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Burkina / Régulation des médias : « On ne peut pas se permettre de laisser les gens dire n’importe quoi », Abdoulazize Bamogo, président du CSC

Publié le jeudi 11 mai 2023 à 22h40min

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Burkina / Régulation des médias : « On ne peut pas se permettre de laisser les gens dire n’importe quoi », Abdoulazize Bamogo, président du CSC

« On ne peut pas se permettre de laisser les gens dire n’importe quoi dans ce contexte de défis sécuritaires. Car cela pourrait rendre très difficile, la situation de notre pays », a relevé le président du Conseil supérieur de la communication (CSC), Abdoulazize Bamogo. C’était lors de sa visite à Lefaso.net le mercredi 10 mai 2023 à Ouagadougou. Pour le président du CSC, il ne s’agit pas d’être en train de critiquer, d’insulter ou de dire tel frère est contre le pays, ou tel est apatride. Mais il faut se comprendre… Plus de détails dans cet entretien que le président du CSC a bien voulu nous accorder.

Lefaso.net : Dites-nous quel est votre principal message à l’endroit des médias ?

Abdoulazize Bamogo : Aujourd’hui, l’activité des médias aussi bien sur le plan économique que dans le rapport avec l’ensemble du public pose un certain nombre de problèmes. La conjoncture économique est telle que les médias ont de véritables difficultés, donc les entreprises qui continuent de faire leur travail, notamment celui du traitement de l’information au profit du public, sont des entreprises qui font vraiment beaucoup d’efforts. Et c’est pourquoi je pense qu’ils méritent qu’on puisse les encourager.

Cependant derrière, il y a aussi un débat public sur le rôle et la place du journaliste ou du média dans ce contexte de défis sécuritaires. Il y a en effet, une sorte d’incompréhension qui fait aussi que les journalistes sont un peu dans une situation inconfortable face à la conception du rôle qu’ils jouent en cette période de crise. Je pense justement qu’au regard de toutes ces épreuves que traversent les journalistes, il est utile de les encourager et leur remonter le moral. Ce, en leur disant que nous avons pleinement conscience de l’important rôle qu’ils jouent en faveur de notre pays.

C’est vrai que nous traversons des moments difficiles pour lesquels les autorités notamment ont besoin que les médias en tant qu’acteurs de notre société puissent jouer leur partition pour que l’on parvienne à relever le défi sécuritaire. Mais il est bon aussi que nos médias, notamment nos journalistes, restent suffisamment professionnels pour obtenir la confiance du public et bénéficier de cette crédibilité qui amène les gens à croire aux informations qu’ils diffusent.

Si l’on ne fait pas attention et que l’on perd cette crédibilité des journalistes, cela peut devenir difficile pour l’ensemble du pays. Dans un tel contexte, il faut que les médias voient de quelle manière ils peuvent accompagner l’effort pour relever le défi sécuritaire tout en restant suffisamment professionnels.

« Le réel problème se pose lorsque l’on a d’autres acteurs qui s’érigent en médias en ligne sans aucune connaissance des éléments qui encadrent la profession »

Avec cette floraison de médias en ligne que nous constatons de nos jours au Burkina Faso, quels sont les principaux défis auxquels est confronté le CSC pour leur régulation ?

Déjà, le nombre de médias en ligne cause pas mal de soucis quant à suivre leurs contenus et les réguler. Cependant, si ces derniers entraient dans une dynamique de prendre Lefaso.net pour exemple, en recrutant un personnel de qualité, issu des écoles qui a de l’expérience et une bonne connaissance de l’éthique, de la déontologie et la loi relative à la presse, cela leur permettrait d’être professionnels et de faciliter le travail du régulateur.

Au regard de certains manquements que nous avons pu constater çà et là, le CSC a multiplié les initiatives de rencontres, de sensibilisation et de formation afin d’aider ces acteurs qui n’ont pas suffisamment de connaissances et de compétences en matière de traitement de l’information.

