Les deux communautés se sont en effet retrouvées le 31 août 2007 pour tourner la page de ce triste événement. C’était au cours d’une cérémonie de réconciliation riche de symboles pacifiques, et à laquelle a assisté une délégation ministérielle forte de 5 membres conduite par Clément P. Sawadogo, patron du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (MATD).

Le conflit qui a opposé les 3 et 4 août derniers les agriculteurs et les éleveurs de Manga Est semble maintenant appartenir au passé. Les acteurs du malheureux événement se sont en effet retrouvés le 31 août 2007 pour tourner la page.

"Le bétail ne sortira plus la nuit. Des enfants de moins de 15 ans ne se verront plus confier de troupeaux. Les bergers ne porteront plus sur eux d’armes blanches", a clamé Mahamoudou Diallo, représentant des éleveurs. "Nous n’abattrons plus les animaux que nous viendrions à rencontrer dans nos champs. Nous allons mettre en place des cadres de concertation qui se réuniront régulièrement pour résoudre nos éventuels problèmes", a indiqué pour sa part Boukaré Ouédraogo, représentant des agriculteurs.

Ces engagements des deux communautés ont été suivis d’actes symboliques, preuves de leur volonté à cohabiter dans un esprit pacifique : accolades, échanges de calebasse de colas et de panier de colas, les représentants des deux communautés qui boivent l’eau d’une même calebasse l’un après l’autre, etc.

3 morts, 2000 sans abris

Le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Clément P. Sawadogo, qui était à la tête d’une délégation gouvernementale forte de 5 membres, s’est félicité de l’engagement des éleveurs et des agriculteurs de Manga Est à tourner la page, et les a exhortés à s’en remettre aux institutions de la République pour la résolution de leurs différends. Il a déploré le dérapage qui a consisté pour les deux communautés à recourir à des systèmes d’autodéfense pour régler leurs comptes, au mépris des lois du pays. Conséquences, l’on dénombre officiellement 3 morts, 174 concessions détruites, 67 animaux abattus, 2 000 sans abris, etc.

Rien, a indiqué le ministre Sawadogo, ne peut justifier de tels actes.

Pendant plus de 30 mn, le patron du MATD a prêché la bonne entente et la paix entre agriculteurs et éleveurs de Manga Est. Non sans avoir mis le doigt sur les causes du drame des 3 et 4 août : aiguisement des dissensions entre communautés, forte pression démographique sur les ressources naturelles, non fonctionnalité des cadres de concertation existants, laxisme de certains services de l’Etat chargés de gérer les litiges, manque d’infrastructures, etc.

Clément P. Sawadogo a par ailleurs annoncé des mesures visant d’une part à faire face aux conséquences du conflit, et d’autre part à prévenir d’éventuels différends entre les populations. Il s’agit entre autres du retour des déplacés sur leurs sites, de dispositions pour permettre aux populations qui ont perdu leurs documents administratifs de les rétablir dans les meilleures conditions, de l’ouverture de poursuites judiciaires pour situer les responsabilités, du renforcement des mesures de sécurité dans la région.

Bénédiction du ciel et des hommes

Mais le ministre Sawadogo qui sait que la paix n’est jamais l’affaire d’une partie et ne se décrète guère, a rendu un hommage à tous ceux qui ont contribué au retour de la paix, et a invité tous les acteurs à oeuvrer pour son maintien. "Tout Burkinabè doit se sentir chez lui sécurisé par des Burkinabè", a-t-il souligné.

La réconciliation entre agriculteurs et éleveurs de Manga Est a été bénie par les différentes communautés religieuses. A ce jeu de bénédiction, le ciel en envoyant une bonne pluie arroser la cérémonie, ne s’en est pas du tout fait conter.

Remise symbolique de dons (nattes, sacs de riz, coussins) pour les sinistrés et plantation d’arbres à l’honneur de la paix retrouvée ont été les autres moments forts de la cérémonie.

De retour de Manga Est, la délégation ministérielle a fait une escale à l’école B de Gogo qui abrite les déplacés du conflit constitués en majorité de femmes et d’enfants. La nouvelle de la paix leur a été annoncée. Ils pouvaient retourner chez eux sans crainte. Le porte-parole des déplacés a salué la bonne nouvelle mais a exprimé des préoccupations. Leurs habitations et biens ont été détruits. Où vont-ils loger ? Que vont-ils faire et avec quels moyens ?

Ils sollicitent de l’aide pour leur retour. Ils ont été écoutés par la délégation ministérielle qui comprenait outre Clément P. Sawadogo du MATD, Sékou Ba des Ressources animales, Issaka Maïga de l’Agriculture, Assane Sawadogo de la Sécurité, et Pascaline Tamini de l’Action sociale et de la Solidarité nationale.

La plupart des ministres présents ont eu l’occasion pendant la conférence qui a ponctué la cérémonie de réconciliation , de dire ce que leurs départements ont fait depuis le déclenchement du conflit à travers les structures déconcentrées. Ils ont par ailleurs annoncé des mesures pour éviter pareille situation à l’avenir. Assane Sawadogo a parlé de dispositions pour combattre la consommation de drogue qui aurait contribué à aggraver le conflit. Clément P. Sawadogo a promis la relecture des textes relatifs à l’occupation des terres. Sékou Ba a annoncé des actions qui vont favoriser l’élevage intensif.

Quant à Pascaline Tamini, elle a fait cas de mesures visant à faciliter le retour des déplacés chez eux. Mais en attendant la mise en oeuvre effective de toutes ces mesures gouvernementales, l’optimisme semble être la chose la mieux partagée tant chez les agriculteurs que les éleveurs. En tout cas, c’est ce qui ressort des échanges que nous avons eus avec quelques éléments des deux communautés. Ainsi, pour Amadou Dipama, agriculteur, et Belko Diallo, le conflit est définitivement terminé. Ils ne parlent que de la paix. Pourvu seulement que cela dure !

Des infos sur Manga Est

Manga Est (9 000 ha) fait partie des zones aménagées au Centre-Sud pour des activités agro-sylvo-pastorales, après l’éradication de l’onchocercose dans les années 1970. La création de ces zones, à savoir Kaïbo Sud (11000 ha) et Manga Est s’est étalée de 1974 à 1980.

GBB : Source : discours du gouverneur du Centre-Sud, Pauline W. Hien

Grégoire B. BAZIE

Le Pays