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Procès du putsch du CND : Les moments forts de l’audition du général Djibrill Bassolé

Publié le lundi 11 mars 2019 à 11h00min

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Procès du putsch du CND : Les moments forts de l’audition du général  Djibrill Bassolé

Dans le cadre du procès du putsch manqué de septembre 2015, le général Djibrill Bassolé a été auditionné entre le 19 décembre 2018 et le 16 janvier 2019. Dans les lignes qui suivent, Hermann Bado revient sur « les points chauds, les petites phrases, les grandes déclarations, les passes d’armes… » afin que « chacun puisse se faire sa propre opinion ». Lisez plutôt.

Début : Mercredi 19 décembre 2018

Demande de report du début de l’interrogatoire du général Basssolé par ses avocats (pour après les fêtes), afin de permettre à tous les avocats de l’accusé de se réunir et compte tenu du calendrier des fêtes. Refus du parquet militaire et de la partie civile. Echanges houleux entre les parties.

- Me Pierre Yanogo de la partie civile : Pour quelle raison on va accorder une suspension pour permettre à Djibrill Basssolé de mieux préparer sa défense ?
- Me Guy Hervé Kam : Même si on ne respecte pas le Burkina, respectons la justice
Puis intervention du général Basssolé : « Monsieur le président, commencez immédiatement mon interrogatoire, je suis là pour ça. Je serai plus à l’aise ».

Le président laisse les échanges se poursuivre…

Le président tranche à la fin : place à l’interrogatoire et aux débats.
- Le président du tribunal : Reconnaissez-vous les faits qui vous sont reprochés ?
- Général Djibrill Bassolé : Je ne reconnais pas les faits, je plaide non coupable.
Le président donne la parole à l’accusé, sur ce qui s’est passé le 16 septembre et jours suivants.
- Général Djibrill Bassolé : Je ne serai pas long, car à l’époque, mon emploi de temps n’était pas en lien avec les faits qui me sont reprochés.
- Le 16 septembre, j’ai reçu un message m’informant qu’il y a des arrestations qui se faisaient à la présidence. Mon tout premier réflexe a été de quitter Ouagadougou, pour ma résidence à Koudougou.

Selon l’accusé, il a eu le président nigérien au téléphone. C’est à la fin de la semaine de ces événements qu’il est venu prendre l’avion pour Niamey, sur demande du président nigérien Mamadou Yssoufou. Les échanges ont porté essentiellement sur la crise au Burkina.
Le lendemain, il est rentré à Ouagadougou où il est parti directement au domicile du général Gilbert Diendéré pour lui faire le compte rendu de son voyage à Niamey. En substance, le président nigérien a invité le général Gilbert Diendéré à accepter la résolution de la CEDEAO.

Après ce tête-à-tête avec Diendéré, l’accusé a confié qu’il est reparti à Koudougou.
Le 25 septembre 2015, constatant une amélioration de la situation sur Ouagadougou, Djibrill Bassolé est rentré.

Le 28 septembre, c’est avec « stupéfaction et déception » que l’accusé déclare avoir appris le communiqué du gouvernement de la Transition qui l’a accusé de complicité à la résistance du RSP et aux groupes djihadistes. Ce même jour, il a su que sa résidence est encerclée par les forces de l’ordre. Le lendemain 29 septembre 2015, Djibrill Bassolé est arrêté à son domicile. (lefaso.net)
Questions du président du Tribunal, réponses de l’accusé :

Avez-vous apporté une aide au général Diendéré ?

Général Djibrill Bassolé : Non, pas du tout. Lui-même n’avait pas besoin d’une quelconque aide. Nous sommes promotionnaires. S’il avait dans son agenda de perpétrer un coup d’Etat, il m’aurait informé. Je savais qu’il y avait une tension au sein du RSP depuis la mutinerie de 2011. Pour moi ce n’était qu’une énième crise.

Avez-vous soutenu financièrement le RSP pour passer à l’action ou consolider le coup de force ?

Pas du tout. Certes ma fille (Fatouma Diawara) m’a demandé de venir en aide aux familles des soldats du RSP, mais j’ai perçu cela comme une action sociale. Et c’était après la dissolution du RSP qu’elle m’a fait la demande. Mais je n’ai pas donné de suite favorable.

Et les 5 millions de francs CFA remis à Ismaël Diendéré ?

Général Djibrill Bassolé : Il m’a dit qu’ils ont des problèmes à la maison et que le vieux (Gilbert Diendéré, ndlr) a des problèmes. Par précaution, j’ai appelé sa mère. J’ai fait remettre la somme de 5 millions mais je n’ai pas informé le général Diendéré.
A la barre, le sergent-chef Koussoubé Roger a dit qu’il y avait trois clans au sein du RSP dont le vôtre.

Général Djibrill Bassolé : C’est quoi un clan ? Sur le plan militaire, il n’y a pas de nomenclature appelée « clan ». Je n’en sais strictement rien. J’ai des connaissances au RSP, à la police et à la gendarmerie, mais je n’ai jamais fonctionné sur la base de clans. En dehors de votre question, j’ai lu dans la presse que j’étais le cerveau du putsch et que le major Badiel Eloi est mon homme de confiance. Le major Badiel, je ne l’ai connu qu’à la MACA.

Par mesure de sécurité, nous étions deux par cellule. Au début, je partageais ma cellule avec le colonel Bamba Mamadou. Quand il a été mis en liberté provisoire, j’étais avec le capitaine Dao Abdoulaye. Après lui, on m’a envoyé le major Badiel. S’il y avait collusion, le régisseur ne l’aurait pas mis dans la même cellule que moi. Même dans notre cellule, il ne m’a jamais dit ce qui s’était passé. C’est un homme réservé. En tant qu’officier, je suis flatté que des officiers et sous-officiers me portent en admiration.

