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Niger : Le roi est nu

Publié le lundi 15 juin 2009 à 01h18min

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Ce mardi 16 juin 2009, au palais du bord de mer à Libreville, ils seront des dizaines de chefs d’Etat d’Afrique et d’ailleurs à rendre un dernier hommage à feu El hadj Omar Bongo Ondimba, le record-man africain de longévité présidentielle, décédé le lundi 08 juin à Barcelone au terme de 42 longues années de règne. Le grand absent aux obsèques du président gabonais pourrait être son homologue nigérien :

Mamadou Tandja, assis désormais sur un fauteuil éjectable, qui depuis la guerre ouverte contre la loi fondamentale de son pays, rêvait d’un referendum qui lui aurait permis de prolonger son second et dernier mandat, lequel s’achève le 22 décembre 2009.

Un rêve qui a vite tourné au cauchemar, depuis cette farouche opposition conjuguée des partis politiques et des Organisations non gouvernementales (ONG) bénie par la communauté internationale et, surtout d’abord l’avis défavorable à un tel scrutin émis le 25 mai, ensuite l’arrêt pris le vendredi 12 juin par la Cour constitutionnelle du Niger annulant le décret présidentiel du 05 juin convoquant le corps électoral le 04 août prochain pour le fameux référendum sur la Constitution de la VIe République.

Comprenez donc qu’à quelque six mois de la fin constitutionnelle de son contrat avec le peuple nigérien, le président Mamadou Tandja n’ait pas l’esprit à la fête, lui qui s’échine aujourd’hui à justifier l’injustifiable par ses chantiers inachevés, comme s’il présidait aux destinées de sociétés, telles Bouygues, Bolloré ou même AREVA. D’accord que, entre-temps, les contrats miniers ont été renégociés et le cours de l’uranium revu à la hausse, mais de là à aveugler le général de 71 saisons et à stimuler son appétit du pouvoir, il y a un pas qui a vite été franchi sur les rives du fleuve Niger.

Certes la modification des constitutions, en vogue sous nos tropiques, est si contagieuse que le successeur de Daouda Mallame Wanké ne peut résister à la tentation d’emboîter le pas à ceux de ses homologues qui ont pris un abonnement pour le pouvoir à vie, mais Mamadou Tandja oublie que son Niger est tout aussi riche que fort d’une Cour constitutionnelle digne et indépendante, de partis politiques d’opposition et d’organisations non gouvernementales qui suscitent respect et admiration.

Et maintenant, que va faire le tout-puissant maître de Niamey après ce désaveu mémorable de la Cour constitutionnelle ? Alors que l’incertitude s’installe au pays d’Amani Diori, revisitons cet antécédent burkinabè consécutif aux élections législatives de mai 78, dans ce qu’il était convenu d’appeler Affaire PRA des Hauts-Bassins qui divisait davantage l’opposition et le pouvoir.

A l’époque, la Cour suprême, présidée par Charles Sériba Traoré, avait émis l’avis n°478 du 16 juin 1978 fixant à 30 la majorité absolue dans une Assemblée de 57 députés. Avis donc, le gouvernement de la IIIe République n’en tiendra pas compte, puisque portant à conséquence sur sa mainmise sur l’Assemblée nationale, lui qui était sorti des législatives avec 29 députés contre 28 à l’opposition. Puis vint cet arrêt n°1 du 17 janvier 1980 de la même Cour suprême invalidant l’élection, dans les Hauts-Bassins, d’un député de la mouvance présidentielle, Zoumana Traoré.

Les arrêts de la plus haute juridiction s’imposant à tous et étant sans recours, le gouvernement se vit obligé d’en tenir compte, et d’organiser en conséquence des partielles le 18 juin 1980 dans les Hauts-Bassins, que son candidat, le même Zoumana Traoré, remportera avec 78,86% des voix, contre 21,13% à l’opposition.

A l’évidence, le gouvernement de la IIIe République avait respecté la Cour suprême même si son président, Charles Sériba Traoré, sera plut tard limogé de son poste et remplacé par un magistrat proche de la majorité présidentielle, en la personne d’Emile Savadogo.

Une trentaine d’années nous séparent déjà de cet épisode, mais le Burkina n’est pas le Niger, et nous avons hâte de savoir quel lapin le général Tandja sortira de bon béret même si, ces jours-ci, le développement de la conjoncture politique semble indiquer que, plus que jamais, il est sur la pente raide, ce, d’autant plus qu’au Niger aussi les arrêts de la plus haute juridiction sont contraignants et s’imposent au chef de l’Etat et sont sans appel.

Tandja le sait mieux que quiconque et, en attendant, les sanctions promises par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) au cas où il braverait la Constitution sont encore vivaces dans les mémoires, tout comme ces critiques qui montent de plus en plus de Washington et d’Ottawa, et la grève générale annoncée par les centrales syndicales nigériennes pour le 18 juin prochain.

Mais le lourd silence qui pèse dans l’antre de celui qui se voulait président de la renaissance démocratique des années 90 sur les rives du fleuve Niger est des plus éloquents et semble un mauvais présage. Amère pilule, en tout cas, que ce camouflet de la Cour constitutionnelle, qui met à nu les dérives autocratiques de Mamadou Tandja.

Bernard Zangré

L’Observateur Paalga

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