LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine.” Montaigne

Lois sur l’homosexualité : Luxe ou nécessité ?

Publié le vendredi 17 novembre 2006 à 07h49min

PARTAGER :                          

L’Afrique du Sud est-il un pays africain ? Après l’adoption de la loi sur l’homosexualité, on est en droit de se poser la question, en se disant que cet Etat n’a d’africain que sa présence physique sur le continent. Tout le reste est arrimé à l’Occident.

Entre le Cameroun où l’homosexualité est un délit et l’Afrique du Sud où elle est célébrée, il y a deux mondes : cette Afrique qui ne comprend toujours pas que deux personnes de même sexe s’accouplent et osent même revendiquer des droits, et ce monde développé ultralibéral qui ne se pose plus les questions élémentaires du bien ou du mal que représente l’homosexualité mais en est à se demander si les homosexuels peuvent avoir les mêmes droits (cas du mariage notamment) que les autres membres de la société.

Certaines personnalités avouent publiquement leur sexualité et rien qu’en France, la plus célèbre d’entre elles n’est personne d’autre que le maire de Paris. Apparemment, pour ceux qui ont porté Bertrand Delanoë à la tête de la capitale française, peu importe ses penchants sexuels, l’essentiel est qu’il se montre un bon maire. On a donc fait la part des choses entre vie privée et vie publique.

C’est ce fossé culturel qui peut choquer bien des Africains après la légalisation du mariage gay au pays de Mandela. Une première sur le continent. Or tout ce qui est nouveau fait peur. C’est pourquoi même en Europe et aux Etats-Unis, que nous considérons comme des sociétés permissives, la question du mariage des homosexuels continue de passionner et de diviser les opinions. Mais l’homosexualité, si elle s’affiche et revendique un espace public d’existence, ne date pas d’aujourd’hui. Elle est née avec l’homme et a toujours été l’objet de controverse.

Rappelez-vous Sodome et Gomorrhe, ces cités détruites au 19e siècle avant Jésus Christ pour avoir eu des comportements immoraux, selon la tradition biblique. Mais jamais, sans doute, les nations n’ont franchi ce palier qui consiste à autoriser l’union légale des homosexuels, au risque de remettre fondamentalement en cause la notion de mariage. On a toujours dit que le mariage se contracte entre un homme et une femme. Et quand les mairies accueillent désormais des couples composés uniquement de femmes ou d’hommes, il faut avouer qu’il y a de quoi perdre ce qu’il nous reste de repères.

Malgré la levée de boucliers, les légalisations des unions homosexuelles se répandent comme une traînée de poudre dans les nations développées. Les députés sud-africains, qui sont des représentants du peuple, ont suivi la même voie. Ont-ils bien fait ? Ont-ils tort ? C’est ce même peuple qui jugera et tranchera lors des prochaines élections, à défaut d’avoir pu se prononcer par référendum. En tout état de cause, les parlementaires ne sont pas en porte-à-faux avec la Constitution qui interdit toute discrimination d’ordre sexuel.

L’acte des députés n’est qu’une suite logique du constat fait par le Conseil constitutionnel, en décembre 2005, qu’il faut modifier les textes sur le mariage. Désormais, en Afrique du Sud, le mariage n’est plus seulement "une union volontaire reconnue légalement d’un homme et d’une femme à l’exclusion de tout autre". La précision sur le sexe n’est plus de mise mais une petite porte de sortie est laissée par la nouvelle loi aux opposants du mariage des homosexuels en permettant aux officiers d’état civil de pouvoir invoquer l’objection de conscience.

Une chose est sûre, l’Afrique ne peut plus fermer les yeux sur le phénomène de l’homosexualité. Comme les bibelots, nous avons importé aussi de l’Occident certaines pratiques culturelles, sociales et donc sexuelles. Le tabou et, peut-être, la stigmatisation aveugle sont le lit de risques, comme ce fut le cas avec la pandémie du Sida dont les homosexuels furent les premières victimes.

Encore que cette pratique sexuelle, considérée à tort ou à raison comme déviationniste, est enfouie dans le subconscient de chaque être humain qui peut de ce fait y résister ou y succomber, selon son éducation et son environnement. Il n’est donc pas honnête de tout rejeter, ainsi que les Africains en ont l’habitude, sur le monde développé. Ceci dit, force est de reconnaître que l’homosexualité est plus ancrée dans les milieux "branchés", comme on dit, c’est-à-dire ouverts aux influences extérieures. On a vu comment au Cameroun la campagne homophobe menée par la presse a dégénéré en lynchage médiatique de certaines personnalités. Il s’agit donc d’un sujet à manier avec précaution.

Mais de là à envisager une relecture de nos textes sur le mariage pour insérer des aspects favorables aux homosexuels, il y a un pas qu’il serait prématuré de franchir. Car l’Afrique a bien d’autres priorités en matière d’éducation, de santé, de développement, pour ne pas se laisser distraire par un dé qui ne l’avance en rien.

Sauf qu’il contente, à l’image du développement des événements en Afrique du Sud, les homosexuels eux-mêmes et tous les lobbys et organisations qui les défendent. Même ce pays, qui est tout tourné vers l’Occident, ne demeure pas moins solidement ancré dans sa tradition, à l’image de cette richesse dont regorge la culture zulu et dont les Sud-Africains sont très fiers.

Par ailleurs, le pays connaît des disparités en matière de développement qui devraient plus préoccuper les dirigeants. On peut donc croire que malgré la légalité et la légitimité dont elle est ointe, la loi sur le mariage homosexuel est superflue et prématurée.

Le Fou

PARTAGER :                              

Vos réactions (1)

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
France : Michel Barnier est le nouveau Premier ministre
Un expert militaire analyse les actions de l’Ukraine en Afrique