Avez-vous eu un entretien téléphonique avec Sidi Lamine Omar ? (Membre de la Coordination des mouvements de l’Azawad, il est accusé d’incitation à la commission d’attentat à la sûreté de l’Etat)

Général Djibrill Bassolé : Je ne crois pas avoir eu d’entretien téléphonique avec Sidi Lamine Omar. Après les pourparlers de paix au Nord Mali, il s’est avéré nécessaire que les mouvements signataires de l’accord de paix viennent rester à Ouagadougou pour suivre l’évolution. C’est une mission qui a été faite avec l’accord express de la CEDEAO qui a supporté les frais. Je n’ai jamais eu à travailler avec Sidi Lamine. C’est à la MACA que je l’ai connu.

Le gouvernement de la Transition a pensé que Djibrill Bassolé, ancien ministre des Affaires étrangères et médiateur, est en train d’organiser des forces étrangères et groupes djihadistes. Ce que Sidi ne vous a pas dit, c’est qu’il lui a été demandé expressément de dire ses connexions avec moi pour conforter la position du gouvernement dans ses accusations.

Avez-vous eu des conversations téléphoniques avec le président de l’Assemblée Guillaume Soro ?

Général Djibrill Bassolé : Affirmatif ! Avec Guillaume Soro, d’abord d’une manière générale, nous nous appelons régulièrement lorsqu’il y a une situation en Côte d’Ivoire ou au Burkina. On échange sur ce qu’il faut faire pour trouver la solution. (lefaso.net)

J’ai eu plusieurs entretiens téléphoniques avec Guillaume Soro. Je ne peux pas de mémoire vous dire exactement le nombre d’appels.

Guillaume Soro a eu des appels téléphoniques avec tous les acteurs à l’époque, y compris M. Zida, et c’est d’ailleurs par Guillaume Soro que j’ai connu M. Zida.
Est-ce que lors de vos échanges avec Guillaume Soro, il a été question de mobiliser des forces extérieures pour déstabiliser le Burkina ?

Non, monsieur le président. A la date supposée où j’aurais voulu, selon le gouvernement de transition et l’accusation, faire mobiliser des forces extérieures, les autorités de transition étaient de nouveau en place, avec un conseil des ministres tenu, le RSP était déjà dissout, et le général Diendéré avait baissé les armes. Quel aurait été l’intérêt en ce moment d’une telle entreprise périlleuse ?

- « Qu’on arrête de tromper le peuple, en lui faisant croire qu’on a mis entre les mains du tribunal un dossier propre, alors qu’il est sale. » (Me Dieudonné Bonkoungou, avocat de Bassolé)
- « Cette procédure est totalement entachée de faux » (Me Dieudonné Bonkoungou).
- « Les pièces du dossier ont fait l’objet de soustraction et de manipulation » (Me Dieudonné Bonkoungou).
- « Ce n’est pas une interception d’une écoute téléphonique » (Me Dieudonné Bonkoungou).
- « Si on ne tourne pas en rond, ce monsieur devant vous ne fera pas plus de trois heures à la barre » (Me Dieudonné Bonkoungou).
- « Le juge d’instruction n’était pas libre dans cette procédure. Il était une victime » (Me Dieudonné Bonkoungou).
- « Si on nous pousse à bout, vous verrez » (Me Dieudonné Bonkoungou).

Lundi 7 janvier 2019 et jours suivants :
Parquet militaire au général Djibrill Bassolé : Vous avez dit la dernière fois que les écoutes étaient fabriquées, manipulées. Et qu’elles ne proviennent pas d’interception téléphonique. Qu’est-ce qui vous permet d’affirmer cela ?
Général Djibrill Bassolé :
Monsieur le président,
Monsieur le conseiller,
Monsieur le général et messieurs les officiers supérieurs, juges assesseurs militaires,
Qu’il me soit permis, avant d’entrer dans le vif du sujet, de vous présenter à vous et aux membres de votre juridiction mes vœux de bonne et heureuse année. Je formule le vœu que la nouvelle année vous arme davantage de sagesse et de lucidité pour dire le droit dans toute sa pureté.
Je souhaite aux magistrats du parquet militaire, à l’ensemble du personnel de la justice militaire ainsi qu’au personnel d’appui de la gendarmerie nationale, une bonne année paisible et prospère.
Pour les parents des personnes décédées au cours des évènements du 16 septembre et jours suivants ainsi que les personnes blessées, que la nouvelle année leur donne l’occasion de tout savoir, de faire leur deuil et surtout de bénéficier d’une juste réparation des préjudices qu’ils ont injustement et sévèrement subis. En tout état de cause, je voudrais leur exprimer mes condoléances et toute ma compassion.
A leurs avocats (les avocats des parties civiles), je souhaite une année de persévérance et de réussite dans leur délicate et exaltante mission.
Aux avocats de la défense, j’exprime mon admiration pour avoir eu le courage de se constituer aux côtés des accusés de ce procès, malgré un environnement hostile à bien des égards. Je souhaite que la nouvelle année voie leurs efforts couronnés de succès, en particulier celles et ceux qui, avec courage et abnégation, se sont engagés à défendre mes droits fondamentaux et à faire entendre ma cause.
Je présente mes vœux de bonne et heureuse année à mes parents et amis ici mobilisés et ailleurs pour me témoigner leur estime et leurs soutiens multiformes.

Et pour terminer, monsieur le président, je formule de bons vœux à mes co-accusés et codétenus civils ou militaires, particuliers ou politiquement engagés. Au moment d’entamer cette quatrième année de procédure pénale et de privation de liberté, je voudrais leur témoigner mes sentiments de solidarité face à l’épreuve que nous traversons. Que la nouvelle année 2019, loin d’affecter leur moral, consolide plutôt leur foi et leur confiance en Dieu. Puissent-ils élever leurs regards vers lui dans les circonstances particulièrement difficiles. De là-haut, Dieu voit tout. Il entendra nos supplications et nous soulagera des souffrances injustes qui ont si souvent jalonné nos chemins.

Bonne et heureuse année à tous !!!

