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Yacouba Traoré, directeur de la télévision nationale du Burkina : « C’est le printemps des innovations »

Publié le samedi 30 septembre 2006 à 09h17min

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A l’occasion de la première édition de la rentrée télévisuelle ce matin même 30 septembre 2006, Sidwaya s’est entretenu avec le directeur
de la Télévision nationale du Burkina, Yacouba Traoré.

M. Traoré revient sur la philosophie de cette grande innovation et les difficultés inhérentes
à sa réalisation ; et évoque le mimétisme général des chaînes de télévision à l’égard des chaînes internationales.

Sidwaya (S) : Pourquoi l’idée d’une rentrée télévisuelle (RT) ?

Yacouba Traoré (Y.T) : Ce n’est pas une idée nouvelle, toutes les grandes chaînes de télévision (TFI, France2) dignes de ce nom organisent généralement après les vacances d’été une rentrée télévisuelle qui s’appelle la cérémonie traditionnelle de présentation de la grille de rentrée.
C’est en Afrique que la rentrée télévisuelle n’est pas connue. Je pense que ce n’est pas normal ni professionnel de concevoir et de diffuser une nouvelle grille sans prévenir au préalable le téléspectateur des modifications occasionnées et les ambitions de la chaîne.

P. : Peut-on connaître les grands axes de cette innovation ?

Y.T : Nous plaçons la rentrée télévisuelle sous un double défi. C’est d’abord « travailler » l’aspect physique de l’enceinte de la Télévision nationale du Burkina (TNB), car nous travaillons dans un local qui n’est pas digne d’une chaîne de télé et nous n’en sommes pas fiers. C’est pourquoi à la faveur de la rentrée télévisuelle, nous avons pris attache avec les opérateurs économiques qui nous ont soutenu soit à travers le mécénat soit par le biais du partenariat.

Le mécène Oumarou Kanazoé (OK) intervient gratuitement à hauteur de 70 000 000 F CFA dans le bitumage de toutes les voies à l’intérieur de la cour de la TNB. La société Tan Aliz pour sa part s’occupe entièrement du carrelage gratis à grand coût de 10 000 000 F CFA. L’entreprise Sol Confort et Décor sans contrepartie assure la peinture. Il y a aussi des partenaires qui nous sont venus en aide et bénéficient en retour d’une publicité. C’est le cas de la SONABEL qui assure l’éclairage à hauteur de 12 000 000 F CFA. La liste des partenaires et mécènes est trop longue et la Radio télévision du Burkina leur réitère sa profonde gratitude.

Aussi il y a le changement complet de tous les décors qui doit s’opérer. Par exemple, nous avons changé le décor du journal télévisé (JT), du studio de production... avec l’aide gratuite de 8 000 000 F CFA de la LONAB, un autre mécène.

La RTB prend en charge le changement des autres décors et la confection de décors nouveaux pour des émissions qu’elle n’en avait pas. Un accès particulier sera mis au niveau de la forme. Car quelle que soit la qualité du contenu des programmes télé, si la forme et le décor qui constituent une accroche indispensable pour le télespectateur n’y sont pas, il y a nécessairement la désaffection du public et le non suivi des émissions. Le second aspect de la rentrée télévisuelle est l’innovation d’une émission « Tapis rouge » où tous les journalistes, et réalisateurs... témoigneront des handicaps auxquels ils sont confrontés dans la réalisation de leurs émissions ou programmes.

Egalement, ils proposeront des perspectives ou alternatives nouvelles pour la réussite de la RT et la survie de la RTB. C’est par exemple de nouveaux programmes tels « nul n’est censé ignorer la loi » qui sera animé par Ardjima David Thiombiano, « Ça se passe à la télé » où l’on retrouvera Big Ben et ses acolytes. Il y aura également de nouvelles émissions du temps passé et présent avec le réalisateur Youssouf Ouédraogo où il est question de la pérennisation des coutumes et traditions burkinabè.

S. : N’existe-t-il pas des handicaps par rapport à l’effectivité de cette rentrée télévisuelle le 30 septembre ?

Y.T. : Oui, des difficultés demeurent. C’est peut-être l’existence des difficultés qui explique aussi notre présence. Mais la RTB ne désarme pas en dépit de ces difficultés. D’ailleurs, nous avons été agréablement surpris par la prestance avec laquelle les travaux se sont déroulés, grâce à l’action favorable des différents partenaires et mécènes en direction de nos appels. Du reste, la pression est forte et le stress est permanent, cela afin d’être à point nommé sur le délai du 30 septembre 2006.

Ce n’est pas la première fois où la RTB est confrontée à une mutation de ce genre même si la présente fixe la barre très haut, et nous nous évertuerons à réussir ce pari pour le plaisir de toute l’audience télévisuelle.

S. : Est-ce que vous n’avez pas peur de l’après 30 septembre 2006 ?

Y.T. : Oui, c’est vrai que je suis un homme permanament stressé, car chaque jour que Dieu crée est un nouveau défi qui se présente en soi. Mon inquiétude est qu’il s’agit d’un défi majeur mais la Radio télévision du Burkina n’entend pas reculer. C’est pourquoi il ne suffit pas de « rentrer » allègrement car l’on peut aussitôt ressortir. Le problème est de bien négocier la rentrée télévisuelle et y demeurer aussi longtemps que possible pour le bonheur de tous les télespectateurs. Je dis cela car l’interrogation est aussi se demander si la RTB va régulièrement produire et animer les nouvelles émissions ainsi conçues. C’est un pari et nous le réussirons ensemble ?

