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TOCSIN : Félicitations à l’action diplomatique du Burkina relative aux violences faites aux Burkinabè en Côte d’Ivoire

Publié le mardi 16 août 2005 à 09h31min

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Depuis le déclenchement de la crise sociopolitique en Côte d’Ivoire, les Burkinabè ont toujours été présentés par les autorités ivoiriennes, comme les responsables de tous les maux et de toutes les difficultés du pays. Le vocabulaire a évolué en fonction des qualifications que les autorités usent pour diaboliser une communauté qui s’est toujours illustrée par son apolitisme et son respect des lois et des coutumes locales.

Ainsi, au lendemain du déclenchement de l’insurrection militaire du 19 septembre 2002, le Burkina Faso fut désigné comme étant l’agresseur et les Burkinabè résidant en Côte d’Ivoire sont devenus des assaillants pour une grande partie des populations ivoiriennes du Sud. Au nom d’un tel qualificatif, des centaines de compatriotes vont subir des violences les plus diverses. Au fil des mois, le vocabulaire de base persiste, et se trouve enrichi avec par de nouveaux termes : étrangers, envahisseurs, agresseurs, rebelles, terroristes, etc.

Après les moments de la déportation sous la colonisation et de l’immigration concertée aux lendemains des indépendances, s’installa une tradition de l’exode des populations des zones rurales vers les plantations et les forêts ivoiriennes. Il est historiquement prouvé que le miracle ivoirien tient pour une bonne part au travail acharné des populations immigrées dans les forêts ivoiriennes pour produire le café, le cacao, l’hévéa, le palmier à huile, la banane et le bois. L’exploitation d’une main d’œuvre malléable et corvéable a fini par créer un sentiment de supériorité de la part de certains propriétaires terriens qui n’hésitaient pas à violer les droits des travailleurs migrants avec la complicité des forces de l’ordre et de l’administration.

Progressivement, il s’installa une culture de l’impunité où les étrangers et les Burkinabè ont été considérés comme des êtres sans droits que l’on pouvait user et abuser en toute liberté. Sans occulter le fait que, comme c’est le cas avec toutes les populations immigrées du monde, parmi les migrants burkinabè, "il existe une minorité de délinquants et de criminels", il est triste de constater que la presse ivoirienne aune tradition d’exposition de photos de Burkinabè en situation de délinquance, et ce depuis les indépendances.

A la une des journaux et à la RTI, l’on a pris l’habitude de voir des "Mossi" portant autour du cou l’écriteau portant leurs nom et prénoms, pour le meilleur des cas ; sinon, l’on montrait des cadavres burkinabè du fait de lynchage ou de bavures policières. Ceci paraissait si normal qu’aucune enquête n’était diligentée afin de définir les causes exactes des violations qui sont ni plus ni moins que des crimes en droit.

Mais à la décharge des autorités ivoiriennes, il faut reconnaître que de tels meurtres ne soulevaient de la part des autorités burkinabè aucune indignation. L’on se souvient encore de l’opération "coup de poing" lancée dans les années 80 en Côte d’Ivoire (que rappelle avec beaucoup de réalisme le reggae man ivoirien Alpha Blondy dans sa chanson) pour lutter contre la criminalité au cours de laquelle des dizaines de Burkinabè ont été raflés injustement et mis dans une cellule exiguë que les policiers ne parvinrent à refermer qu’à l’aide d’un camion. Inutile de dire que des corps ont éclaté sous l’effet de la pression. Au cours de l’opération, des centaines de Burkinabè ont disparu et de nombreux ont trouvé la mort. Cependant aucune voix ne s’est sérieusement élevée pour protester officiellement et pour exiger que justice soit rendue aux suppliciés.

En fin d’année 99, lorsque, prétextant un conflit agraire ayant opposé un Burkinabè à un jeune Kroumen avec à la clef la mort de celui-ci, les autorités décidèrent le massacre de milliers de Burkinabè, la destruction de tous leurs biens, le viol des femmes et des filles et l’expulsion de trois mille Burkinabè, il ne s’est trouvé aucune voix officielle burkinabè pour porter plainte et demander des comptes aux autorités ivoiriennes. L’on se souvient encore de la réponse de feu le Président Robert Guei, interrogé à Ouagadougou par un journaliste sur la question de l’indemnité des expulsés de Tabou.

En effet, toute justice bue, il a osé affirmer qu’entre frères, on ne parle pas d’indemnité. Et une telle réponse, sans aucun fondement juridique, a semblé pourtant convenir aux autorités burkinabè qui, dans tous les cas, n’ont pas poursuivi la Côte d’Ivoire devant les juridictions internationales.

L’arrivée de Laurent Gbagbo au pouvoir, loin d’avoir contribué à faire baisser les violences à l’encontre des Burkinabè, au regard des amitiés que celui-ci cultivait avec les autorités burkinabè, au contraire, a permis à l’hydre de la xénophobie, jadis rampant, de dresser la tête et de s’afficher comme le bréviaire du régime.

