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Commerce : L’informel dicte sa loi

Publié le jeudi 6 mars 2008 à 11h33min

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Déguerpis de force par les autorités sénégalaises, des milliers de jeunes marchands ambulants ont entre temps pu regagner les trottoirs de Dakar. À l’approche des élections locales, leurs violentes protestations ont été entendues. Aucune solution durable au désencombrement des rues ne semble cependant avoir été trouvée.

Retour à la case-départ. Les autorités sénégalaises ont reculé. Sûrs de leur force, les petits marchands, eux, ont repris leur place sur les trottoirs de Dakar. Fin janvier, la capitale sénégalaise grouille donc, plus que jamais, de milliers de ces jeunes travailleurs de l’informel qui, chaque matin, prennent d’assaut les artères de la ville pour gagner leur pain, au grand désarroi des commerçants légalement installés, des automobilistes et des piétons qui parviennent difficilement à se frayer un chemin.

A plusieurs reprises, l’État a tenté de mettre un terme à ces occupations anarchiques de la voie publique assimilées à des délits par la loi. En vain. La dernière tentative remonte à novembre dernier. Lors du conseil présidentiel sur l’investissement (CPI) destiné à attirer les investisseurs étrangers, le chef de l’Etat, Abdoulaye Wade, avait affirmé sa volonté d’y mettre fin. A la suite de ces déclarations, le ministère du Cadre de vie et le gouverneur de Dakar avaient organisé, manu militari, le déguerpissement des marchands ambulants et la destruction de leurs échoppes. De violentes émeutes s’en étaient suivies. Bilan : édifices publics saccagés, magasins et banques pillés, véhicules incendiés et près de 200 arrestations, selon une source policière ayant requis l’anonymat.

Un accord fut finalement trouvé. Il prévoyait l’aménagement de centres commerciaux, la requalification de certaines rues en zones marchandes le week-end, l’arrêt des interpellations, etc. Finalement, le maire de Dakar autorisa les vendeurs à se réinstaller sur la voie publique. Quant au gouverneur, au préfet de Dakar et au directeur de la sûreté, ils furent limogés. Début décembre, à la suite d’un remaniement ministériel, ce fut au tour du ministère du Cadre de vie, créé en 2004, d’être dissout.

Avec lui, a sans doute été enterrée l’idée « d’éco-quartiers » qui devaient permettre aux habitants de gérer eux-mêmes leur cadre de vie et, au final, désencombrer Dakar. Des rencontres sur l’hygiène, la gestion des ordures et la création d’espaces verts avaient déjà eu lieu à Saint-Louis et dans la capitale. Aujourd’hui, le programme semble fané avant même d’avoir fleuri...

Poids électoral

Les Dakarois interprètent de façon différente ce retour à « la normale ». « Nous sommes contents de reprendre nos activités et remercions le président de la République et le maire pour leur compréhension », se félicite Abdou Sow, un marchand ambulant « Comment peut-on assainir en laissant l’informel salir tout sur son passage ? Nous sommes déçus par le revirement de l’État », regrette pour sa part Mbaye Diouf, un habitant du Plateau, un des quartiers les plus modernes de la capitale. « L’attitude subversive de ces jeunes a été une réaction de survie. L’État a ordonné leur déguerpissement sans leur offrir de perspectives rassurantes. Alors que, le droit de tout citoyen est de défendre dignement les conditions lui permettant de vivre décemment », nuance Sémou Pathé Guèye, professeur de philosophie à l’Université de Dakar.

Quoi qu’il en soit, aucune solution durable ne semble avoir été trouvée pour limiter le préjudice de ces encombrements humains et les embouteillages monstres qu’ils occasionnent. Préjudice qui, selon le CPI, coût à l’État près de 100 milliards de F CFA (plus de 152 millions d’euros) par an. D’autres chiffres expliquent peut-être la victoire du statu quo. Ceux qui occupent ainsi la voie publique sont en effet pour la plupart des jeunes qui, faute d’emplois, investissent le secteur informel où travaille 60 % de la population active. Un secteur qui a comptabilisé 97% des emplois créés entre 1995 et 2004, selon une étude récente de la Banque mondiale.

C’est dire l’importance et la vitalité de ce tissu économique. Quant à ces jeunes, pour la plupart issus de l’exode rural, ils vivent en ville sous la protection d’un marabout ou d’un puissant homme politique et sont devenus presque intouchables. À l’approche des élections locales de mai 2008, eux qui avaient largement contribué à la réélection du président Wade en 2007, auront en tout cas rappelé leur poids électoral...

Diégane SARR
(Syfia International)

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