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FOOTBALL AFRICAIN : Issa Hayatou en guerre contre les tricheurs

Publié le lundi 6 avril 2009 à 00h22min

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Le patron du football africain, le Camerounais Issa Hayatou, n’est pas content de ce qui s’est passé lors du 8e championnat africain des moins de 17 ans qui vient de prendre fin en Algérie : la fraude des âges. Cela a amené la Confédération africaine de football (CAF) qu’il dirige à disqualifier le Niger qui s’était pourtant qualifié pour les demi-finales dudit championnat et de la prochaine coupe du monde. Il est par contre fier du déroulement de la compétition, du niveau du football burkinabè et de l’état des préparatifs de la Coupe du monde des seniors , en Afrique du Sud. Il le dit à travers cet entretien qu’il nous a accordé dans le salon de sa suite, à l’hôtel Sheraton à Alger le 2 avril dernier.

"Le Pays" : Quel est le bilan que le président de la CAF tire de ce 8e championnat d’Afrique des moins de 17 ans ?

Issa Hayatou (Président de la Confédération africaine de football) : Je retiens de ce championnat l’esprit de fair-play qui a régné. Chacun a accepté les décisions de l’arbitre. Nous n’avons pas du tout constaté au niveau des joueurs un comportement désagréable. Nous retenons aussi l’esprit de combativité de toutes les équipes. Elles se sont battues , elles ont lutté pour mériter ce qu’elles ont mérité. Certaines ont eu leur chance , d’autres pas ; ce n’est que partie remise ; mais tout ce que nous retenons, c’est que tous se sont battus pour pouvoir honorer leur pays et le football africain. Ce championnat a prouvé une fois de plus que les fédérations nationales se préparent et que l’avenir est encore entre nos mains. Nous pouvons dire, à travers la prestation de ces équipes que nous avons vues ici à Alger, que le football africain évolue normalement. L’honneur revient aux clubs , aux fédérations nationales et à l’ensemble du mouvement sportif africain qui, jour après jour, suivent l’évolution de leurs représentants .

Le trafic des âges est encore revenu sur le tapis. En atteste la disqualification du Niger au cours de ce championnat. Avez-vous un commentaire à faire sur ce phénomène qui fausse le jeu et les résultats ?

Tous les dirigeants du football mondial condamnent les tricheries. Je sais que souvent, ce n’est pas au niveau des fédérations nationales que cette tricherie se fait. Cela se passe au niveau des encadreurs techniques par soif de vaincre. Ce sont eux qui mettent leurs dirigeants devant les faits accomplis. Ce qui s’est passé ici à Alger ne nous honore pas et nous ne sommes pas fiers d’avoir exclu le Niger ; mais les règlements commandant, nous sommes obligés, pour l’avenir du football, d’être fermes. D’abord, aligner des joueurs hors âge est contraire aux règlements ; ensuite ce comportement tue l’effort de tout un chacun. On brise ainsi l’espoir de ces jeunes qui évoluent calmement dans leurs catégories .

Par ces comportements , on veut faire croire à son pays qu’on est fort alors que c’est une opération de courte durée. On aligne des jeunes de moins de 17 ans parce qu’on veut investir sur eux sur une longue période. Quand on aligne des joueurs de 25, 27 , voire de 30 ans , cela ne s’appelle plus un jeu mais une mascarade. Ce n’est pas bien . Cela prouve que les gens n’ont toujours pas compris. Ça remet en cause tous les efforts que nous déployons au niveau des associations nationales, confédération et de la FIFA pour que le football se développe. Admettre que les vieux jouent avec les jeunes est une mauvaise politique. La fédération du Niger a aligné un joueur hors âge (ndlr, Aboubacar Dalatou). La réserve a été faite, d’après ce qu’on m’a dit(parce que je n’étais pas là) par le Zimbabwe. On a fait des enquêtes, on a comparé les documents et cela s’est révélé.

Peut-être qu’il n’est pas le seul. On a simplement eu la chance de découvrir son cas grâce aux documents que nous avons comparés. C’est la raison pour laquelle nous avons disqualifié l’équipe du Niger en espérant que les autres comprendront la nécessité d’aligner de jeunes joueurs qui obéissent aux règlements prescrits par les différentes compétitions qu’on a. Ce qui est arrivé est regrettable , mais nous étions obligés de le faire pour protéger l’évolution du football à travers le monde et tout particulièrement à travers le continent africain .

Le Niger encoure-t-il d’autres sanctions ?

On a envoyé le dossier au niveau de la commission de discipline. Je n’ai pas eu vent de la décision qui a été prise. Pour l’heure, je peux vous dire que la commission des jeunes a exclu le Niger et l’a suspendu conformément au règlement pour deux éditions. L’affaire ira ensuite à la commission de discipline qui peut sanctionner le joueur ou même les dirigeants. Je ne veux pas m’immiscer dans les opérations disciplinaires . J’aurai les résultats dans les jours à venir.

Comment comptez-vous combattre ces fraudes au niveau de la CAF ?