Général Djibrill Bassolé : Monsieur le président, les "écoutes’’, la seule pièce dont dispose l’accusation, ont été imposées dans le dossier, dans le but de m’accabler et de m’amener devant vous.

Si on vous accuse d’avoir comploté au téléphone, on s’attendrait à ce que l’accusation détienne l’original de ces prétendues écoutes.
Si ce sont de vraies écoutes, dites qui a enregistré ! Dites-le aux Burkinabè, si vous le savez. Peut-être même que vous l’ignorer vous-même.
Nous ne sommes qu’au début de mon interrogatoire. Mais le moment venu, nous dirons tout. Nous dirons d’où ça vient. Comment vous avez eu ces prétendus écoutes, ces éléments fabriqués. Tout cela parce qu’il y a un homme à abattre.
L’expert, votre expert, vous dit qu’il n’est même pas capable de dire qu’il s’agit d’une interception d’écoute téléphonique.
Dites devant le peuple d’où ça vient. Au nom de la transparence, dites d’où ça vient.
Réponse du parquet : On a déjà discuté de cela devant la Chambre de contrôle de l’instruction.

Si ces éléments sonores-là ont été fabriqués ou manipulés, à la fin du procès, ce sera au tribunal d’apprécier.
D. Bassolé : Voici des éléments sonores dont on ignore l’origine, qui ont surgi de nulle part. Et dont votre propre expert vous dit que ces éléments ne respectent pas les standards d’appels téléphoniques connus.
Parquet : Ce n’est pas l’avis du parquet. Ce n’est pas parce que les fréquences de l’élément sonore ne respectent pas les standards téléphoniques qu’il y a eu manipulation.