A titre d’exemple « ça se passe à la télé » de Big Ben et ses chroniqueurs est une émission hebdomadaire très relaxe qui passe tous les dimanches entre 08h et 19h. Elle a pour but de mettre l’accent sur le divertissement afin de mieux occuper « télévisuellement » nos week-end qui sont souvent mal gérés. De cette façon, nous pensons permettre aux télespectateurs de rester chez eux les fins de semaine et suivre tranquillement la télé, sans s’ennuyer. Nous anticipons pour dire que le public va vraiment apprécier cette émission distractive de dimanche aussi bien que les autres nouvelles émissions.

S. : Votre avis sur les télé africaines considérées comme des pasticheurs de l’occident, mimétisme oblige au détriment de la valorisation des savoirs locaux.

Y.T. : C’est un cercle vicieux, l’occident copie les USA qui imitent l’Asie assise sur ses propres valeurs traditionnelles, et peut-être que l’Asie s’inspire de l’Afrique. L’on taxe par exemple « Actu hebdo » d’être une copie de « 7 sur 7 » qui est un plagiat de l’émission de Larry King aux USA elle-même une imitation à la japonaise. Tout le monde imite tout le monde et c’est toujours la même eau qui coule. Cependant il faut aux Africains de trouver à travers ce médium, les moyens de conservation et de diffusion de leurs valeurs culturelles. Je pense que les télé africaines sont conscientes du phénomène du mimétisme.

En ce qui concerne le Burkina, concevoir et diffuser une émission en passé et présent est déjà une forme de préservation et de diffusion sinon une validation des valeurs locales. La RTB se mettra en effet au service de M. Pacéré Titinga en interview sur l’hospitalité des « Mossis » ou l’intégrité des « Hommes intègres ». Par ailleurs, l’on ne doit pas copier aveuglement les autres car il y a des choses communes inchangeables à toutes les télé africaines. Un J. T. en Europe, Asie.. reste et restera tel, seulement la différence au Burkina est de proposer à côté du JT, un J.T en langues nationales (Mooré, Fulfuldé, Djula...). Nous suivrons les autres tout en gardant constamment de vue l’adaptation et la validation des imitations conformément aux réalités africaines et burkinabè.

S. : Et pourtant les programmes étrangères envahissent souvent à plus de 70% les télé africaines ?

Y.T. : (Rires), oui, mais la donne est révolue au Burkina où la RTB caresse actuellement un taux de production nationale supérieur à 70%. Il y a généralement les télé-novelas et autres films au niveau des programmes étrangers que nous allons d’ailleurs « contre-balancer » au bénéfice de cinq nouveaux sit-com typiquement africains. C’est pourquoi à la faveur de cette RT, nous organisons une nuit africaine pour présenter ces différents sit-com (Quant les éléphants se battent ; Ina ; 3 hommes, un village ; Ma famille et Commissariat de tampy).

Ce sont des coproductions entre la TNB et les maisons de production qui existent au Burkina (Artistes productions, Média 2000, Jovial productions...) D’une manière ou d’une autre, la RTB va aider à la promotion de cette série de films si bien que le volume de programmes étrangers (dont les télé-novelas...) se trouvera réduit. J’insiste une fois de plus pour signaler que la nouvelle vision de la RTB rime étroitement avec l’idée de valorisation des productions nationales africaines et de conservation de l’audimat.

S. : Etes-vous confiant de tenir la réduction des programmes étrangers ?

Y.T. : C’est vrai, les programmes étrangers sont très bien fabriqués et prisés, « télévisuellement » parlant.
Je m’interroge sur la capacité de la RTB à concevoir des programmes d’excellente qualité que ceux de Canal France Internationale (CFI) et autres chaînes internationales. Ce n’est pas évident mais nous nous battrons toujours pour y arriver au bénéfice de nos télespectateurs. D’ailleurs, la prochaine bataille après cette rentrée télévisuelle est celle pour l’acquisition de matériel de production.

S. : Comment justifier l’attitude générale des télé africaines de précéder le carnet du président de la République avant tout autre élément d’information ?

Y.T. : Cette donne a changé à la TNB car nous sommes conscients de la hierarchisation de l’information. Une audience présidentielle, ministérielle ne prime pas sur un drame social (inondation, incendie, séisme...). Egalement un séminaire ne prend pas le dessus sur une audience du chef de l’Etat.

S. : Pour revenir à la rentrée télévisuelle, est-ce que vous avez les ressources humaines nécessaires pour mener à bien et jusqu’au bout cette innovation ?

Y.T. : Oui sans détours, nous avons les hommes qu’il faut et même ces derniers sont sous exploités car ils ne sont pas encore en possession des différents matériels dont ils doivent disposer pour travailler. Nous avons énormément des compétences fertiles qui sommeillent et vont donc s’atteler à la réussite de la rentrée télévisuelle.

S. : Quelle place est accordée au télespectateur dans la rentrée télévisuelle ?

Y.T. : C’est pour les téléspectateurs burkinabè que nous menons toute cette batterie d’innovations. Sans leur respect et participation, toute cette opération n’aurait pas du tout un sens. Nous proposerons aux télespectateurs un gros volume attrayant, captivant de nouveaux programmes télé à la sauce burkinabè et peu enviables par rapport aux produits étrangers.

C’est dire que nous nous souçions beaucoup de l’affection de l’audience télévisuelle et pensons à travers cette grande mutation de la RTB, repondre quotidiennement à leurs attentes.
L’ambition de la RTB est d’organiser chaque année après les vacances une rentrée télévisuelle qui privilégie d’abord les productions nationales et africaines (60 à 70%) avant celles internationales. Toute chose qui assure la valorisation et la perennisation des cultures locales surtout.

Abdoul Rasmané ZONGO (Stagiaire)

Sidwaya

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