C’est un phénomène mondial. La FIFA a créé toute une commission qu’elle a confiée aux sommités de la médecine qui sont à pied d’œuvre pour essayer de trouver une formule scientifique qui puisse permettre aux organisateurs que nous sommes de déceler l’âge réel des joueurs. Ça fait 4-5 ans que les médecins sont en train de travailler et je crois que le travail est complètement bouclé, mais devant les incertitudes, on n’a pas commencé à l’appliquer. On a peur de l’appliquer tout de suite et brimer des innocents. On est en train de perfectionner davantage cette recherche. Cette méthode sera appliquée dans un avenir très proche. Une fois de plus, je vous assure que cela n’est pas de la faute des fédérations, mais on ne peut pas les exclure. Elles partagent les responsabilités car elles doivent dire aux entraîneurs qu’ils n’ont pas le droit de prendre des joueurs hors âge. La victoire est une très bonne chose , mais l’objectif de cette compétition des jeunes, c’est la promotion du football. En trichant , on le tue . Il y a certainement d’autres qui sont dans la situation du Niger. Nous allons intensifier les recherches pour essayer d’enrayer cette procédure qui n’honore pas le football africain.

Ne pensez-vous pas que cela est en partie dû au manque de compétitions pour les jeunes dans les fédérations ?

Il revient aux fédérations nationales de créer un championnat pour les jeunes ; il y a des pays en Afrique qui ont le championnat de jeunes ; je veux parler de toute la zone nord du Maghreb. D’autres pays ont aussi commencé. La CAF ne peut imposer cela dans les associations nationales. Elles n’ont qu’à voir leur ministère de sport pour pourvoir les fonds. Nous ne pouvons que les encourager à le faire en martelant que l’avenir du football réside dans les compétitions des jeunes. Ces phases finales sont des motifs de motivation. Il ne faut pas attendre le début des éliminatoires ou les phases finales pour aller dans les lycées sélectionner des joueurs. Au-delà de tout cela , il faut être réaliste : nos fédérations n’ont pas assez de moyens pour encadrer convenablement le championnat de première division. Leur demander de créer le championnat des cadets, des juniors ou des dames, ce n’est pas assez simple. Cela doit être le combat des fédérations.

Toutes les dispositions sont-elles prises pour que la coupe du monde des cadets au Nigeria se déroule dans de meilleures conditions ?

Qu’entendez-vous par "meilleures conditions" ? Vous avez un peu voilé votre question. Voulez-vous me demander si le Nigeria est-il capable d’organiser cette coupe du monde ? Le Nigeria a déjà organisé cette compétition en 1999. La CAF y a aussi organisé la CAN des seniors en 2000 et la CAN des juniors. Le Nigeria est capable d’organiser cette coupe. Il y a des stades. Comme nous sommes en Afrique, on néglige l’entretien, sinon, il y a des stades. Mais à partir du moment où le Nigeria sait qu’il abrite cette compétition , je suis sûr qu’il fera tout pour être prêt. La FIFA a pris la décision de venir au Nigeria en septembre pour voir. Le Nigeria attend l’arrivée de 24 équipes et ce n’est pas rien. Le pays organisateur s’attelle à régler les problèmes d’hébergement , d’infrastructures et surtout de sécurité qui préoccupent les uns et les autres. Je ne doute pas de sa capacité parce que de par le passé, il a eu à organiser d’autres compétitions similaires.

La première coupe du monde sur notre continent va se dérouler en 2010 en Afrique du Sud. Pouvez-vous confirmer que ce pays est prêt pour relever le défi de cet événement grandiose ?

Je ne peux pas vous dire que l’Afrique du sud est prête . Tous les pays qui ont eu à organiser cet événement chez eux n’étaient pas prêts un an avant . Les opérations sont engagées. L’Afrique du sud sera prête le moment venu. A l’heure actuelle, il y a des chantiers. On est en train de construire des infrastructures sportives , de mettre tout l’arsenal de sécurité , de travailler à répondre à toutes les exigences de la coupe du monde. En ma qualité de président de la commission de la coupe du monde, je vais très régulièrement en Afrique du sud et je puis vous dire que l’Afrique du sud sera prête. Nous avons beaucoup de détracteurs. Dès qu’on parle de l’Afrique , beaucoup voient en nous des gens incapables. Des fois ils veulent se valoriser à travers les propos qu’ils tiennent. Vous, les journalistes africains , prenez la peine d’aller voir et rendez compte. Allez contre la thèse qui veut faire croire au monde entier que nous ne sommes pas capables de faire quoi que ce soit. Vous allez voir : en 2010, l’Afrique sera prête. Je suis sûr que les gens seront satisfaits en Afrique du Sud , surtout de l’accueil et des facilités que l’Afrique du sud mettra à leurs dispositions.

Vous qui connaissez bien le Burkina et son football, quelle analyse faites-vous de l’évolution de ce dernier ?

Le football burkinabè est un football qui est très mouvant. Il bouge dans la bonne direction. Nous avons vu le week-end dernier la prestation de l’équipe nationale senior du Burkina (ndlr , contre la Guinée en éliminatoires de la CAN et du Mondial 2010). Cela ne m’étonne pas dans la mesure où lors des éliminatoires, le Burkina n’a perdu aucun match. On a aussi vu vos jeunes (ndlr, cadets) ici lors du championnat d’Afrique. Ils ont eu la malchance de perdre en demi-finale, mais ils se sont classés troisième. Il y a de quoi se réjouir. Il faudra continuer dans ce sens. Ça ne peut pas être autrement parce que vous avez le président du Faso comme un grand défenseur du football burkinabè . Il n’a jamais lésiné sur les moyens pour que le football de son pays sorte de l’ornière. Je suis personnellement convaincu, au vu de la prestation de vos jeunes , que le football du Burkina a un avenir prometteur et qui laisse à penser qu’il va jouer dans les arènes des nations un rôle de choix.

Propos recueillis à Alger par Alexandre Le Grand ROUAMBA

Le Pays

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