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Moumouni Adamou Djermakoye : Tombé les armes à la main

Publié le mardi 16 juin 2009 à 02h42min

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Moumouni Adamou Djermakoye

« Lorsqu’on est un leader politique, on doit être comme un berger et accepter de se sacrifier pour son troupeau » (1), affirmait Maître Yawowi Agboyibor, fondateur du Comité d’action pour le renouveau(CAR) et grande figure de l’opposition togolaise.

La formule de celui que les Togolais appellent affectueusement « le bélier noir » s’applique parfaitement au prince djerma du Niger Moumouni Djermakoye, qui vient de tomber les armes à la main le 14 juin 2009 à Niamey. En effet, c’est lors d’un raout anti-Tandja des dirigeants du Front de défense de la démocratie (FDD) place Toumo, dans la capitale nigérienne, que l’ex-président de la Haute Cour de justice est décédé, par suite de malaise à l’age de 70 ans.

Avec Mahamadou Issoufou du PNDS, il incarnait au pays de Hamani Diori cette race de leaders qui ne badinent pas avec les lois de la République, a fortiori la loi des lois.

Pour preuve, avant même les objurgations des Nigériens et la bronca de la communauté internationale contre les dérives politiques de Mamadou Tandja, celui qui est mort il y a deux jours fut le seul un moment à s’opposer à la tentative de rafistolage constitutionnel.

C’est que ce monsieur n’a pas la tremblote devant le président de la République qu’un long compagnonnage et une rivalité lient, avec bien sûr des hauts et des bas. On pense notamment au fait que tous deux sont issus du moule de l’Armée et surtout de la formation politique le MNSD-Nassara avant qu’une brouille ne les sépare et que Djermakoye crée son parti, l’Alliance nigérienne pour la démocratie et le progrès (ANDP-Zaman Lahiya).

Il y a aussi les hautes fonctions occupées par les deux, particulièrement le fait qu’ils ont toujours été des alliés jusqu’à ce que, récemment, le désir de Tandja de s’octroyer un troisième mandat, proscrit dans le marbre de la mère des Lois, les éloigne.

C’est d’abord par une sortie épistolaire dont le contenu est poli mais ferme, que le patron de l’Alliance nigérienne pour la démocratie et le progrès (ANDP-Zaman Lahiya) s’est inscrit en faux contre les intentions de son « pays », nom par lequel il désigne Tandja, et sobriquet qui date du temps de leur service dans l’Armée, à l’époque où le défunt était lieutenant et l’autre, sergent.

Lui rappelant dans une missive que le respect de la Constitution est sacré surtout pour le premier magistrat d’un pays, il y martèlera ces mots, qui sonnent désormais comme une prophétie post- mortem : « La violation de la constitution est une sorte d’engrenage ».

Avant même que Tandja puisse passer aux actes, l’escalade tant redoutée par le défunt se profile à l’horizon : dissolution de l’Assemblée nationale par Tandja, et surtout arrêt de la Cour constitutionnelle annulant le décret présidentiel qui convoquait le corps électoral pour un référendum le 4 août 2009.

A partir du moment où le roi est dépouillé de tous les oripeaux dont il s’affublait et se retrouve nu, comme nous l’écrivions dans notre précédante édition, nul ne peut présager de quels subterfuges, si tant est qu’il en existe, va user Tandja pour s’affranchir du corset des deux mandats. Le silence qui émane du palais de la République depuis le « non » de la Cour constitutionnelle ne doit pas être interprété comme une capitulation de celui qui veut cette rallonge de bail pour terminer ses chantiers.

Et à présent, on ose espérer que malgré la disparition de ce symbole de la lutte pour l’enracinement de la démocratie au Niger, l’opposition ne désarmera pas. On est en effet en Afrique où la mort n’est jamais naturelle, surtout concernant un adversaire d’un régime politique, encore qu’ici, à part ce différend constitutionnel, les deux ont toujours composé ;

il faut donc craindre qu’on ne fasse un rapport entre ce décès et les récentes prises de position du président de l’ANDP-Zaman Lahiya. Sous nos cieux où le mystique n’est jamais loin de la politique, lorsque deux adversaires s’affrontent et qu’il arrive que l’un d’eux décède, l’impact sur les autres adversaires pour ne pas dire sur toute la classe politique est quasi systémique.

C’est pourquoi les vœux de tous les démocrates est que, dans ce pays où les fondements démocratiques sont bien établis, ceux qui tenaient le flambeau avec Djermakoye ne baissent pas la garde, ce serait d’ailleurs le meilleur hommage qu’ils feraient à l’illustre disparu au-delà des oraisons funèbres circonstanciées. Alors, il ne serait pas mort pour rien.

Mamadou Tandja aura cependant marqué un point ne serait-ce qu’en matière de communication à l’occasion de cette soudaine disparition. Car alors que beaucoup se demandaient vu ce contexte et cette ambiance de défiance à son égard, s’il se rendrait aux obsèques de celui qui fut son frère d’armes, son collaborateur et son adversaire ces derniers temps.

Le président nigérien a eu l’élégance républicaine d’assister à la levée du corps de celui avec qui, il partageait quoi qu’on dise, des liens politiques et militaires très forts. Si seulement l’illustre disparu pouvait envoyer à l’obstiné chef d’Etat nigérien un message d’outre-tombe pour l’inciter au bon sens et à la raison !

Z. Dieudonné Zoungrana

- Notes :

(1) Interview de Me Agboyibor avec l’auteur de ses lignes dans l’Observateur paalga du 3 septembre 1998 in l’article « Togo : Les populations ne veulent plus du régime ».

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 16 juin 2009 à 03:39 En réponse à : Moumouni Adamou Djermakoye : Tombé les armes à la main

    "L’ impact sur les autres adversaires est quasi systemuique..." Qu’est ce que ce francais qui se veut gros, mais alors la inutilement veut dire ? Dieudonne, l simplicite est la mere de l’ expression, pas seulement d la surete.

  • Le 16 juin 2009 à 13:51, par Okapi En réponse à : Moumouni Adamou Djermakoye : Tombé les armes à la main

    Bjr et merci à Mr Zoungrana pour cet brillant article.
    Le souhait est que in fine le Niger resiste à la tentation suicidaire de Tandja afin que la memoire de Djermakoye se perpetue à jamais.

    • Le 16 juin 2009 à 20:13, par ZANKEY En réponse à : Moumouni Adamou Djermakoye : Tombé les armes à la main

      merci a toi qui sait reconnaitre le noble travail d`un journaliste.L`oeuvre de MDA se perpetuera a jamais ,il fut le combattant de la liberte.Son sera un bon exemple pour nous tous

  • Le 18 juin 2009 à 11:47, par Babaye-bakiya En réponse à : Moumouni Adamou Djermakoye : Tombé les armes à la main

    J’ai beaucoup apprecié votre article et à travers cela je presente mes condoleances à tous les democrates nigeriens. Je voudrais aussi interpeller tous les nigeriens democrates sincères qui aiment le Niger de decrier, dèsavouer toute sorte d’arnarchie que veulent imposer les autorités du Niger pour des interêts égoistes. Vive le niger et vive la democratie et les democrates sincères.

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