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Abbé Dominique Yanogo : "L’avenir pastoral au Burkina de l’information et de la communication n’est pas impossible à construire"

Publié le mardi 12 septembre 2006 à 08h21min

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Abbé Dominique Yanogo : "A trop parler de moyens et de médias, on finit par oublier qu’il s’agit de communication »

Le 7 juillet dernier, l’abbé Dominique Yanogo a soutenu une thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication. "La pastorale interpellée" est le titre de cette recherche qui, au-delà de l’Eglise, se veut un point de vue pastoral sur les questions liées aux nombreux défis de l’ère de la communication et de l’information au Burkina Faso....Nous l’avons rencontré pour en savoir plus.

Qui est l’abbé Dominique Yanogo ?

Je vous remercie.C’est en effet la première fois que je suis accueilli par vous qui construisez le Faso réel par le virtuel de l’Internet. Toutes mes félicitations pour cette œuvre entreprise depuis 2003.

Parler de soi n’est pas facile, et reste sans intérêt si c’est pour soi, surtout à une époque où les « sans-voix » sont nombreux et appellent notre engagement pour un monde plus juste et plus solidaire. Mais si l’on veut être un homme d’Eglise (assemblée), et demeurer fidèle à ses racines (patrie), il faut dire ce qui te lie aux autres par ton histoire, par ton engagement et par ta vision.
Alors, je consens à donner quelques repères à vos lecteurs qui ne me connaissent pas.

Je suis prêtre diocésain de Ouagadougou depuis 23 ans, le 2 juillet 1983. J’ai 51 ans. Je suis donc de la génération de ceux qui allaient à l’école, quand les parents célébraient l’Indépendance acquise en 1960. Ils nous en ont transmis le patriotisme pour une « Fière Volta », et l’engagement à la rendre « et plus forte, et plus belle ». Cela s’est exprimé à notre jeunesse par les mots de « Salut du Peuple », de « Révolution », de « Rectification » ; et à notre maturation des expériences cumulées, émergent les valeurs de réconciliation, de solidarité, d’espérance en la justice par la démocratie consensuelle.

J’ai été façonné par l’éducation chrétienne : Ecole de la Salle, Cœur Vaillant, Servant de messe, Scout de Haute-Volta puis du Burkina Faso, et bien sûr séminaires de Pabré, de Kossoghin et de Koumi.

J’ai pratiqué la communication et l’information et j’y ai découvert des chemins de lien et de communion pour sortir des mailles de la division que le Mal tisse entre les hommes.

Au niveau national et au niveau de la capitale du Burkina, j’ai apprécié la fraternité dont sont capables les hommes de média, et la passion qui les anime. J’ai eu le bonheur d’apprendre à modeler positivement l’opinion au sein de nombreuses structures et auprès de vrais amis de l’homme en société ou en Eglise.

Depuis les modestes activités culturelles au petit séminaire, jusqu’au Forum national pour la Réconciliation, en passant par les rédactions de presse audiovisuelle ou écrite, les divers rendez-vous comme la conception de l’Union Catholique Africaine de le Presse (UCAP) en 1977 à Dakar, ou encore ma propre formation à Cologne (Allemagne), à Lyon et à Strasbourg (France), à Dayton (Ohio, Etats-Unis d’Amérique), à Louvain-La-Neuve (Belgique), j’ai reçu des autres le devoir d’ouverture à un monde qui, aujourd’hui, est au-delà de mon Kadiogo natal et de ce Faso que j’aime tant.

C’est un privilège important que je dois d’abord aux autres qui m’ont fait confiance, ou ont offert leur participation à mes choix. Je pense entre autres à l’équipe de l’aumônerie des Etudiants (1987 à 1995) et aux jeunes qui ont cru avec moi aux JMJ dès les débuts et ceux avec lesquels j’ai pu répondre présent à l’appel du Pape, au nom de mon pays en Pologne, aux Etats-Unis, aux Philippines à Manille...

Avec eux j’ai pu créer la Communauté catholique des étudiants de Ouagadougou (CoCEO) qui rassemble au-delà des mouvements et associations catholiques, pour s’ouvrir au monde de l’unique université d’alors : nous étions en 1988. Je pense aux parents et amis qui se sont mobilisés autour des filles de l’association « Solidarité Marthe et Marie » et ont relevé avec elles de nombreux défis au Burkina, en Belgique et aujourd’hui au Gabon. Je ne puis oublier bien sûr la belle et constructive collaboration reçue de tous pendant la direction de Radio Maria de Ouagadougou que j’ai assumée jusqu’au début de mes recherches doctorales en 2002 en France.

Je suis la résultante d’un processus de multiples acteurs à qui j’exprime ma gratitude sans cesse, et j’essaie d’être catalyseur de fraternité et de solidarité vécues autour de moi, en Eglise comme en Société. J’espère alors avoir répondu à votre question.

Sur quel sujet ont porté vos recherches doctorales ?

J’ai voulu apporter ma contribution à la recherche globale d’une réponse pertinente aux nombreux défis de l’ère de la communication et de l’information aujourd’hui dans le contexte du Burkina Faso. C’est donc tout naturellement que j’ai opté pour un point de vue pastoral, non parce que je suis prêtre, mais parce que les problèmes sociaux sont éminemment des défis pastoraux, si tant est que la pastorale demeure une mise en œuvre de la Bonne Nouvelle (Evangile) qu’espère la presque totalité de la population de mon pays. Le titre définitif de ma thèse de doctorat a été ainsi formulé : « La Pastorale interpellée ».