Morceaux choisis… :
Le parquet, dans une longue lecture (plus de 20 minutes) d’un document technique, ponctuée par des : canal A,... Spectromètre, canal B,... Acoustique,... conclut par : « Donc vous voyez, il n’y a pas eu manipulation. » Et demande au général Bassolé ce qu’il en pense.
Bassolé : Je ne suis même pas sûr que vous-même ayez compris ce que vous avez lu.
Je veux que les Burkinabè sachent tout, s’agissant de la fiabilité de ces prétendues écoutes.
Le juge d’instruction a entendu tout le monde pendant 2 ans d’instruction, et a rendu son rapport. Et il y dit clairement que Bassolé n’est pas impliqué dans le coup. C’est vous le parquet qui vous êtes opposés.
Les officiers de police judiciaire ont tout perquisitionné chez moi. Ils sont montés sur le toit de ma mère pour voir si je ne cachais pas des armes. Ils ont même démonté les interrupteurs pour voir. Ça n’a absolument rien donné.
Je veux qu’on note pour l’histoire que moi Bassolé je n’ai jamais accepté de travailler dans l’irrégularité.
Général D. Bassolé au parquet, sur les ’’écoutes’’ : C’est vous qui dites que C’est Soro qui a parlé. Est-ce que Soro vous a dit que c’est lui qui a parlé ?
- M. le président, le parquet, sur le dossier, n’a que cet élément sonore dont ils sont incapables de dire d’où ça vient.
(Pour l’authentification) Même la comparaison des voix, demandée par le juge, n’a pas été faite. Même moi qui suis détenu ici, la comparaison de ma voix n’a pas été faite. Encore moins la voix du président Soro.
- Je vous demande de revenir sur le terrain du droit et de la vérité.
D. Bassolé : C’est vous qui m’avez dit que Soro a dit. Et vous me demandez à moi ce que j’en pense ? Mais franchement !
Je vous ai fait la démonstration que ces éléments sonores n’ont aucune fiabilité.
Je suis devant vous, M. le Président. Et cela fait 4 ans que je suis détenu, et je pense que le moment est venu de dire de façon précise au peuple burkinabè ce qui m’est reproché. Qu’on me dise sur le chef d’accusation d’attentat à la sûreté de l’Etat par exemple, ce que le parquet détient comme éléments de preuves contre moi.
- Le parquet a procédé à la lecture successive et sans interruption, pendant plus de 2 heures, de retranscriptions de ce qu’il dit avoir comme ’’écoutes’’ de Bassolé. Et demande à la fin ce que le général Bassolé pense de ces ’’écoutes’’ ? Sont-elles conformes aux faits ?
- Réponse D. Bassolé : « Cette lecture fastidieuse est franchement inutile. C’est justement ce genre d’exercices inutiles dont je parle. Tout ça est sur Internet. Tout le monde est au courant. C’est cette même confusion à laquelle le parquet se livre depuis mon attestation, afin d’induire en erreur une certaine opinion.
- D. Bassolé : Même au début, vous disiez : Bassolé n’est pas impliqué dans le coup. Mais il y a les écoutes ! Vous n’avez que ça. Mais le moment venu, nous, nous dirons aux Burkinabè où ça été fabriqué.
Le parquet militaire : « Qu’est-ce qui est falsifié dans les écoutes ? »
- Réponse de Bassolé : Tout est mauvais. Même votre expert vous dit que votre affaire vient d’Internet. Vous voulez que moi je vous dise quoi ? Tout est mauvais dans ce que vous lisez.
- Il ne s’agit pas d’écoutes autorisées par le juge d’instruction, mais d’enregistrements copiés sur Internet. Des enregistrements produits et mis sur Internet par on ne sait qui. C’est là l’énigme.
- Concernant ces enregistrements sauvages, ne me demandez pas de commenter ça avec vous, parce que là, nos chemins vont se séparer.
Le parquet : En réalité, le général Bassolé a tenté de faire un coup d’Etat, dans le coup d’Etat !
- D. Bassolé : Moi-même je suis embrouillé maintenant ! Je ne sais vraiment plus où vous voulez en venir.
Le parquet : Avant la date du 25 septembre, on n’avait rien à reprocher au général Bassolé. Mais pour lui, tout a commencé à partir du 25 septembre.
D. Bassolé : Jamais, aucun des sous-officiers, ni Badiel, ni Rambo, ni Nion, ne peuvent dire que moi Bassolé, j’ai été en contact avec eux pour les inciter à quoique ce soit. Au grand jamais.
- Le parquet : Vous dites qu’aucun des co-accusés ne vous a cité. Et pourtant le sergent-chef Koussoube (Touareg) a bien parlé de clans de Bassolé au RSP. Qu’en dites-vous ?
- Réponse D. Bassolé : La notion même de clans m’est totalement inconnue. Le Touareg reviendra à la barre ; vous pourrez lui demander plus d’explications. Mais je note que quand le sergent-chef Koussoube parlait ici, vous le parquet, étiez les seuls à être intéressés. Et vous vous disiez certainement : enfin, on a quelque chose à se mettre sous la dent, contre le fameux général Bassolé.
Incident au tribunal militaire : le président demande à la sécurité d’évacuer la partie de la salle à sa gauche ! Explications :
Me Prosper Farama, 30 minutes avant la pause de 13h, commence à raconter une histoire autour des Américains ! Il dit avoir entendu de la défense, que les écoutes ont été fabriquées par les Américains ! Il reparle, insiste. Il dit que ce sont les conseils du général Bassolé qui l’ont dit ! Puis il demande au général Bassolé si à l’époque où il était ministre de la Sécurité, ils avaient recours à des pays étrangers pour faire des écoutes ?
D. Bassolé : Je vois où vous voulez en venir. C’est justement ce genre de dérives complètement inutiles, loin du sujet, qui font que justement je suis prudent et refuse de répondre à certaines questions. Qui ici a parlé des Américains ? Qui ? Si vous voulez parler d’Américains, c’est votre affaire ! Mais moi, je ne répondrai pas. (Fortes acclamations d’une partie à gauche de la salle).
Le président : Sécurité, évacuez la salle à ma gauche ! Vous pourrez revenir après la pause.
Face au refus du général de commenter les écoutes :
Le parquet militaire : Si le général Bassolé a oublié, c’est humain ! On ne peut pas en vouloir à un homme d’avoir oublié.
Réponse Bassolé : Ne vous y trompez pas. Si je refuse de répondre à certaines questions, ce n’est pas une question de mémoire, c’est une question de principe.
Avocat de D. Bassolé : La recherche de la condamnation à tout prix ne permet pas tout. La fin ne justifie pas les moyens.
Dire que si Bassolé ne montre pas que ces écoutes sont fausses, c’est qu’elles sont vraies, cela revient à demander à M. Bassolé de démontrer son innocence et cela est intolérable. C’est au ministère public de prouver la culpabilité. Et là, il y a trois questions simples auxquelles le ministre public ne sait pas répondre :
1- Ces éléments sonores sont-ils des conversations téléphoniques ? L’expert Kunzen dit que ces éléments sonores ne sont pas des conversations effectuées avec un téléphone... Normalement, l’officier de police judiciaire qui aurait réalisé ces prétendues écoutes, devait être là devant vous, pour le dire sous serment.
2-Les personnes sur ces éléments sonores sont-elles celles qui sont ici ? Comment voulez-vous que l’accusé de prononce sur des éléments sonores, alors même que le ministre public est incapable d’en établir la nature ? Il appartient au parquet d’établir de façon certaine qu’il s’agit bien d’écoutes téléphoniques et pas autres choses.
3-A quelle date ces éléments sonores ont-ils été réalisés ? Il n’y a aucune date. J’ai cherché, il n’y a aucune date.
Me Kam Hervé demande à introduire une nouvelle pièce. Vu l’épaisseur de la pièce, Me Thiam (avocat de Bassolé) demande une pause d’une heure pour en prendre connaissance. Le président accorde 30 minutes.
- Me Kam : Est-ce que le général Bassolé connaissait le commandant Damiba ?
- Réponse du général Bassolé : Me Kam est l’avocat de quelle partie ?
- Réponse de Me Kam : Cela n’a aucun intérêt.
- Réponse de Bassolé : Alors je ne vois aucun intérêt à répondre à vos questions.
Me Kam : Le général Bassolé a distribué des millions au moment du coup, cela prouve qu’il a soutenu le RSP !
