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RENTREE SCOLAIRE A OUAHIGOUYA : Timides préparatifs sur fond de vie chère

Publié le jeudi 25 septembre 2008 à 23h33min

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Prévue pour le 1er octobre prochain, la rentrée scolaire est sans conteste la principale préoccupation du moment au Burkina Faso.Dans la dernière ligne droite de l’événement, l’heure est résolument aux préparatifs. Dans les villes et contrées, tous s’activent, chacun selon ses moyens. Personne ne veut rater le rendez- vous. La capitale du Yatenga, Ouahigouya, n’est pas en reste de cette effervescence. A quelques jours de la rentrée marquée particulièrement cette année par le phénomène de la vie chère, nous nous sommes intéressés aux préparatifs tels que vécus par les populations de cette ville.

Moment d’angoisses et de grand stress pour parents d’élèves, enseignants et responsables d’établissements scolaires, la rentrée scolaire, encore appelée « rentrée colère » par certains, est un moment de grandes réjouissances pour libraires et autres commerçants, pour qui elle représente une période de bonnes affaires.

C’est aussi un moment de nostalgie pour certains élèves qui avaient fini par s’ennuyer du fait des longs mois de vacances et qui s’impatientaient de retrouver camarades de classe, enseignants ou l’ambiance du lycée ou du collège. C’est dire combien la rentrée des classes est diversement vécue par les uns et les autres.
La mi-septembre franchie, l’on est résolument dans la mouvance des préparatifs de cette rentrée qui se présente avec ses espoirs, ses incertitudes et ses craintes. A Ouahigouya, capitale de la province du Yatenga et de la région du Nord, la rentrée des classes est au centre des préoccupations du moment. C’est le sujet au cœur des débats. Même le jeûne, qui tenaille en ce moment les fidèles musulmans, semble relégué au second plan.

En arrivant au complexe scolaire Bimbilin ce jeudi 18 septembre dans la matinée, c’est une cour presque déserte qu’il est donné de voir. Malgré la rentrée administrative qui a eu lieu 3 jours auparavant, l’affluence n’est pas au rendez-vous pour le moment, sauf quelques gamins qui s’adonnent à une partie de football au milieu d’une cour bien ombragée par des arbustes plantés en haies.

Quelque peu dépaysés, nous nous renseignons auprès d’un gamin qui nous indique une porte grandement ouverte comme étant celle du bureau du directeur, Nouh Ouédraogo. A notre « toc toc » à sa porte, ce dernier, assis derrière un modeste bureau surchargé de paperasse, répond quelque peu surpris.

Après lui avoir décliné l’objet de notre visite inattendue, il s’en réjouit tout de même avant de nous présenter son établissement comme étant un complexe regroupant 4 écoles primaires et une section maternelle, avec plus de 1 500 élèves. La rentrée administrative a bien eu lieu le 15 septembre dans son établissement et tout le personnel est en place en dehors de certains enseignants ayant fait des permutations et d’autres qui ont été reçus à des concours professionnels, nous dira-t-il, tout en précisant que l’administration a déjà redéployé du personnel pour y remédier. Les difficultés ne manquent pas en pareille période, indique-t-il. Les parents d’élèves, déplore-t-il, ne répondent toujours pas à l’appel des inscriptions lancées depuis le mois d’août. Sur 70 élèves attendus au CPI à Bimbilin C, seulement 27 ont été inscrits, les 3 autres écoles du complexe étant aussi autour de ce ratio. « Nous savons que le 1er octobre, nous serons bousculés.

Or, il aurait suffi que dès maintenant les uns et les autres viennent inscrire leurs enfants et la tâche de chacun s’en trouverait facilitée à cette date » regrette-t-il. Aux autorités, M. Ouédraogo lance un cri de cœur pour qu’un travail de sensibilisation, à travers notamment le concours d’un crieur public, soit fait pour que les parents viennent inscrire leurs enfants. Il a aussi souhaité que les fournitures promises gratuitement soient disponibles à temps dans les différents établissements afin d’éviter les retards. M. Ouédraogo dit comprendre que le phénomène de la vie chère y soit pour beaucoup dans ce retard accusé par certains parents d’élèves. Toutefois, il leur demande de faire un effort, surtout que l’Etat leur donne un coup de pouce avec la gratuité des fournitures.