Pourquoi un tel sujet ?

Vous connaissez l’engouement social pour les nouvelles technologies de la communication et de l’information ; l’engagement politique volontariste pour une infrastructure de technologies nouvelles en faveur du développement par la communication est indéniable au Burkina Faso ; l’intérêt ecclésial est sans conteste et s’est traduit ces dernières années par la multiplication des structures,des rencontres et des activités pour mieux épouser l’émergence incontestable d’une culture nouvelle du fait de l’avènement des NTIC. Le choix de mon sujet tient donc de l’actualité.

Cependant si j’ai fait le choix de me tenir sur le terrain pastoral et non sur le terrain médiatique à proprement parler, c’est que, à mon sens, à trop parler de « moyens » et de « médias » on finit par oublier qu’il s’agit de « communication ».Or s’il y a bien un lieu éminent de communication pour l’Eglise, c’est bien celui de la pastorale : elle doit être une actualisation de l’incarnation de la Parole éternelle de Dieu, Vie et Salut pour les hommes de tous les temps et de tous les lieux.

Alors, quand les technologies viennent à bousculer le gouvernement, à imposer un ministère spécifique, à baptiser l’organe national de régulation en Conseil Supérieur de la « Communication », et que dans la vie de tous les jours, on réalise qu’une société nouvelle se construit du fait de la nouvelle communication, je me dis qu’une Eglise nouvelle va naître par le fait même !

Il nous faut écouter les interrogations et les défis que lancent les nouvelles technologies de l’information et de la communication aux Burkinabè, et donc à la pastorale qui y est conduite. Sans vouloir remettre en cause l’option pour une Eglise Famille de Dieu qui nous mobilise depuis 30 ans déjà, j’ai voulu tendre l’oreille à mon frère et à ma sœur du Burkina aujourd’hui, et chercher les chemins vers demain, sur la base de ses préoccupations actuelles.

Comment s’est passée la soutenance ?

Rien à signaler, pourrais-je dire. C’était à l’université d’état de Strasbourg, dans les locaux de la faculté de théologie catholique, le 7 juillet 2006. Le jury était présidé par le professeur Bernard KAEMPF de la théologie protestante, et composé des professeurs Annie LENOBLE-BART de Bordeaux 3, Maurice CHEZA de Louvain-La-Neuve (Belgique) et Robert MOLDO de Strasbourg II qui a été aussi mon directeur de thèse. Il m’a été donné la mention très honorable, comme il m’a été livré aussi les éprouvants coups utiles à me tenir éveillé pour ne pas dormir sur mes lauriers. Comme j’aurais aimé entendre ceux dont je prétends porter le souci dans cette recherche, et avoir des acteurs du Burkina Faso à cette table, en particulier ceux qui m’ont encouragé de multiples manières depuis l’année 2002.

À quelles conclusions avez-vous abouti ?

Vous savez bien qu’un chercheur qui a trouvé se remet encore à chercher ! C’est pour cela qu’il y a toujours des chercheurs. J’ai donc trouvé à chercher encore. A la lumière de la longue expérience de l’Eglise travers l’histoire, à l’analyse des attitudes et des aptitudes des pasteurs dans le monde d’aujourd’hui face à la nouvelle culture de la communication, à l’écoute des chercheurs actuels dans cette discipline de théologie pratique, je me suis laissé convaincre que l’avenir pastoral au Burkina de l’information et de la communication n’est pas impossible à construire. Il faudra le faire ensemble, secteur après secteur, sur le terrain, et pour le bonheur et le salut du plus grand nombre.

A quoi serviront-elles ?

J’espère en disposer largement auprès de mes confrères et de tous les acteurs de la pastorale. J’espère pouvoir les mettre à la disposition de mes jeunes frères et sœurs en formation. Je voudrais que cette réflexion soit comme l’alerte, le « no bingo » que lancent les villageois Moose à la vue du danger. Je suis convaincu que l’émergence de la culture de la communication qui s’amorce peut être une chance pour un Burkina de paix, de Justice et de solidarité.

Que pensez-vous de la couverture de la question religieuse par la presse burkinabé en général ?

En général, comme vous le dites, la presse nationale est responsable et désireuse d’objectivité et de juste équilibre dans le traitement de la question religieuse. On peut regretter parfois des silences, des positions et même des publications ouvertement tendancieuses vis-à-vis de la question religieuse. Mais je suis convaincu là encore que les marques de la communication nouvelle vont nous conduire à plus de relation, de proximité, d’interactivité, d’ouverture réciproque et donc d’une meilleure connaissance mutuelle qui atténuera tout ce qui est regrettable.

En parlant ainsi je n’ai pas seulement à l’esprit ma propre chapelle : je pense à tous les promoteurs de valeurs humaines et spirituelles. La question religieuse pour moi ne peut non plus s’enfermer dans l’institutionnel ou le socialement établi : elle rejoint toute humanité dans sa quête de relation.
Ensemble nous pouvons mieux faire !

Propos receuillis par Cyriaque Paré

Lefaso.net

P.-S.

Voir le site l’Eglise du Burkina :
http://www.egliseduburkina.org/

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