Me Kam : Le général parle d’écoutes sauvages, illégales, manipulées, fabriquées. Je veux savoir, parce qu’une écoute sauvage, illégale, n’est pas forcément fabriquée.
Me Kam : Dans une plainte à la CEDEAO, le général Bassolé, par ses conseils, s’est plaint que sa vie privée a été violée. Et donc il reconnaît qu’il a été écouté !
Quelqu’un qui reconnaît qu’il a été écouté, est-ce que si c’est sa voix ou pas, est-ce que si c’est à telle date ou pas, cela n’a plus d’importance.
Me Kam : La technologie aujourd’hui peut tout faire. On peut prendre votre voix et vous faire dire ce que vous n’avez pas dit. Vous auriez dû demander une contre-expertise.
Me Kam : L’expert, au grand jamais, ne dit pas que les éléments sonores viennent d’Internet, ont été copiés sur internet. Au grand jamais ! Ça c’était en cours de procédure. Il dit juste qu’il ne connaît pas la source de l’audio.
Et l’expert, dans une lettre, précise qu’il a bien dit que c’est une communication via internet !
Me Prosper Farama : Nous ne sommes qu’à la phase de l’instruction et à la plaidoirie, nous reviendrons à la fiabilité des écoutes.
Vos conseils ont insinué à la CEDEAO que les écoutes constituent une immixtion dans votre vie privée. Quels commentaires faites-vous ?
Réponse de Bassolé : Revenir sur ces éléments sonores, je ne souhaite vraiment plus entretenir une quelconque polémique autour de ces éléments sonores.
Me Pierre Yanogo (partie civile) : Pourquoi vous laissez la hiérarchie de notre armée, et vous vous adressez à des étrangers ? Raison pour laquelle la CEDEAO est venue ici !
Réponse de Bassolé : Mais franchement, au nom de quoi je devrais parler à un tel et pas à tel autre ? On est libre de parler avec qui on veut, non ?
Partie civile : Est-ce que vous étiez au courant de crises au RSP ?
D. Bassolé : Je suis ici pour répondre de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, le 16 septembre et jours suivants. Si les questions peuvent intéresser ce point précis, ce serait bien.
Partie civile : Donc vous n’avez pas vu venir ce qui s’est passé le 16 septembre ?
Réponse de Bassolé : J’étais en disponibilité, j’étais engagé en politique, je n’étais pas dans le commandement pour voir venir quoique ce soit.
Partie civile : On vous sait très informé, mon général. Avec toutes les informations dont vous disposiez, comment n’avez-vous pas pu voir venir ce qui s’est passé le 16 septembre et jours suivants ?
Réponse de Bassolé : Bon d’accord, je n’étais pas parfait ! Je n’ai pas vu, mais c’est arrivé.
Partie civile : Quel rôle avez-vous joué au Burkina dans votre carrière ?
Réponse de Bassolé : C’est une question intéressante. Hors procès, en d’autres circonstances, pour la postérité, et si Dieu nous donne de vieux jours, on pourra écrire des mémoires. Mais là, non !
Lors de l’audience du 8 janvier 2019, certaines informations ont été données par les avocats de la défense. Il a été dit :
(Morceaux choisis) :
- Les soldats qui ont fait mouvement vers Ouagadougou, c’était 5 corps de notre armée sur 12.
- Ceux des chefs qui n’ont pas fait mouvement (Pô, Dori, 2 corps à Bobo...) ont été convoqués pour s’expliquer, alors que la hiérarchie leur a dit qu’il n’y avait pas d’ordres.
- Le commandant Damiba (aujourd’hui lieutenant-colonel), à l’époque chef de Dori, au début suspect dans le dossier, a bénéficié d’un non-lieu. Il est juste maintenant attendu à la barre comme témoin à charge du parquet.
- A l’instruction, le général Bassolé a demandé une confrontation avec le commandant Damiba. Refus du juge d’instruction.
- Il a été dit que le colonel-major Kéré aurait, du 16 au 27 septembre, reçu 6 118 appels.
- D. Bassolé (parlant de sa liberté provisoire...) : Je ne fuirai jamais. Un général ne fuit jamais. Même devant un peloton d’exécution. C’est vrai que j’aurai aimé aller me soigner et revenir, et ça n’aurait gêné personne.
Séquence intense entre le parquet militaire et le général Bassolé - le 9 janvier 2019 :
- Le parquet : Ce matin, dans vos pistes de solutions, vous avez dit qu’après le putsch manqué, que si vous aviez un pouvoir quelconque au sein de la hiérarchie militaire, si vous deviez en décider, vous n’auriez pas engagé de poursuites pour un procès sous ce format. Pour une personnalité aussi importante de ce pays, je m’étonne qu’il tienne de tels propos, M. le Président. Mais il est libre de s’exprimer.
Je ne sais pas si le général veut réagir ? Est-ce que vous pensez aux victimes ?
- Réponse du général Bassolé : Ok. Merci. Je pense justement que pour réaliser les droits des victimes, il n’y a pas mieux que l’Etat lui-même pour les dédommager. Moi Je l’aurais fait depuis l’an N°1. D’ailleurs la CEDEAO avait proposé de l’argent, beaucoup d’argent pour les victimes.
Ce n’est pas utile pour ma défense, mais je souhaite faire des précisions : vous savez, les rancœurs dans notre armée étaient très fortes depuis la crise de 2011. Le reste de l’armée en voulait au RSP pour les avoir combattus et désarmés en 2011. Ces rancœurs sont restées tenaces. Et au moment de l’insurrection, le risque d’affrontements entre le RSP et le reste de l’armée était total. Le général Nabéré Traoré est venu me voir de 5h à 7h du matin, je l’ai persuadé de laisser la place au lieutenant-colonel Zida afin d’éviter un affrontement fratricide entre le RSP et les autres corps. Parce que les éléments des autres corps menaçaient eux aussi et refusaient que le général Traoré lâche l’affaire. Je l’ai donc persuadé que c’était la meilleure chose.
C’est plus tard que les choses ont dégénéré.
Le lieutenant-colonel Zida, n’ayant pas réussi à soumettre le RSP à sa dévotion, a décidé de les démettre.
M. le président, c’est l’Etat du Burkina lui-même qui est allé se mettre entre les mains du RSP. Pourquoi aller mettre nos affaires entre les mains du RSP, et quand une bagarre éclate au RSP, on crie à l’attentat à la sûreté de notre Etat ?
Vous savez, pour vous dire les choses, ce procès à un effet dévastateur sur notre armée. Toute la fine crème de notre armée est concernée par ce procès. Toutes les générations de notre armée sont représentées à ce procès. Et Cela fait un an que le procès dure et la procédure depuis 4 ans. C’est vrai, moi je suis au trou, mais je suis au courant et je peux vous dire que toute l’armée est suspendue à ce procès et n’est plus concentrée sur sa mission première.
Parce que je peux vous dire que cette menace au Nord du pays n’est pas hors de portée de notre armée. Non.
Mais il y a beaucoup de méfiance actuellement dans notre armée. Et aussi vis-à-vis des ex-RSP. Toute la journée, on montre des éléments de l’ex-RSP, (attention à lui !), Où va-t-on avec ça ? C’est cela la conséquence aussi de ce procès. L’armée a besoin de cohésion, surtout dans le contexte actuel.
Loin de moi de vouloir promouvoir l’impunité. De toute façon c’est trop tard, on est dans le procès, on va aller jusqu’au bout. Je souhaite juste que le parquet prenne cela en compte.
Si je devais décider, et je ne sais pas ce qui prévu dans la procédure en cours en la matière, mais j’aurais depuis longtemps autorisé un forfait important pour les parents des victimes et les blessés, pour les soulager en attendant.
- Le parquet : Vous voulez réduire tout à l’argent ; vous pensez qu’avec l’argent on peut tout faire ?
- Réponse de D. Bassolé : Je ne dis pas qu’il faut tout réduire à l’argent. Je me dis juste que c’est des choses qu’on peut régler rapidement en attendant. Je pense que si un blessé reçoit 10 millions aujourd’hui en attendant, il sera content ! Ça peut le soulager.
Plutôt que de venir ici écouter un français qu’il ne comprend peut-être même pas.
- D. Bassolé : Depuis que j’ai commencé à parler ici, je dors bien ! Je me sens soulagé.
