestre de 2010. Enfin, cruelle ironie du sort, la plaidoirie de Taylor débute alors qu’au Liberia une des recommandations de la commission « Vérité et réconciliation », créée en 2005, vise, entre autres, la présidente, Ellen Serleaf Johnson, menacée d’impeachment et d’inéligibilité de 30 ans pour avoir.... apporté un soutien financier à Taylor. Ce sera au Parlement libérien de trancher.

Note (1) : Les éléments du RUF mutilaient les civils en « manches longues » ou « manches courtes » selon la longueur du bras amputé au coupe-coupe.

Par Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

L’Observateur Paalga

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