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Industrialisation en Afrique de l’Ouest : Huileries cherchent matières premières

Publié le vendredi 22 juin 2007 à 07h36min

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Huiles asiatiques

Huit ans après la création de l’Association des industriels des filières oléagineuses de l’espace UEMOA, (AIFO/UEMOA) les huileries de la sous-région ne sont pas sorties du marasme économique.

"On se demande si l’Afrique ne refuse pas le développement industriel pourtant indispensable à son décollage économique et social !" Cette opinion est celle du président de l’Association des industriels des filières oléagineuses de l’Union économique et monétaire Ouest africaine (AIFO/UEMOA), Angora Tano.

Et cela suite à un constat selon lequel, les autorités rechignent à mettre en place une véritable politique en faveur du développement industriel de la zone. En Afrique de l’Ouest, les sociétés d’égrenage, appartenant pour la plupart aux Etats, préfèrent exporter les graines de coton au lieu de les livrer aux entreprises pour la transformation, en vue de créer de la valeur ajoutée. Pendant ce temps, en Asie, la matière première est transformée à près de 100%.

L’exportation de la matière première non transformée y est fortement taxée. Alors, personne n’a intérêt à exporter de la matière première. Ainsi, les unités industrielles se créent pour s’adonner à la transformation de la matière première. Du coup, c’est le développement industriel qui prend de l’ampleur. Au Burkina Faso, la situation est toute autre. On préfère vendre très rapidement les matières premières pour avoir de "l’argent frais ou chaud".

Dans le secteur des oléagineux par exemple, la non disponibilité de la matière première notamment la graine de coton constitue une véritable préoccupation. Une situation incompréhensible dans un pays pourtant premier producteur africain de coton. Ainsi des huileries du Burkina Faso SN-CITEC, JOSSIRA Industries, sont dépourvues. Il en est de même, au Bénin et au Mali.

La graine manque cruellement alors que la production dans les différents pays suscités dépasse largement la capacité de leurs huileries. Selon les responsables de AIFO/UEMOA, "c’est un paradoxe, c’est le comble". Une telle situation interpelle plus d’un. De même, elle donne à réfléchir sur la volonté réelle des responsables de ces pays de mettre en place une véritable politique de développement industriel.

Des mesures de sauvegarde

Le combat mené actuellement par l’AIFO/UEMOA pour la suivie des huileries dans la sous-région passe par la prise de mesures de sauvegarde. Il s’agit entre autres du renforcement de l’industrialisation, l’application effective de la Taxe dégressive de protection (TDP) et conjoncturelle à l’importation, etc. Mais, sur le terrain, le constat depuis la création de l’AIFO/UEMOA en novembre 1999 à Abidjan en Côte d’Ivoire est amer. "On n’a pas réussi à mettre en place les mesures dans tous les pays", avoue M.Tano.

La mise à niveau des entreprises pour les rendre plus compétitives n’est pas une réalité partout. De 20% au départ, la TDP a été réduite à 5%. En principe, elle aurait dû disparaître. La taxe conjoncturelle à l’importation censée compenser les difficultés de fluctuation des prix ou les effets de dumping existe en Côte d’Ivoire mais pas dans les autres pays de l’espace UEMOA. Sur cette préoccupation, le combat actuel des huileries membres de l’AIFO/UEMAO est d’en faire une taxe d’application communautaire.

Les différentes démarches de l’Association auprès des autorités communautaires et des chefs d’Etat n’ont pas encore porté de fruits : "On nous a écoutés mais nous ne sommes pas certains d’avoir été entendus et compris". Tel est le sentiment du président de l’Association des industriels des filières oléagineuses. Mais loin de se laisser avoir par le découragement, les responsables de l’association réunis à Ouagadougou en assemblée générale les 14 et 15 mai 2007 veulent changer leur fusil d’épaule pour s’adresser directement à la Commission de l’UEMOA dans l’espoir d’obtenir auprès d’elle ce qu’ils n’ont pas pu obtenir au niveau des Etats.