Il est toutefois salutaire de constater que depuis le déclenchement de la crise du 19 septembre 2002, avec les violations massives orchestrées contre les ressortissants burkinabè et les propos haineux et discourtois distillés à l’endroit des autorités nationales, une certaine inflexion s’est faite dans la diplomatie burkinabè. Nous avons en son temps salué le fait que les autorités aient décidé de la fermeture des frontières, adressé une lettre de protestation et de prise de position quant à la sécurité des Burkinabè résidant en Côte d’Ivoire (cf. Editorial des Echos du TOCSIN N° 004- Oct.-Nov.-Déc. 2002).

Depuis lors, les timides tentatives d’amélioration des relations entre les deux pays n’ont pas pour autant fait cesser les violences à l’encontre de nos compatriotes, toujours pris pour les victimes expiatoires d’une classe politique visiblement en panne d’inspiration de modèle alternatif de développement durable pour les paisibles populations ivoiriennes et leurs hôtes. Depuis la mise en veilleuse des accors de Marcoussis et d’Accra, la communauté internationale s’est accordée à croire que les protagonistes de la crise ivoirienne étaient enfin disposés à ramener leur pays dans la voie de la normalité.

Force est de constater que plus les élections approchent et plus les difficultés sont artificiellement créées pour empêcher visiblement la tenue des élections présidentielles, en dépit des déclarations contraires proférées par le régime. C’est donc dire que le statu quo présent fait l’affaire des politiques ! Tout porte à croire que la situation de non guerre et de non paix, où l’impunité est reine, arrange un régime qui se complait à entretenir une fièvre morbide sur le plan social.

Les récents événements de Duékoué (2 juin 2005), qui ont vu des populations wê sauvagement massacrées par des milices alors que les forces régulières nationales ont le contrôle de la zone, n’ont pas encore révélé leurs lots de mystères et d’intrigues. C’est dans la même logique qu’il faut inscrire, la soi-disant attaque intervenue à Anyama et à Agboville (23-24 juillet 2005) en plein fief FPI (Front populaire ivoirien) où le président Gbagbo dispose de partisans inconditionnels.

Les tentatives de l’ONUCI pour accéder au théâtre des opérations sont restées infructueuses. Et pourtant, c’est dans ces conditions, plus que troubles, que les autorités militaires ont exhibé des Burkinabè, des Maliens et Ivoiriens du Nord comme étant les assaillants. L’on déplore les rafles nocturnes avant et après "l’attaque" ainsi que de nombreuses exécutions extra-judiciaires mettant en cause d’innocents Burkinabè.

Une telle exposition de "coupables" est une violation flagrante du principe de la présomption d’innocence reconnu à tout accusé pour lequel la justice n’a pas encore statué. Il faut souligner que les arrestations arbitraires de Burkinabè ne sont pas le seul fait des forces loyalistes, car il n’y a pas encore longtemps un commerçant burkinabè était victime de tels abus au Nord de la Côte d’Ivoire.

Le TOCSIN salue l’attitude des autorités burkinabè qui ont adressé officiellement une lettre de protestation et demandé la relaxe des Burkinabè arbitrairement arrêtés. Ce d’autant plus que le ministère des Affaires étrangères a jugé utile d’informer l’opinion nationale et internationale d’une telle protestation, en la publiant dans les journaux.

Ainsi, rompant avec la diplomatie des salons feutrés et du secret, les autorités, par un telle option, protègent mieux les Burkinabè de l’extérieur qui avaient le sentiment réel d’être "des moutons sans berger", selon la formule utilisée par les forces de l’ordre et les milices ivoiriennes dans leurs entreprises de rackets de Burkinabè. Le TOCSIN formule le vœu de voir, une telle attitude se maintenir avec constance chaque fois que, de par le monde, des Burkinabè sont injustement , "violentés et humiliés".

En sus des protestations de principe, les autorités burkinabè devraient saisir les instances sous-régionales (Conseil de l’entente, UEMOA, CEDEAO) ou continentales (CENSAD, UA) pour porter plainte et exiger la diligence d’une commission d’enquête. Que l’on ne se méprenne surtout pas sur nos propos. Il ne s’agit pas de cultiver un climat d’antipathie entre deux peuples qui sont appelés à vivre et à se développer ensemble, deux peuples qui, à maintes reprises, ont démontré leur fraternité. Mais aucune paix durable ne peut se construire sur l’injustice, I’impunité ’et la compromission.

Le respect de la vie humaine n’est pas négociable. La réconciliation, l’amitié et la coopération entre le Burkina ne pourront se faire que sur la base du respect des droits humains et de la réparation des préjudices subis par les milliers de Burkinabè depuis Tabou.

Tous pour le combat de la solidarité et de l’intégration

Fait à Ouagadougou, le 10 août 2005

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