- Me Dieudonné Bonkoungou (avocat de Bassolé) : Pendant l’instruction, on était prêt de le libérer, M. le président. Mais on a dit à M. Bassolé : toi et tes partisans parlez trop. S’ils continuent comme ça tu ne seras jamais libre.
- Me Dieudonné Bonkoungou : M. Bassolé est victime de sa prétention d’être président de ce pays.
- Le parquet militaire : Parlant de la procédure, tout n’est pas négatif, mon général ! Comme c’est une œuvre humaine, on n’a pas la prétention de dire que tout est parfait !
- Le parquet : Vous nous demandez à nous le parquet de faire venir ici les officiers de Police judiciaire (il s’agit des gendarmes qui ont emmené les éléments sonores à la justice), en violation des textes, pour nous dire l’origine des écoutes ? Comment ils les ont eus, ces éléments ? Mais il y a le secret professionnel ! Nous ne pouvons pas faire ce que vous nous demandez !
Oui, l’expert à bien dit qu’il est possible que l’appel ait été fait via internet. D’autres experts pourront peut-être mieux nous l’expliquer. Mais le travail de l’expert nous suffit.
- Réponse de Bassolé : Parlant de secret professionnel, j’étais loin d’imaginer entendre ça. Monsieur le président, devant vous, nous sommes obligés de discuter contradictoirement. Comme on dit chez nous, « le jour de l’accouchement, il n’y a plus de honte ». Ces éléments sonores-là, tout le monde le sait déjà, ça y est sur internet ! Il est où le secret ? (Au parquet) Vous êtes mal placée pour nous parler de secret aujourd’hui. Soyons transparents, soyons clairs.
Et je vous le dis, ne mêlez pas les officiers de police judiciaire de la gendarmerie nationale à votre affaire. Les pauvres, ils n’y sont pour rien ! Les OPJ n’ont trouvé ça nulle part. On est venu le leur donner (sur une clé USB). Si non dites devant le peuple, voici les éléments de preuves, voici comment on l’a obtenu !
- Réponse du parquet : Le général dit qu’on est venu le leur donner. Nous ne pouvons pas dire le contraire. Mais devant la chambre de contrôle, cela a été amplement discuté !
- D. Bassolé (au parquet) : L’état-major particulier de la présidence, les principaux responsables des renseignements sont ici dans cette salle. Je vous dis, Ils n’ont pas fait ces écoutes. On va vous le démontrer, on va vous le prouver, ne vous inquiétez même pas.
- Général D. Bassolé : Monsieur le président, vous savez, par les temps qui courent, je suis gêné que moi, un général, je sois obligé de dire ici comment les services de renseignements de mon pays fonctionnent.
- Le parquet militaire : Au moment de l’insurrection, vous dites avoir parlé avec les acteurs. Pourquoi alors vous n’avez pas dit au général Diendéré de dire à Zida de retourner en caserne ?
- Réponse de Bassolé : Si Quelqu’un prend les armes pour s’imposer, ce n’est pas une injonction qui peut le faire reculer. Quand le lieutenant-colonel Zida m’a appelé de le soutenir, moi après avoir parlé à certains camarades, je me suis dit que c’est au général Traoré que je devais parler, pour le persuader de laisser. Et comme cela s’est réglé, on s’est dit que les choses allaient normalement bien se passer.
Et à deux reprises, rentrant de voyage, je me suis entretenu avec le lieutenant-colonel Zida. C’était important, surtout pour nous autres qui avons décidé de nous engager en politique.
On s’attendait vraiment à ce que à la fin de la transition, le lieutenant-colonel Zida vienne voir la hiérarchie militaire pour dire « voilà, on a géré la transition, voilà ce qu’on a fait, nous souhaitons la cohésion de l’armée... »
Mais vous voyez aujourd’hui, tout le monde se cherche : les Diendéré-là sont en prison, les Zida-là sont là-bas dehors ; bon… les Bassolé-là sont en prison ! (Eclats de rires dans la salle !). Voilà ! On ne peut pas dire qu’on ait tiré profit de toute cette complication.
- Général D. Bassolé : J’ai 40 ans de service aujourd’hui. Cette armée que je connais, ce n’est pas des groupuscules qui circulent à motos et qui posent des mines qu’elle ne peut pas arrêter. C’est qu’aujourd’hui, la fraternité d’armes a été totalement ébranlée.
- Me Y. Thiam (avocat de Bassolé) : Quand on prend les fameuses écoutes avec Soro, à supposer même qu’elles aient existé. Supposons. Et quand on enlève les paroles de celui qui se fait passer pour Soro, pendant la communication, celui qui se fait passer pour Bassolé, en 16 minutes, ne fait que dire : « Hum, d’accord, oui oui, oui c’est ça, heouu, oui, tout à fait, voilà, ok ». Et ce, plus de 100 fois. Des oui, humm, ok, tout à fait, n’ont jamais bâti un dossier solide ! Et ce n’est pas ici au Burkina Faso que ça va commencer.
- D. Bassolé : C’est par Guillaume Soro que j’ai connu Zida. Guillaume, de passage à Ouaga à sa résidence, je suis passé le voir. C’est là qu’il m’a présenté Zida. Un jeune, il était capitaine ou commandant à l’époque. Et Guillaume m’a dit : « Lui-là, c’est mon frère, il est tout pour moi. »
- Les éléments sonores ont été faits et publiés à la suite d’un deal raté entre Zida et Soro.
- Jamais je n’ai fait plus de 3 à 6 minutes au téléphone avec Soro. Quand j’ai appris qu’un élément sonore circulait, la durée de 16 minutes m’avait beaucoup surpris.
- Si on me demande si j’ai parlé avec Guillaume ou avec Gilbert, je réponds par l’affirmative ! Mais dire que j’ai eu un appel ou même des appels avec X, ne veut absolument pas dire que ce que vous avez comme éléments sonores, ce sont les mêmes écoutes et qu’ils sont fiables. C’est aller trop vite en besogne.
- Guillaume est un frère pour moi, nous sommes vraiment très proches. Quand j’étais en liberté, nous ne pouvions pas faire une semaine sans nous parler.
- Il y a comme une envie irrésistible de juger l’ancien membre du régime Compaoré que je suis.
- Me Barry (avocate de Bassolé) : La légalité est une question de pouvoir. L’apartheid était légal, la shoah, la colonisation étaient légales. C’est celui qui a le pouvoir du moment qui dit ce qui est légal !
- Monsieur le président, nous vous exhortons à ne pas céder à la pression politique. Les victimes réclament justice. Le parquet réclame justice. Nous aussi nous réclamons justice.
- Me D. Bonkoungou (avocat de Bassolé) : Monsieur le président, comment se fait-il que le 25 septembre, M. Zida dispose d’une écoute nommée Bassolé-Soro qu’il fait écouter à certains membres du gouvernement en réunion, alors que dans le dossier d’accusation, l’appel date du 27 septembre ? C’est de la manipulation. Des ministres de la Transition ont dit au juge d’instruction que le Premier ministre Zida leur a fait écouter en réunion des éléments sonores Soro-Bassolé dès le 25 septembre.
- Me A. Ouédraogo (avocate de Bassolé) : L’administration de la preuve doit se faire sans ruse, de façon loyale, sans stratagème.
- Le juge d’instruction a dit : il n’y a pas d’original (de l’élément sonore).
- Général D. Bassolé : Reconnaissons donc que ceux qui ont fabriqué ces éléments, ce sont les mêmes qui ont réussi à l’imposer au juge d’instruction, et vous vous utilisez ça comme éléments de preuves. Monsieur le procureur, je sais qu’en d’autres circonstances, si c’était un autre accusé, ces éléments n’auraient jamais été reçus dans ces conditions. Mais comme il s’agit de Bassolé, tout est permis, il faut l’accabler au maximum. Comme c’est le tribunal militaire face à Bassolé, tout est possible, tout est acceptable.
Après deux tours de parole, le parquet et la partie civile souhaitent à nouveau poser des questions. Incompréhension de la défense du général. « Tous les accusés avant le général ont eu droit à deux tours de parole maximum. Pourquoi un traitement spécial quand il s’agit de Bassolé ? », s’insurgent-ils. D’autant plus que deux des avocats hospitalisés ont forcé sortir de l’hôpital pour venir terminer l’audition et qu’un autre à déjà confirmé son vol retour pour d’autres engagements, pensant que c’était la fin.

