LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Industrie de montage de motos : Vers un renchérissement des coûts de dédouanement ?

Publié le jeudi 12 mars 2009 à 00h21min

PARTAGER :                          

Que s’est t-il passé au Bureau de dédouanement des véhicules automobiles (BVA) le 23 février 2009. Ce jour-là des motos entièrement démontées (en anglais CKD) importées par des sociétés de montage de cyclomoteurs étaient interdits de vente après leur dédouanement. Selon les informations que nous avons reçues, cette mesure se justifierait par le fait que leurs importateurs qui ont pourtant des unités de montage reconnues et qui bénéficient des avantages du Code des investissements auraient manqué à certains de leurs engagements. Approchés, les principaux acteurs (Douane et importateurs) n’ont pas encore répondu à nos demandes d’interview…

Et pourtant, c’est peut-être l’avenir de notre industrie du cyclomoteur qui se joue là car si cela s’avérait, on assisterait à une disparition de certaines unités de montage de cyclomoteurs ce que cela comporte comme corollaire notamment des pertes d’emplois et de recettes pour l’Etat. Il était une fois, la Puchoma et la Yamaha V80 étaient montés dans notre pays. La production de ces modèles a survécu après que leurs sociétés eurent éprouvés de sérieuses difficultés pour leur fabrication à un prix compétitif sur place.

Le coût de la production était devenu tel que pour la Yamaha V80 par exemple, la SIFA s’est vue obliger de l’importer directement du Japon. Cela revenait en effet moins cher que la production sur place à Bobo-Dioulasso. En cause, la soudure et la peinture notamment ou encore “l’ouvraison” à apporter pour, dit t-on, se conformer aux engagements pris vis-à-vis de l’Etat afin de bénéficier d’avantages au niveau du Code des investissements.

Selon cette législation depuis lors consacrée par le Code douanier de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) (règlement n°05/98/CM/UEMOA du 03 juin 1998 portant tarif extérieur commun), les produits importés sont classés en quatre catégories avec une faible taxation non seulement des matières premières destinées aux industries locales, mais aussi de leurs équipements.

La catégorie 0 concerne les biens sociaux essentiels relevant d’une liste limitative. Son taux est de 0% avec paiement de la TVA et des taxes pour service rendu.
La catégorie 1 concerne les matières premières brutes et biens d’équipement. Son taux en Douane est de 5% avec paiement de la TVA et des taxes pour service rendu.

La catégorie 2 concerne les intrants et autres produits intermédiaires. Elle a un taux en Douane de 10% avec paiement de la TVA et des taxes pour service rendu.
La catégorie 3 concerne tous les autres produits non classés aux catégories 0, 1 ou 2. Son taux en Douane est de 20% avec paiement de la TVA et des taxes pour service rendu. Il est important de signaler que la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) au Burkina Faso est au taux unique de 18%. Certains produits en sont exonérés.

Créer des emplois et attirer des investisseurs.

Le Code des investissements qui a été adopté dans les années 1990 visait entre autres, à encourager la création et le développement d’activités orientées vers la promotion de l’emploi, la formation d’une main d’œuvre nationale qualifiée, la valorisation des matières premières locales, la promotion des exportations, la production de biens et services destinés au marché intérieur, l’utilisation de technologies appropriées ainsi que la modernisation des techniques locales et la recherche-développement.
Le Code visait également la mobilisation de l’épargne nationale et l’apport de capitaux extérieurs, la réalisation d’investissements dans les localités se situant à moins de 50 km des centres urbains ainsi que la réhabilitation et l’extension d’entreprises.

Plusieurs années après, ce sont quelque 200 entreprises qui sont agréées au Code des investissements dont à peine une dizaine d’unités de montage de cyclomoteurs.
C’est la situation de ces dernières qui nous intéressent dans le présent article. En effet, précise-t-on dans leurs milieux, tout est loin d’être rose. Outre le coût de l’énergie, ces unités qui sont confrontées à la fraude et à la contrefaçon auraient des difficultés à trouver le gaz pour les soudures de leurs modèles sans compter que l’importation des intrants de production (gaz et peinture) est soumis à des droits de douane.
Du reste, confie l’un d’eux, “la soudure et la peinture sur place n’offrent, pas la qualité requise, sans compter que ces postes n’emploient guère plus de six personnes dans une unité de montage d’une centaine de personnes. En plus, cela pollue…”

Ceci explique-t-il cela ? Depuis quelques années en effet, des industriels se passeraient de temps en temps de la soudure et de la peinture, surtout pour leurs nouveaux modèles. Un transitaire qui a requis l’anonymat indique que depuis les années 2004, il a constaté que les motos importées par ces industriels arrivaient certes complètement détachées pour l’industrie du montage mais présentaient en apparence des panoplies soudées et peintes. “Les capots arrivent peints tout comme les cadres. Le reste de la moto est entièrement en pièces. Les pistons sont dans un même carton, les cylindres dans les leurs également…”, affirme t-il en précisant que le Code ne parle point de soudure et de peinture. Le Code parle de valeur à apporter. “La plupart des composants qui arrivent sont en caoutchouc déjà peints. On ne peut visiblement pas les fabriquer ici”, ajoute un agent des Douanes.

