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Contribution du maraichage à la lutte contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire dans la région des Hauts Bassins

Publié le dimanche 26 juin 2022 à 13h25min

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Introduction

Présentant un potentiel important en termes d’apport socio-économique (4,5% au produit intérieur brut du pays (MAHRH, 2007), le maraichage est considéré comme étant une activité de contre-saison participant à l’épanouissement économique des ménages. Pour Bognini (2012), le maraîchage contribue à l’amélioration des repas et des conditions de vie des familles en milieu rural. C’est ainsi que la filière maraichère fait l’objet d’une attention particulière dans la Stratégie de Croissance Accélérée et de Développement Durable (SCADD, 2011) qui soutenait le développement des secteurs dit prioritaires tel que le secteur de l’agriculture. Ce soutien visait à accroitre la contribution des cultures irriguées à hauteur de 50% de la production agricole en générale. Cette perspective a offert particulièrement une place de choix au développement du maraichage, au regard de son importante contribution à l’amélioration des conditions socioéconomiques de vie des producteurs (Bognini, 2012).

Au-delà de la croissance agricole, la culture maraichère impacte positivement la réduction de l’insécurité alimentaire et de la pauvreté (MAHRH, 2012). En effet, le maraîchage permet un accroissement significatif (+18%) des performances micro-économiques du pays, corrélé à une augmentation du revenu par hectare et du revenu du producteur (MARAH, 2007).

Dans le cadre de cette recherche, il est question d’analyser la contribution du maraîchage dans la lutte contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire tout en mettant en lumière quelques contraintes entravant son développement.

Cette recherche a été réalisée sur la base de données qualitatives collectées en deux étapes. La première a consisté en la collecte de données secondaires (articles scientifiques, documents de référence, rapports d’études) portant sur les perspectives socioéconomiques du développement du maraîchage au Burkina Faso. La deuxième étape a consisté en une enquête de terrain pour la collecte des données primaires à l’aide d’entretiens informatifs auprès de quelques personnes-ressources (producteurs et personnels administratifs concernés par la thématique).
La technique de l’analyse de contenu a été utilisée pour le traitement des données. Cette technique traduit une seconde lecture des messages afin de substituer à l’interprétation intuitive ou instinctive une interprétation construite Feller, J. (1977).

Résultat et discussion
Caractéristiques des activités maraichères dans la région des Hauts Bassins

La production maraîchère se déroule aussi bien en saison sèche (octobre-mai) que pendant la saison pluvieuse (juin-septembre). Cependant, la nature du climat affecte considérablement la superficie moyenne ainsi que le nombre d’exploitations maraichères. En effet, dans la région des Hauts Bassins, la superficie moyenne de l’exploitation maraichère passe de 0,44 ha en saison sèche à 0,33 ha en saison pluvieuse, soit un écart de 33%. Cette réduction des superficies en saison pluvieuse concerne tous les milieux (tableau 2). Elle est encore plus importante en milieu rural, et ce quelle que soit la région. Cette tendance des superficies est associée à une réduction de 67% du nombre des maraichers. Cette baisse est encore plus remarquable en milieu rural. Cela s’explique par le fait que les maraichers en milieu rural sont d’abord des producteurs vivriers pour qui le maraichage est une opportunité économique et qui profitent des espaces traditionnellement occupés par les cultures vivrières en saison pluvieuse.

Les spéculations usuellement produites dans la région sont diverses. A l’exception de trois produits (courgette, piment, légumes feuilles), toutes les autres sont cultivées aussi bien en saison sèche qu’en saison pluvieuse. Dans la région des Hauts-bassins, l’oignon apparait comme le premier produit confirmant ainsi les statistiques nationales (MAH, 2011). De même, la carotte est très présente en saison pluvieuse dans les Hauts-Bassins (Figure 1).

Concernant les pratiques de production maraichères, elles se déterminent en fonction de l’écologie des sites de production (bas-fonds, plaine sèche, plaine irriguée) dont dépend la disponibilité de l’eau. Les bas-fonds, inondables et inexploitables en saisons hivernales, sont moins représentés (18%) parmi les sites maraichers, contrairement aux pleines sèches (50%) et les pleines irriguées (32%). En hivernage, ces derniers deviennent par excellence des sites de production céréalière au détriment des cultures maraîchères.

Contribution du maraîchage à la lutte contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire

Le maraîchage contribue à augmenter la production agricole nationale et le revenu net des ménages. Toute chose qui améliore les conditions socioéconomiques de vie des familles de producteurs. La filière maraichère contribue pour 8 à 9% de la production totale du secteur de l’agriculture. En effet, les données analysées des enquêtes menées dans la région des Hauts Bassins montrent que 59,90% des maraîchers investissent respectivement leurs revenus maraichers dans l’éducation des enfants, dans l’achat de moyens de transport, dans l’équipement agricole et dans la construction d’habitation.