Surtout qu’on ne peut pas se permettre de laisser les gens dire n’importe quoi dans ce contexte de défis sécuritaires. Car cela pourrait rendre très difficile la situation de notre pays. C’est la raison pour laquelle nous invitons ces acteurs-là, à être des médias modèles en se déclarant auprès de la justice et en présentant leur récépissé au régulateur, tout en ayant un personnel qualifié.

Quelles mesures avez-vous mises en place pour lutter contre la désinformation en ligne, dans un contexte où la paix et la cohésion sociale sont à consolider ?
Nous avons lancé une opération dénommée « Information contre désinformation ». Il s’agit ici, de renforcer les capacités des médias professionnels comme vous, afin qu’ils soient capables de diffuser la bonne information face à la désinformation qui est régulièrement propagée par les réseaux sociaux.

Nous estimons que c’est parce que les médias et les journalistes professionnels comme vous ne sont pas sur les réseaux sociaux pour donner l’information juste que la désinformation a de l’ampleur sur ces plateformes numériques. Donc une présence permanente des professionnels de l’information et de la communication sur les réseaux sociaux permettra au public de disposer de sources fiables pour s’informer.

De nos jours, dans quel climat se fait la régulation quand on sait que le pays est confronté à une crise sécuritaire sans précédent ?

La régulation des médias se passe très bien. Ce que je dois apprécier, c’est surtout la compréhension des organisations professionnelles des médias. En ce sens, qu’il y a une nécessité de conjuguer nos efforts pour bâtir des médias professionnels, qui soient respectueux des principes et qui mettent en avant leur responsabilité sociale au Burkina Faso. Nous sommes également en discussion avec les autorités gouvernementales et celles de la sécurité en particulier, pour recueillir leurs attentes.
Certes, ce n’est pas toujours de gaieté de cœur que nous critiquons ou sanctionnant les médias. Mais nous arrivons la plupart du temps à trouver un terrain d’entente sur l’identification des manquements et des sanctions qui en découlent tout en apportant les corrections appropriées pour un avenir meilleur.

Quelle appréciation faites-vous d’ores et déjà, des médias et entreprises de publicité que vous avez visité jusqu’ici ?

Nous avons pu faire de grandes observations. La première concerne l’aspect économique. À ce niveau, nous constatons que les médias et les entreprises de publicité connaissent beaucoup de difficultés. La deuxième elle, est relative aux contenus des médias. Là, nous avons remarqué que beaucoup d’efforts ont été fournis pour s’adapter au contexte de crise sécuritaire. Ce sont par exemple des outils que certains ont mis en place dans le cadre du traitement de l’information liée à la sécurité. Cela, en vue de disposer de filtres qui permettent de discerner les vraies informations des fausses.

Aussi, nous avons apprécié l’autocensure qu’observent des médias face à des informations qui peuvent être vraies dont la publication n’est pas opportune. Quand on sait que la publication de certaines informations peut causer beaucoup plus de fragilité, de divisions que contribuer à la restauration de la paix. Ce qui va de la responsabilité sociale des médias.

De façon succincte, comment appréciez-vous le traitement de l’information des médias face à l’insécurité ?

On a vu des médias qui ont certaines informations mais qui ne les publient pas parce qu’ils se disent que cela pourrait porter atteinte à la situation du pays, en causant de nombreux dommages. Cependant, il arrive que l’on découvre des informations sensibles qui sont injectées dans l’espace public et qui causent problème. Nous estimons que cela peut se traduire par les insuffisances que ces médias ont, de pouvoir analyser l’impact de ces informations sur la société.

Et c’est ce qui nous conduit dans cette démarche de vouloir les former davantage. Mais, je pense aussi que ceci peut être une incompréhension entre les médias et les acteurs chargés de la sécurité de notre pays. C’est ainsi que je crois que l’instauration d’un dialogue entre ces différents acteurs est nécessaire.

Ainsi, les journalistes sauront quel est l’effet de telle information sur telle activité de sécurisation. En d’autres termes, les forces de défense et de sécurité pourront, lors de cette rencontre, expliquer comment la diffusion de certaines informations peuvent compromettre leurs opérations sur le terrain.