Déjà, l’association a pris part à un séminaire sur la fraude et la contrefaçon à l’initiative de l’UEMOA. Cette rencontre assortie d’un plan d’action aura l’avantage non seulement de juguler ce phénomène mais aussi de renforcer les capacités des administrations douanières et la maîtrise de la fiscalité. Jusqu’ici de tels débats se menaient uniquement au sein des administrations publiques sans associer le secteur privé. Or ces questions ne peuvent avoir des pistes de solutions que si le secteur privé y est impliqué.

Sur la question des normes de qualités par exemple, l’AIFO a été associée aux débats. En participant également à un séminaire sur les bio-carburants, l’AIFO a pu obtenir une réorientation de la vision avec l’intégration des huiles. L’Association entend également participer pleinement à la réflexion sur le problème de la compétitivité des entreprises et des économies de la sous-région. L’AIFO/UEMOA préconise de "réduire le coût de la vie en diminuant la TVA qui actuellement est de l’ordre de 18%".

Elle est convaincue qu’une TVA à 5% (soit une baisse de 13%) entraînerait une baisse des prix, donc une relance de la consommation. Aussi l’arrimage du franc CFA à l’Euro n’est pas de nature à favoriser la compétitivité des industries de la sous-région : "Nous sommes arrimés à l’euro qui s’est apprécié de 35% en deux ans par rapport au dollar. Cela signifie que nos prix se sont appréciés de 35% en deux ans comparativement à ceux de la zone Dollar qui abrite nos concurrents. Ceux-ci se retrouvent être 35 fois moins cher que nous. Il faut lever cette disparité et réfléchir sérieusement sur le problème de la monnaie". Les industriels veulent faire de la monnaie un véritable facteur de compétitivité.

"Fini le temps où nous apportions le bâton pour nous faire bastonner", a indiqué M. Tano. En effet, si les pays de l’espace UEMOA n’arrivent plus à produire d’huiles, comment peut-on empêcher l’envahissement de leurs marchés par des huiles de mauvaise qualité importées d’Asie ? Les pays de la zone au stade actuel, ne sont pas prêts pour la compétition internationale.

Il faut un préalable, notamment une mise à niveau des entreprises comme l’a fait le Maroc avec l’appui de l’Union européenne, l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI) etc. Il faut passer par là pour préparer les industries des pays en voie de développement à être compétitives dans l’univers de la mondialisation.
Des mesures urgentes doivent être prises en tous les cas pour sauver l’industrie locale. L’AIFO qui comptait 13 membres à sa création en 1994 n’en compte que onze (11) aujourd’hui.

Quand les huileries ne sont pas purement et simplement fermées, elles tournent au ralenti compte tenu de nombreuses difficultés. Pour sortir de la pauvreté, les pays doivent être soucieux de développer le tissu industriel par des politiques cohérentes de développement et des plans de mise à niveau des industries. Il faut arrêter avec cette pratique qui consiste à trouver des solutions circonstancielles, voire partielles à des problèmes réels.

Jolivet EMMAÜS
Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA
Nadoun S. COULIBALY


Importance de la filière oléagineuse
dans l’UEMOA

D’importants investissements ont été réalisés dans la filière oléagineuse dans l’espace UEMOA. Les capacités installées des 34 unités industrielles appartenant aux sociétés membres de l’AIFO-UEMOA et engagées dans la trituration des graines se présentent comme suit :
- sous filière palmier à huile, 1 682 000 t/an de régimes de palme
- sous filière graine de coton, 975 600 t/an de graines de coton
- sous filière arachide, 700 000 t/an de graine d’arachide.

Quant à la deuxième transformation, elle est en mesure d’absorber 300 000 t/an d’huile de palme brute. Avec un tel parc industriel, le chiffre d’affaires réalisé en 2002 s’élève à 418 307 983 644 F CFA pour toute la filière oléagineuse. Ce chiffre d’affaire correspond à une masse salariale totale de 48 529 331 142 F CFA pour 19 259 travailleurs recensés.