A cela, un importateur répond, “pour les nouveaux modèles, les fournisseurs chinois refusent de faire des transferts de technologie parce qu’eux-mêmes sous-traitent un nombre important des composants des motocyclettes avec d’autres fournisseurs. Ce qui rend difficiles voire impossible leur soudure et peinture sur place”.
Nous nous sommes alors intéressé au Code pour comprendre quoi mettre derrière la valeur à apporter à ces motos pour bénéficier des avantages fiscaux et douaniers. Le Code parle de valeur ajoutée à l’économie nationale qu’il définit comme les frais de personnel, les frais financiers, les impôts et les taxes, les bénéfices distribuables ainsi que les dotations aux amortissements.

Pour la valeur apportée à l’économie nationale donc, on peut affirmer sans risque de se tromper que ces unités en apportent puisqu’elles ont créé des centaines d’emplois, paient plusieurs millions de salaires et versent des milliards d’impôts et de taxes au Trésor public. En plus, elles ont investi, plusieurs millions de F CFA dans la construction d’unités de montage. Un groupe comme Mégamonde a investi plus de 600 millions dans la construction de son unité de montage qui comporte deux chaînes de montage, des gabarits de soudure, des cabines de peinture et un banc d’essai. Le même groupe a versé en 2008, plus d’un milliard de recettes douanières.

Le niveau d’investissements est pour les autres unités telles que Kaizer et SIFA. Pour les milieux proches des industriels des deux roues, “l’Etat ne doit pas se focaliser seulement sur les étapes de peinture et de soudure. Il doit aller au-delà pour définir un autre schéma qui prenne en compte leur contribution réelle à l’économie, leur capacité à respecter un minimum d’industrialisation, à employer plusieurs personnes et à verser toujours plus de taxes et des d’impôts dans les caisses de l’Etat”.

Si les industriels ont fauté, ce n’est apparemment donc pas de bonne foi… En poussant le raisonnement, on pourrait se demander pourquoi c’est maintenant que la Douane se rend compte d’un tel manquement ? Cela est d’autant plus important que le Code prévoit une Commission nationale des investissements (CNI), chargée du suivi des engagements des industriels composée du secrétaire général du ministère chargé de l’Industrie, du DG du développement industriel, du DG de l’artisanat, du DG des affaires économiques, du DG des impôts, du DG des Douanes, du DG de l’Environnement et du DG de la Chambre de commerce. La CNI peut rappeler à l’ordre les industriels défaillants et au besoin leur infliger des sanctions en cascades allant des amendes pécuniaires à la suspension voire le retrait de leur licence d’agrément au Code des investissements.

Assurément, la décision du 23 février dernier de la Douane de reconsidérer la classification de leurs importations de la 1ère à la 3ème catégorie est quelque peu surprenante. Mieux, elle démontre la complexité de ce problème dans un contexte où l’optimisation des recettes de l’Etat est de mise. Il y aurait aussi des sous-traitances de licence qu’il convient de démasquer et de sanctionner.
N’empêche que si cette mesure était maintenue, elle serait lourde de conséquences pour la stabilité et la survie de ces unités de démontage de motos. En effet, les prix des motos vont augmenter et comme la demande de ce genre de produit est forte sur le marché, la fraude déjà importante pourrait prendre de l’ampleur.

Un code qui a besoin d’un coup de jeunesse

Le code a plus d’une décennie d’existence et quoi qu’il ait déjà fait l’objet de relecture, il pourrait être revu, dans certaines de ses dispositions pour le rendre plus efficace et servir plus les objectifs qui ont prévalu à son adoption. Cela concerne bien entendu, toutes les branches d’activités, pas seulement celle des motos. En effet, au regard des efforts faits par notre pays (Prix Doing Business 2007) pour la facilitation du climat des affaires, il devrait y avoir plus d’entreprises agréées au Code des investissements. Cela ne pourra que valoir à notre pays plus d’intérêt de la part des investisseurs étrangers, plus de création d’emplois, plus de capitaux et donc plus de recettes fiscales et douanières.

Le code devrait ainsi tendre vers une égalité de traitement entre les bénéficiaires . L’article 19 du Code dispose que pour chaque entreprise, il est indiqué un type de régime, des conditions particulières en fonction de la nature du projet. Aussi, il est énuméré les activités, précisé les engagements des bénéficiaires et déterminé en cas de défaillance, les sanctions applicables à l’entreprise. En somme, une sorte de traitement au cas par cas !
Cette révision pourrait aussi réconcilier les différentes parties surtout que l’article 20 du code dit que le bénéficiaire acquiert un matériel performant, recourt aux procédés techniques les mieux adaptés pour maintenir l’exploitation dans des conditions optimales de productivité tout en protégeant l’environnement.

Victorien A.SAWADOGO

Sidwaya

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique