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Burkina/Littérature : « Le crime des traditions » et « Une balle dans le moral », ces œuvres évocatrices du gendarme-écrivain, William Combary

Publié le jeudi 23 novembre 2023 à 21h00min

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Burkina/Littérature : « Le crime des traditions » et « Une balle dans le moral », ces œuvres évocatrices du gendarme-écrivain, William Combary

L’officier supérieur de gendarmerie, William Combary, douze œuvres dans les rayons avec des « thématiques aussi variées que le style », fait incontestablement partie des références du cercle littéraire burkinabè, voire africain. Ce qui lui vaut aussi d’être choisi, avec l’écrivain malien, Ousmane Diarra, respectivement invité d’honneur et invité spécial de la 17e Foire internationale du livre de Ouagadougou (23-26 novembre 2023). C’est d’ailleurs à quelques heures de l’ouverture officielle de ce salon du savoir, que l’auteur a fait, en présence de la hiérarchie de la gendarmerie nationale, d’hommes de lettres, amis et autres admirateurs, le mardi, 21 novembre 2023 au « jardin des Saveurs » à Ouaga 2000, la dédicace de deux œuvres évocatrices, intitulées « Le crime des traditions » et « Une balle dans le moral ».

« Le crime des traditions » et « Une balle dans le moral » sont préfacés par respectivement l’artiste-rappeur burkinabè, Smarty (Louis Salif Kiékiéta, à l’état civil) et Bernadette Dao, poète, nouvelliste (Grand prix national des arts et des lettres en 1986, catégorie poésie).

« Le crime des traditions » et « Une balle dans le moral », deux œuvres dignes d’intérêt qui posent ici des réalités des Burkinabè émaillées des affres du terrorisme, des parutions qui motivent également, selon le présentateur, Koba Boubacar Dao, poète, dramaturge et critique d’art, président de la Société des auteurs, des gens de l’écrit et des savoirs (SAGES). « Pour l’essentiel, ce sont des thèmes d’actualité », dit M. Dao avant d’ouvrir une lucarne sur les deux œuvres.

L’auteur a, dans ses œuvres, et de façon subtile, usé de la parenté à plaisanterie entre les Gulmantché (son origine) et les Yaadsé.

Ainsi, il va, dans une présentation pleine de suspense et d’envie de découvrir, braquer les projecteurs sur « Le crime des traditions ». C’est un recueil de neuf nouvelles, couvrant 218 pages, abordées dans des thèmes aussi variés que le style d’écriture.
La première nouvelle de ce recueil est l’histoire de Prosper, un fonctionnaire en province et qui reçoit une affectation pour la capitale, Ouagadougou. « Et il a la chance, cette chance que tout le monde n’a pas, que c’est une amie qui scanne cette note d’affectation pour la lui envoyer ; parce que s’il devait attendre l’administration avec ses lenteurs, peut-être que ça n’allait pas arriver vite, peut-être que certains auraient voulu qu’il dure encore plus en province, surtout que c’est à Ouaga qu’il vient.

Ici au praësidium, et de gauche vers la droite : Koba Boubacar Dao, Alassane Moné, Josée Laurence Zoungrana, William Combary et le responsable de Éditions Céprodif.

Il reçoit donc le scan et entreprend les démarches. Mais celle qui lui envoie cette information-là a beaucoup d’intérêt dedans ; parce que depuis que le jeune-homme est en province, elle se dit qu’il y a des gourgandines comme d’habitude, qui veulent se l’arracher et qui prennent beaucoup plus soin de lui. Mais s’il est affecté à Ouaga, elle va prendre sa revanche. Et justement, c’est ce qu’elle fait », dévoile le présentateur devant une assistance accrochée à ses lèvres pour la suite de l’histoire.

Cette amie-là est, poursuit-il, chargée de lui trouver donc un logement à Ouagadougou, avec ces difficultés faites de démarcheurs véreux. « Mais il y a un aspect important, c’est le voisinage ; surtout quand nous sommes dans les cours communes. Le narrateur est dans une cour commune et dans cette cour, il y a tout au fond une mini-villa et c’est cette dernière qu’occupe le narrateur. N’oublions pas aussi qu’il y a une jeune étudiante dans cette cour-là, que notre amie qui travaille dans l’administration, qui a envoyé la note d’affectation, n’aime pas (parce qu’on ne sait jamais, avec cette étudiante dans la même cour que son copain, tout peut arriver). Le voisinage, avec la co-habitation parfois difficile… Son mari sort de façon intempestive, il rentre ivre et il a des relations extra-conjugales. Un jour, l’irrémédiable se produit, Angeline tue son mari… », rabat Koba Boubacar Dao, qui précise également que l’auteur a pris le soin de parler de la sécurité dans les quartiers, des comportements à adopter.

Logé au rang des grands auteurs, William Combary n’a pourtant pas fait la littérature, il est Titulaire d’une maîtrise en droit public (option relations internationales) et diplômé de l’École supérieure internationale de Guerre.

La deuxième nouvelle (Le crime des traditions, nouvelle éponyme) présente une jeune fille du nom de Ramatoulaye, âgée de sept ans, orpheline de mère dès la naissance. « Son malheur, c’est qu’elle vit dans une société qui estime qu’épouser une femme non excisée est un blasphème. Donc, elle va subir l’excision et les séquelles vont la marquer à vie, et c’est justement la nuit de ses noces qui s’avérera fatale pour elle ; une longue hémorragie et voilà…. », résume le présentateur, laissant l’assistance tétanisée par le sujet.

« C’est au nom de la coutume que son frère décide d’accepter que sa sœur épouse celui qui lui a été proposé par les anciens, mais c’est au nom de cette même tradition qui, parfois justement, a des aspects qui ne sont pas toujours à encourager, que la jeune fille succombe », pousse M. Dao.

L’auteur est également revenu sur le choix des préfaciers, à qui il a adressé ses reconnaissances pour leur humilité et accessibilité.

Choc de réalités !

« Le privilège d’enfanter », autre titre des neuf nouvelles, pose également un problème de société par l’histoire de Pascal, marié à une certaine Julie.
« Mais le problème, c’est qu’ils n’ont pas d’enfant. Après plusieurs examens, la femme estime que le monsieur doit aussi aller se soumettre à des examens médicaux. Mais lorsqu’on lui dit ça, il s’énerve : qu’est-ce qu’on lui reproche, est-ce qu’on pense que c’est lui, lui n’a pas de problème et il refuse de se soumettre à ces examens médicaux. Tenez-bien, il a une liaison avec une certaine Honorine, qui est étudiante en droit, qu’il décrit comme une pucelle aux rondeurs fermes et envoûtantes et a 19 ans. De ces relations extra-conjugales, un jour, Honorine lui annonce qu’elle est enceinte de lui. Il se dit : voilà, ma femme n’arrive pas à enfanter, elle veut m’accuser que je suis stérile, alors que la stérilité, tout le monde sait que c’est la femme. Il veut prouver qu’il a un enfant avec cette fille-là. Donc, quand il rentre et que la femme veut parler, il dévoile tout. Le couple vole donc en éclats. Le monsieur a son enfant. Vous savez, on croit que ce sont seulement les femmes qui fouillent les téléphones (de leur mari, ndlr), mais il y a des hommes aussi qui fouillent des téléphones (et un ami me dit que lorsqu’un homme fouille téléphone, il devient une femme, il n’est plus un homme, je ne sais pas si c’est vrai, commente le présentateur). Mais, ce qu’il y a de plus intéressant, c’est que le monsieur et son ex-épouse se rencontrent dans un supermarché et il voit son ex-femme en grossesse », retrace-t-il dans une salle en suspens.

Les invités ont massivement répondu à la cérémonie de dédicace.

Puis, il poursuit : « Il commence à découvrir des messages, où quelqu’un demande : ‘’comment va mon bébé (l’enfant, ndlr) ?’’ Finalement, il est allé faire son examen et on lui dit : ‘’ça tombe bien, tu vas pouvoir avoir des enfants, parce que tu vas guérir, si tu étais venu plus tard ça allait être grave’’. Il a cherché à savoir si ce problème durait, on lui a dit que ça dure depuis cinq ans. Donc, l’enfant qui est né l’année dernière-là, il est né comment ? ».

La neuvième nouvelle parle, elle, de viol et de proxénétisme, dans une histoire aussi captivante que les autres.

La deuxième œuvre « Une balle dans le moral », 167 pages de 107 textes (poèmes), évoque beaucoup de problèmes, avec en toile de fond, de la motivation. « Un appel à tous ceux qui ont été touchés dans leur moral, à ne pas se laisser submerger. (…). Il y a des moments comme cela, où on reçoit une balle dans le moral, et il faut pouvoir résister, être résilient comme on aime à le dire aujourd’hui. (…). Ce qui est aussi bien à retenir, ça veut dire qu’on peut être dans une position où on traverse des périodes difficiles…, et ces textes-là sont à lire », recommande le président de la SAGES, Koba Boubacar Dao.

Le chef d’Etat-major de la gendarmerie nationale (au micro), lieutenant-colonel Kouagri Natama, est venu soutenir son "élément" et l’encourager dans sa dynamique, une autre lutte pour une société de paix, de justice, de cohésion.

Selon l’auteur, William Combary, « Le crime des traditions » se veut une sorte de « best off » (les titres majeurs de nouvelles existantes). « Le crime des traditions, c’est la première nouvelle que j’ai écrite et qui a été primée en 97 et le titre, c’était Mariétou. J’ai écrit cette nouvelle quand j’étais en 3e au PMK (Prytanée militaire de Kadiogo). J’ai eu le septième prix de la Francophonie avec cette nouvelle. (…). Je voulais vraiment sortir ce titre-là pour le mettre sur un livre, parce qu’un peu plus tard, j’ai été formateur dans la lutte contre les mutilations génitales féminines. Je voulais que cette œuvre-là sensibilise tous les citoyens par rapport aux souffrances de la femme. C’est pour cela que j’y ai ajouté un deuxième titre : l’enjeu du clitoris, qui parle également de la lutte contre l’excision », explique l’écrivain, lieutenant-colonel William Combary (https://www.facebook.com/combarywilliam).

« Être humble, c’est choisir de s’humilier…, c’est une noble humiliation »

Au cours de la cérémonie, l’auteur a bien voulu, personnellement, partager ce passage avec ses invités : « Être humble, c’est s’humilier malgré ses capacités. Un pauvre qui vit modestement n’est pas forcement humble. Un subordonné qui respecte son chef n’est pas humble. Être humble, quand on est riche, c’est éviter la condescendance et être généreux. Être humble, c’est accepter la contradiction, être accessible et attentionné. Être humble, c’est faire des compromis. Etre humble, quand on est un aîné, c’est accepter d’apprendre des jeunes. Etre humble, quand on est jeune, c’est de ne pas oublier que les aînés ont aussi été jeunes et qu’un jour, on sera un vieux. Être humble, quand on a la liberté de tout, c’est de tout faire pour n’entraver la liberté de personne. Etre humble, quand on a le pouvoir, c’est se mettre au service des autres. Mon frère, retiens juste qu’être humble, c’est choisir de s’humilier. Être humble est une noble humiliation. Sois humble, toutes les portes te seront ouvertes ».

Lieutenant-colonel Combary a dit sa gratitude à ses camarades de promotions du PMK et de l’Académie militaire Georges Namoano pour le financement des œuvres.

De quoi rendre fier celui-là qu’il dit appeler « papa », le colonel-major à la retraite, Alassane Moné, président de la cérémonie. Ce dernier a, en sa qualité de chef de corps, contribué à son encadrement au PMK. « Vous avez su allier travail, passion et écriture », apprécie-t-il avant d’ajouter que ces deux œuvres viennent confirmer la générosité de l’auteur pour l’écriture. Le colonel-major à la retraite retient que William Combary a toujours été un élève brillant, respectueux et réceptif, que ses prestations en lettres démontrent bien également.

« Ecrire, c’est réinventer le monde, partager sa vision du monde et apporter ainsi sa pierre à l’édification d’une société juste, plaçant l’humain au centre de ses préoccupations », exalte l’ancien ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Burkina auprès de la République arabe d’Egypte, Alassane Moné.

Le gendarme-écrivain, William Combary, a nourri chez certains invités, la fibre de l’écriture.

La directrice du livre et de la lecture publique, Josée Laurence Zoungrana, représentant le secrétaire général du ministère de la Communication, de la culture, des arts et du tourisme, président de la cérémonie, s’est, quant à elle, réjouie que ces œuvres viennent enrichir les rayons des bibliothèques.

Parues chez les éditions Céprodif, « Le crime des traditions » et « Une balle dans le moral » sont disponibles dans les librairies (ou au 76 65 57 00) et acquérables respectivement aux prix de 5 000 FCFA et 4 000 FCFA.

Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net

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