Pour la partie civile et le parquet, aucun texte ne dit qu’on doit faire un tour de parole ou deux tours et pas plus.

Face aux exigences de l’accusation, Me Barry (avocate de Bassolé), demande au président de reporter l’éventuel 3e tour de parole de quelques jours, le temps que les malades recouvrent la santé.

Le président accorde une suspension d’audience de quelques minutes, pour que les avocats se concertent avec leur client. Au retour, les avocats ne sont plus dans la salle. Le président constate, et demande à l’accusé de rejoindre sa place.
Nous recevrons plus tard le mot de fin du général Bassolé, que voici :

« Monsieur le président,
Monsieur le conseiller ;
Monsieur le général et
Messieurs les officiers supérieurs, juges assesseurs militaires,
Vous m’avez, pendant près de deux semaines qu’a duré mon interrogatoire, permis de m’expliquer sur les chefs d’accusation de complicité à la sûreté de l’Etat, de meurtre, de coups et blessures volontaires et de trahison.
A mon humble avis, ce débat assez vif par moments ne fait que confirmer le constat que nous faisions à savoir qu’aucune constatation, aucun fait matériel n’établit ma culpabilité, pas plus qu’aucune déclaration de témoin ou de co-accusé ne me met en cause. L’accusation, dans l’impossibilité d’administrer la moindre preuve, se cramponne à des éléments sonores dont nous vous avons largement démontré le caractère illégal et les origines douteuses. Il est ahurissant qu’une justice puisse utiliser de tels enregistrements manipulés comme seul élément de preuve dans un procès pénal.

Au total, monsieur le président, je clame mon innocence comme je l’ai fait dès le premier jour de mon arrestation et au début de l’acharnement politico-judiciaire dont je suis victime.

Qu’il me soit permis de témoigner ma grande satisfaction et ma reconnaissance :

✓ au Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire ;
✓ à la Cour de justice de la CEDEAO pour avoir décidé de me faire bénéficier de l’assistance de mes avocats étrangers que la justice militaire avait évincés ;
✓ à tous ceux qui se sont mobilisés à l’intérieur comme à l’extérieur du Burkina Faso pour m’apporter leur soutien et me soulager d’une privation de liberté dont le caractère arbitraire ne fait plus l’ombre du moindre doute.

Monsieur le président, au cours du débat, je me suis refusé de répondre à certaines questions uniquement pour des questions de principe. En effet, discuter de mes soi-disant propos contenus dans des enregistrements sonores aux origines douteuses n’est pas convenable. J’ai préféré, comme je l’ai fait tout au long de la procédure judiciaire, me démarquer d’une manœuvre irrégulière aussi flagrante.