Les libraires dans l’expectative

Du côté des librairies, ce n’est pas encore l’affluence ; le client se fait encore rare. Derrière son comptoir, Aboubacar Ouédraogo, gérant de la librairie Claire Afrique, dit ne pas vendre grand-chose pour le moment. « Par jour nous n’avons pas plus de 5 clients. Avec la vie chère, ce n’est pas facile pour les parents. Mais nous savons que les gens viendront ; la rentrée est encore loin et nous nous disons que ce sera à quelque 3 ou 4 jours de celle-ci que les clients viendront. Même après la rentrée d’autres continueront de venir. Donc, nous restons confiants », explique-t-il, le sourire aux lèvres. Concernant les prix, le gérant de la librairie Claire Afrique dit noter une certaine augmentation par rapport à l’année dernière. La différence étant de l’ordre de 100 F CFA, sur les cahiers, selon lui.

A la librairie ENAF, c’est le même constat. Le client est introuvable. Le gérant Abdoulaye Ouédraogo est tout de même confiant que ces affaires iront mieux quand la rentrée se rapprochera encore plus. Lui aussi trouve que les prix ont connu une hausse. Mais celle-ci est de l’ordre de 25 à 50 F CFA, selon lui. Le vieux Hamadé Sanga a 18 enfants à scolariser cette année. Venu à la librairie pour acheter quelques fournitures, il dit être dépassé. "Avec les fêtes qui arrivent, j’ai préféré anticiper en venant, avec mes petites économies, acheter les fournitures des enfants car je sais que si la fête arrive, ce sera compliqué après" nous explique-t-il l’air quelque peu éprouvé.

A la librairie LIPAC, le langage est différent. Selon le gérant Yassia Sodré, les prix n’ont enregistré aucune augmentation. « Nous vendrons aux mêmes prix que l’an dernier », affirme-t-il avant d’indiquer que sa librairie permet à ses clients, compte tenu de la vie chère, de prendre les fournitures à crédit. Pour cela, il faut être un client bien connu des responsables et digne de foi, précise une collaboratrice de M. Sodré. Selon elle, c’est en ce moment que certains clients, ayant pris des fournitures à crédit depuis l’an dernier, viennent payer afin d’obtenir un autre crédit.

Au lycée Yadega, l’établissement essaie de faire peau neuve. En y arrivant ce 18 septembre en fin de matinée, ce sont des maçons, des peintres, qu’il est donné de voir à pied d’œuvre. Pendant que les uns appliquent une nouvelle couche de peinture sur les portes et les fenêtres défigurées par l’effet du temps, les autres bêchaient le sol de certaines salles de classe pour mettre une nouvelle couche de ciment. Le proviseur de l’établissement, Séni Ouédraogo indique que tout est mis en œuvre pour que le 1er octobre soit respecté et que les cours puissent commencer ce jour même, conformément à une directive de l’autorité centrale. A cet effet, un chronogramme a été élaboré : après la rentrée administrative effectuée le 15 septembre il est prévu l’appel et l’installation des classes de 3e et de terminale, le 26 septembre à 8 h précises, le 29 septembre à 8 h. L’appel et l’installation des élèves de 5e, 4e et des 1res sont prévus le même jour à 15 h. Le lendemain 30 septembre, aura lieu l’appel général qui fera place au début effectif des cours, le mercredi 1er octobre 2008. Séni Ouédraogo note que jusque–là l’affluence n’est pas encore au rendez–vous pour les inscriptions. Il met cela sur le compte de la morosité dans laquelle baigne tout le monde à cette période (le 18) du mois.

Cela conjugué avec la cherté de la vie, a-t-il dit, ne peut permettre le bon déroulement des choses. Toutefois, il affiche sa sérénité quant à un retour à la normale dans les plus brefs délais. Le proviseur Ouédraogo a lancé un appel aux différents acteurs pour que le chronogramme de rentrée ci-dessus mentionné soit respecté et que les cours puissent commencer effectivement le 1er octobre. Cela permettra, à son avis, aux enseignants de pouvoir exécuter convenablement le programme dans les délais.
Du haut de ses 30 ans d’expérience, le lycée privé Wend Lamita de Ouahigouya affiche aussi sérénité à quelques jours de la rentrée 2008 – 2009. Le surveillant général, Boubacar Badini, quand bien même ce n’est pas encore la bousculade aux portes de l’établissement pour les inscriptions, dit être serein quant à l’atteinte des prévisions. « Après 30 ans d’existence, l’établissement jouit d’une certaine confiance auprès des parents d’élèves.