La contribution du maraîchage dans la vie des maraîchers est considérable. Il permet aux ménages de maraichers d’améliorer leur régime alimentaire à travers la diversification des rations alimentaires rendue possible grâce à la diversification des spéculations produites. En effet, il ressort de nos entretiens avec les producteurs qu’une petite partie des produits maraîchers récoltés sont affectés à la consommation. La grande partie restante est vendue aux populations locales ou aux grossistes.
Les revenus tirés de cette vente sont utilisés pour satisfaire un ensemble de besoins sociaux (achat de médicaments, de fournitures scolaires, de vêtements etc.).

Quelques limites au développement du maraîchage au Burkina Faso

Le Burkina Faso est riche en ressources en eau utilisable (L. Meï, 2003). Cependant, le faible niveau d’aménagement des espaces irrigables constitue un frein à l’expansion géographique de l’activité maraichère. De même, le faible niveau de sécurisation foncière des périmètres maraichers, le manque de formation des producteurs à la production durable, la montée non contrôlée des prix des intrants agricoles, le soutien étatique à la production maraichère jugée insuffisante par les maraichers ont des conséquences négatives sur la dynamique de l’activité maraichère. À cela s’ajoutent les difficultés d’accès aux crédits, évoquées par les maraichers comme des contraintes majeures au développement de l’activité maraîchère.

Conclusion et perspectives

Le maraîchage est une activité agricole qui a une contribution non négligeable dans l’économie du Burkina Faso. Il améliore les conditions de vie des ménages si les conditions nécessaires pour une bonne production maraîchère sont réunies. Compte tenu de la diversité des spéculations produite dans la Région des Hauts bassins et du nombre de personnes qui y pratiquent le maraîchage, nous pouvons dire sans nous tromper que la filière contribue à la réduction de la pauvreté et à l’insécurité alimentaire au Burkina Faso. Cependant, il est important de lever les limites qui entravent le développement de l’activité maraichère pour afin qu’elle puisse contribuer pleinement au développement socioéconomique du Burkina Faso. Dans cette perspective et au regard des réalités évoquées plus haut, il faudrait entre autres travailler à :
Permettre une sécurisation foncière favorable aux activités de production maraîchère ;
Augmenter le nombre de périmètres maraichers favorables à la diversification spatiale des sites d’exploitation ;
Faciliter l’accès des exploitants maraichers aux équipements, aux semences, aux produits de traitement de qualité, au crédit agricole et enfin développer les programmes de formation continue des maraichers aux exigences de la production maraichère durable.

OUEDRAOGO Félix, Chargé de recherche à l’Institut des Sciences des Sociétés (INSS)/CNRST/Burkina Faso, felixouedraogo99@gmail.com

Bibliographie

Bognini, S. (2012). Impacts des changements climatiques sur les cultures maraîchères au Nord du Burkina Faso : cas de Ouahigouya. ASDI, 38p ;
Campenhoudt, L.V., Marquet, N., & Quivy, R. (2017). Manuel de recherche en sciences sociales. 5ème édition. Dunod, - 379 p.
Da S. E. Nadège (2017) : contribution du maraîchage a la résilience des ménages pauvres ou très pauvres face aux variations pluviométriques : cas des bénéficiaires du projet BRACED volet maraîchage a Souri, Kenema et la-Toden, mémoire Master, 69p
Feller, J. (1977). L’Analyse du contenu, de L. Bardin. Communication & Langages, 35(1), 123-124..
MAAH. (2017). Programme de développement des cultures fruitières et légumières. Situation de référence. Ministère de l’Agriculture et des Aménagements Hydrauliques. (2018-2022).64p
MAAH. (2018) : Annuaire des statistiques agricoles. Burkina Faso, p79-81
MAH. (2011). Bureau central du recensement général de l’agriculture, Rapport d’analyse du module Maraîchage, Ministère de l’agriculture et de l’Hydraulique. 214 p.
MAHRH. (2007). Analyse de la filière maraîchage au Burkina Faso, Burkina Faso. p.124
Mei, L. (2003). La ressource en eau au Burkina Faso gestion et enjeux. Travaux du Laboratoire de Géographie Physique Appliquée, 22(1), 37-55.
Ouédraogo F et al. (2012). La mobilité comme résilience des maraîchers burkinabés face à la vulnérabilité alimentaire. Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, n°00, pp.1 24

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