Je me suis également abstenu de répondre aux questions des avocats des parties civiles pour éviter les propos passionnés à connotation fortement politique qui auraient inutilement surchauffé les esprits et dégradé la qualité de notre débat qui se veut strictement judiciaire.

Je voudrais néanmoins réitérer toute ma compassion aux familles des personnes disparues ainsi qu’aux blessés. Je reste persuadé que la meilleure formule pour les soulager de leurs souffrances est que l’Etat qui est le premier responsable de l’ordre et de la paix publics, répare les préjudices qu’ils ont subis en attendant que la procédure judiciaire, s’il y a lieu, identifie et punisse les responsables de meurtre, des coups et blessures volontaires et autres dégradations de biens qui les ont éprouvés, indépendamment des poursuites relatives à l’attentat à la sûreté de l’Etat.

Monsieur le président, tout au long de ce débat, j’ai concentré mes efforts sur ma défense afin de vous démontrer que je n’ai en aucune manière commis les infractions qui me sont reprochées. J’ai aussi tenté avec votre indulgence de présenter mon analyse sur la situation politique et militaire qui a abouti au coup de force du 16 septembre et jours suivants.

Même en ces moments ultimes de procès pénal, je reste persuadé que la force du dialogue aurait permis de préserver la cohésion et le caractère opérationnel de notre armée au regard surtout de la situation de sécurité que connaît le Burkina Faso. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Je formule le vœu que les différents protagonistes se retrouvent pour consolider le socle précieux de notre armée basé sur la discipline rigoureuse et la solidarité fraternelle.

En tout cas, pour tous mes co-accusés civils comme militaires qui sont essentiellement victimes des turbulences politico-militaires et de leur règlement de compte, j’ai envie de dire : « Quel gâchis ! »

Monsieur le président et messieurs les membres du tribunal, je voudrais terminer en vous remerciant pour votre sens de l’écoute et votre patience. Je souhaite que vous demeuriez lucides et vigilants pour la suite. Puissent les vertus de la vraie justice anéantir les affres de l’intrigue et de la manipulation politicienne !!!
Djibrill BASSOLE »

Ouagadougou le 28 février 2019
Une compilation faite par Hermann BADO
Email : hermannbado1@gmail.com

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Vos commentaires

  • Le 11 mars 2019 à 16:17, par Eric En réponse à : Procès du putsch du CND : Les moments forts de l’audition du général Djibrill Bassolé

    C’est très long, mais vraiment très gratifiant !!! Merci Monsieur Hermann BADO. ça c’est un document !

    Si on avait diffusé ça en direct à la télé ou la radio, je crois qu’il (Gle) risquait être blanchit dès !. je crois vraiment (désormais) que BASSOLE doit être innocenté. ça n’en vaut pas la peine selon moi de le garder plus longtemps.
    les faits sont avec lui et contre l’accusation

  • Le 12 mars 2019 à 01:54, par Sidwaya Sorgho Gomis En réponse à : Procès du putsch du CND : Les moments forts de l’audition du général Djibrill Bassolé

    Merci au Faso net pour cette compilation des moments forts de l’audition du général Bassolé. C’est un chef d’œuvre quant on sait qu’aucun appareil d’enregistrement n’est autorisé dans la salle d’audience.

    Ce qu’on peut retenir de l’argumentaire du général c’est que les origines de ces écoutes téléphoniques sont douteuses parce que le parquet ne dit pas comment elles ont été obtenues. ça ne me semble pas du tout solide comme argumentaire car il y a une différence nette entre l’information et la source de l’information.

    On ne sait pas d’où viennent les écoutes mais on sait qu’elles ne présentent aucun signe de trucage et c’est ce que l’expert allemand a dit. Même en journalisme, la loi oblige le journaliste à prouver ce qu’il dit sans toutefois l’obliger à révéler ses sources et ça c’est possible à faire.

    Le plus important pour le commun des burkinabès c’est de avoir si ces écoutes sont truquées ou non ; ce n’est pas de savoir comment elles ont été obtenues.

    S’il était aussi sûr de lui, le général aurait du simplement demander une contre expertise de ces écoutes pour montrer qu’elles sont truquées.

    • Le 12 mars 2019 à 09:40, par VISION En réponse à : Procès du putsch du CND : Les moments forts de l’audition du général Djibrill Bassolé

      Sidawaya,
      1-Pour demander une contre expertise, il faut d’abord qu’il y ait eu expertise, notamment des voix des personnes supposées, ... ce qui n’a jamais été fait
      2- contrairement à ce que vous dites le parquet militaire et les Me YANOGO (partie civil) ont soutenu à l’audience que les éléments sonores ont pour origine la gendarmerie nationale Burkinabè . que c’est nos officiers de police judiciaire (OPJ)de la gendarmerie nationale qui ont mis BASSOLE sur écoutes. ils l’ont dit à l’audience (si vous étiez là). Alors que BASSOLE affirmait qu’ils se connaissent et que nos OPJ n’y sont pour rien.
      3-Le patron de la gendarmerie en tant que témoin viendra plus tard dire que la gendarmerie nationale n’a jamais mis BASSOLE sur écoute et que lui même ignore d’ou ça vient. qu’on est venu leur remettre sur une clé.
      vous comprenez maintenant mieux pourquoi, il y a trucage et manipulation, afin de maintenir une partie de l’opinion dans l’erreur ?
      je vous remercie !

  • Le 14 mars 2019 à 15:52, par Siébou En réponse à : Procès du putsch du CND : Les moments forts de l’audition du général Djibrill Bassolé

    Rien ne prouve que le gendarme n’aie pas réorganiser la forme de son évacuation. Y compris en créant un réel besoin. La justice devra restée vigilante. Ne pas être là à la fin pour continuer de crier "à l’injustice !", disparaître pour nuire à son pays à défaut de pouvoir la diriger, etc. Ou même servir ses frères autrement. Comme le conseiller Blaise en RCI

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