Cela s’explique par le sérieux et les bons pourcentages que réalise l’établissement chaque année », se convaint-il.
Le collège Sainte Marie est un établissement privé catholique de jeunes filles. Là-bas, les cours ont déjà commencé depuis le 15 septembre 2008, la rentrée administrative ayant eu lieu une semaine plutôt, aux dires de la directrice de l’établissement, Sœur Pascaline Zida, que nous avons rencontrée le 18 septembre dans l’après-midi. Selon elle, en dehors de la classe de 6e, toutes les autres classes sont déjà de plain-pied dans les cours depuis 3 jours. Le retard au niveau de la 6e, a-t-elle expliqué, est dû au fait que la direction de l’établissement a décidé d’ouvrir une deuxième classe de 6e cette année. Etant donné que les effectifs escomptés pour les deux classes ne sont pas encore atteints, la rentrée a été différée à ce niveau pour permettre aux deux classes de commencer au même moment. Une certaine rumeur, à Ouahigouya, fait état de ce que cet établissement n’accepterait que des filles de religion catholique.

A cela, Sœur Zida apporte un démenti catégorique. Selon elle, la majorité des élèves de l’établissement sont de la religion musulmane. « Nous recevons toutes les filles de la région sans condition, surtout pas de distinction fondée sur la religion », a-t-elle tenu à préciser. Pourquoi avoir commencé les cours plus tôt que les autres ? A cette question, Pascaline Zida répond que cela tire sa source du fait que l’an dernier les examens ont été ramenés à début juin. Face à cela, la direction a jugé bon de commencer très tôt afin de parer à toute éventualité et évoluer en toute sérénité. Elle a aussi indiqué que cela s’expliquait par le fait que cette année, l’établissement prépare un important événement diocésain, à savoir le jubilé d’or du diocèse. Une fête à laquelle le collège, en tant qu’établissement diocésain, compte prendre une part active et qui risquera de perturber quelque peu son programme.

Bousculade pour les prêts

La rentrée scolaire, c’est aussi le crédit scolaire. Nombre de parents aux ressources limitées ont recours à ce produit que proposent les établissements financiers pour faire face aux exigences de la rentrée. A Ouahigouya, caisses populaires et banques ne désemplissent pas en cette période.
En arrivant à la caisse-mère, sise au secteur 6 de Ouahigouya, ce vendredi 19 septembre dans la matinée, c’est un hall pratiquement engorgé que l’on pouvait constater.

Alignés sur les bancs, les mines peu joviales, les usagers attendaient chacun son tour, pour accéder au bureau du service crédit. Qui pour déposer son dossier, qui pour s’enquérir de l’état d’avancement de sa requête, qui pour percevoir la fameuse cagnotte que l’institution a bien voulu lui accorder pour affronter la rentrée. Assis en tête de file, Sayouba Ouédraogo dit être « en train de courir derrière un crédit ». Selon lui, sans crédit, c’est compliqué de pouvoir s’en sortir dans ce contexte de vie chère. « On ne recourt pas à un crédit de gaieté de cœur. Mais comment faire ? On n’a pas le choix », laisse-t-il entendre, quelque peu mélancolique.
Oumarou Yaro est le responsable à la formation de l’URCPN (Union régionale des caisses populaires du Nord). Selon lui, en cette période, plus de 80% des clients de la structure ont recours à ce produit. « Salariés et non salariés le sollicitent et la politique de crédit de la caisse, en la matière, n’est pas discriminatoire.

L’essentiel est que le requérant ait une source de revenu qui lui permette de rembourser », explique-t-il. "La principale difficulté à laquelle nous faisons face en pareille circonstance, poursuit – il, est liée à la pression. C’est comme si tout le monde attendait le même moment pour venir. Cela fait que certains ont l’impression que c’est dur d’obtenir le crédit. En temps normal, le maximum c’est deux jours qu’il faut au client pour rentrer en possession de ce qu’il demande." Côté élèves, la rentrée est abordée avec des fortunes diverses. Pendant que les uns affichent leur joie de retrouver leurs camarades de classe et de renouer avec cahiers et livres abandonnés depuis plusieurs mois, les autres sont plutôt à la limite mécontents. Fabrice Ganamé, en classe de 3e au lycée Yamwaya de Ouahigouya, est de ceux-ci.

« Je voulais un vélo à cette rentrée pour envisager mon BEPC avec plus de sérénité. Mais mes parents n’ont pas accédé à ma requête. Ce qui fait que je ne suis pas tout à fait content et serein pour aborder cette rentrée… », se lamente-t-il. La vie chère n’y est – elle pas pour quelque chose ? Assurément, répond – il sans ambages : « Je sais que c’est parce que c’est dur chez mes parents, sinon ils m’auraient acheté ce vélo pour que je réussisse. »
Ariane est en classe de 4e au collège Sainte Marie. Chez elle, les choses se présentent sous de meilleurs auspices. « Les vacances se sont bien passées. Je suis contente de retrouver mes copines que j’avais perdues de vue depuis des mois. La vie chère est une réalité au Burkina, mais Dieu merci, tout se passe bien."

Par Ladji BAMA et Adama SINARE

Le Pays

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