Quels sont les projets futurs du CSC, en matière de règlementation des médias de façon générale et de renforcement des capacités de ces acteurs ?

Les perspectives en vue au niveau du Conseil supérieur de la communication sont notamment la tenue d’assises nationales sur la communication avec les différents acteurs de la chaîne. Parce que nous jugeons qu’il est extrêmement important que l’on se parle. Il ne s’agit pas d’être en train de critiquer, d’insulter ou de dire tel frère est contre le pays ou tel est apatride. Car nous avons tous un seul et même pays à défendre. C’est d’ailleurs tous, pour le même pays que nous travaillons donc il n’y a aucune raison que l’on soit là à se battre entre nous-mêmes.

Mais pour éviter d’en arriver là, il faut un dialogue ouvert. Car si l’on ne se parle pas et ne prenons pas le soin de nous écouter, on va être en train de se bagarrer inutilement. Et cela ne fera que nous affaiblir, nous fragiliser et rendre difficile l’atteinte des objectifs sécuritaires.

En clair, le but de ses assises est de pouvoir ensemble trouver la bonne formule de communiquer dans ce contexte de défis sécuritaires, étant soucieux de la sauvegarde et de la sécurité de notre pays.

Propos recueillis par Hamed NANEMA avec Bonaventure PARÉ
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 11 mai 2023 à 18:17, par Sidsomde En réponse à : Burkina / Régulation des médias : « On ne peut pas se permettre de laisser les gens dire n’importe quoi », Abdoulazize Bamogo, président du CSC

    Le Burkina a connu un bon classement en matière de liberté de presse. Malheureusement c’est en ce moment qu’on a vu le burkindlim reculer jusqu’à produire le terrorisme.
    Question : un bon classement en liberté de presse est_ il à rechercher au Burkina ?

  • Le 12 mai 2023 à 00:36, par Banana Republic En réponse à : Burkina / Régulation des médias : « On ne peut pas se permettre de laisser les gens dire n’importe quoi », Abdoulazize Bamogo, président du CSC

    Oui, monsieur le régulateur, on ne peut pas laisser les médias dire du n’importe quoi, surtout en tant de guerre.
    On a dans ce pays une presse plus politique que communicatrice.
    Une fois j’ai fait du zapping sur toutes nos TV privées, et toutes avaient au même moment des émissions sur la guerre contre le terrorisme. Des spécialistes backoffice, comme disent les anglais.
    Quelle média de ce pays a un correspondant de guerre.
    Aucun, à part AIB. Tous nos médias sont bons pour aller couvrir des séminaires et autres inepties où il y a à boire et à manger.

    Il faudrait d’ailleurs remettre en cause la subvention à la presse, cela les endort, et cet argent pourrait servir à nos VDP..

  • Le 12 mai 2023 à 08:44, par Kladjou En réponse à : Burkina / Régulation des médias : « On ne peut pas se permettre de laisser les gens dire n’importe quoi », Abdoulazize Bamogo, président du CSC

    Il faut exister en tant qu’Etat pour réclamer une liberté de presse. Les terroristes cherchent à installer le chaos et un Etat théocratique à la sauce talibane. Allez y poser cette au afghans si la presse est libre et si chacun peut dire ce qu’il veut.
    Je ne crois pas qu’il y a lieu même de prêter attention à ces classements ridicules "de liberté de presse" dans le contexte sécuritaire difficile que nous vivons actuellement. Le plus urgent est de défendre notre modèle, et le droit à la vie actuel, ensuite tout le reste peut venir après. C’est le seul sacrifice qu’on demande à tous ces experts à la critique facile stérile pendant qui défendent je ne sais qui si ce n’est leur intérêts égoïstes perdant ce temps des millions de burkinabé contribuent financièrement et mieux d’autres consentent toujours les jours le sacrifice suprême pour défendre la patrie et d’autres attendent d’être enrôlés. ça fait chaque au coeur. Que Dieu aide les Peuples qui s’aident.
    Je suis d’accord pour le satisfecit décerné au Faso.net, pour avoir été à plusieurs reprises victime de leur censure.

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