Les industries de la filière oléagineuse de l’UEMOA génèrent aussi des milliers d’emplois indirects lorsqu’elles ont recours à la sous-traitance. La mise en œuvre de l’ensemble de leurs facteurs de production a permis aux sociétés membres de l’AIFO/UEMOA de générer, au titre de l’exercice 2002 de la valeur ajoutée d’un montant total de 86 335 088 999 F CFA, cela représente une contribution substantielle à la formation du PIB de chacun des pays.

RAZ
J.E.
SNC

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Réactions des membres de l’AIFO/UEMOA

Nouhoun Sidibé, directeur commercial de HUICOMA/Mali : "Nous produisons de l’huile, du savon et de l’aliment de bétail. Nous avons trois usines à Koulikoro, à Kita et à Koutiala. L’assemblée générale nous a conforté sur notre vision sous régionale du problème de la filière. Pour une fois, des régionaux peuvent produire une huile de très bonne qualité, végétale, naturelle sans cholestérol et enrichie à la vitamine A".

Joseph Gabin Dossou, DG de IBCG/Bénin : "Industrie béninoise des corps gras (IBCG) produit de huile à partir des graines de coton, de l’huile de palme, d’arachide et du beurre de karité. Nous fabriquons aussi du savon. Cette Assemblée générale a été une occasion pour les industriels de recentrer les problèmes et de montrer à la commission de l’UEMOA notre détermination à avancer dans le domaine. Créateurs de richesses, développeurs,... nous restons des partenaires indispensables pour le développement de nos pays".

Bintou Diallo, DG de SN-CITEC/BF : "J’ai été élue vice-présidente de l’Association. C’est un honneur pour la SN-CITEC et le Burkina Faso. Nous sommes confronté à un problème d’approvisionnement en graine bien que la SOFITEX soit actionnaire à la SN-CITEC. Nous sortons d’un marasme dû à l’importation d’huiles massive asiatiques qui a inondé notre marché. Nous avons relativement réussi à endiguer cela en 2006 mais cela ne nous autorise pas à baisser la garde".

Angora Tano, DG PALMCI : "PALMCI est une entreprise de transformation d’huile de palme pour alimenter les raffineries. Cette assemblée générale a permis aux membres de consolider leur coopération. Il faut que les industriels s’unissent pour défendre leurs intérêts, c’est une des grandes idées de cette rencontre. On a senti une convergence de vue pour optimiser nos produits et productions. Malgré nos difficultés, nous sortons grandi. Cela est encourageant".

Rigobert Oladrian Ladikpo, Secrétaire exécutif AIFO-UEMOA/Bénin : "Les problèmes évoqués sont cruciaux et nous essayons d’y apporter des solutions".

Jean Louis Kodo, DG de SHB : "Nous sommes triturateur de graines oléagineuses au Bénin (coton, soja) pour une capacité de 120 000 tonnes/an. L’assemblée générale a permis aux acteurs de parler de leurs difficultés qui sont partout pareilles. En amont et en aval, nous subissons une compétition déloyale sur nos huiles du fait de la fraude massive. Cela met en cause la survie des industries de la région".

Robert Gansah, PDG de Trituraf/Ci : "Trituraf est une usine de trituration de graines de coton à Bouaké d’une capacité installée de 155 000 tonnes. Mais depuis le déclenchement de la crise en 2002, nous, nous arrivons à peine à réaliser la moitié de nos capacités.

La présente assemblée générale nous a permis d’explorer ensemble nos difficultés et rechercher des solutions communes. Notre industrie oléagineuse est fortement handicapée par le manque d’approvisionnement en matières premières non pas par défaut mais à cause d’une fuite vers l’étranger. A cela s’ajoute la fraude massive.

L’huile importée de mauvaise qualité atterrit librement sur nos marchés. Et cela faute de courage politique de nos dirigeants. Ce qui est réconfortant, c’est que nous sommes engagé dans un programme de fortification de l’huile. Trituraf traverse une mauvaise période mais a bon espoir du fait du redressement de la filière coton en Côte d’Ivoire".

Sidwaya

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