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Hommage aux tirailleurs Voltaïques

Ceci est une contribution de Dr. Aoua Carole BAMBARA/CONGO sur l’hommage rendu par la France aux tirailleurs africains.

Publié le samedi 24 juin 2017 à 00h20min

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Hommage aux tirailleurs Voltaïques

Les « anciens combattants » comme on les appelle au Burkina Faso, ont en majorité été des tirailleurs africains, soldats de l’armée française. Partie à Paris pour participer à la 4è édition du Forum économique international pour le développement de l’entreprenariat et les financements (FEIDEF) 2017 tenue les 9 et 10 juin 2017, la délégation du Burkina Faso conduite par Monsieur Apollinaire T. Compaoré a eu l’honneur de raviver la flamme du souvenir sur la tombe du Soldat Inconnu le dimanche 11 juin 2017, en hommage aux tirailleurs voltaïques. Le drapeau burkinabè, hissé sous l’arc de triomphe, a flotté au son de la fanfare de l’armée et en présence des soldats de la Légion Etrangère.

Honneur à un opérateur économique burkinabè

Sacré meilleur entrepreneur africain de l’année au cours du FEIDEF 2017, Monsieur Apollinaire T. Compaoré, Président du conseil d’administration de TELECEL Faso et fondateur du groupe Planor Afrique, a reçu à l’occasion le trophée « GIFA d’or ». M. Compaoré est un des grands artisans du développement du Burkina Faso qui s’est investi dans les affaires dès les années 1960. Aujourd’hui à la tête d’un holding multinational constitué de plusieurs entreprises, il est un modèle pour beaucoup d’entrepreneurs travaillant dans les secteurs des assurances, des télécoms et du transport.

Le ravivage de la flamme du souvenir sous l’Arc de Triomphe, place Charles De Gaule, sur les champs Elysées par Monsieur Apollinaire T. Compaoré est un hommage qui honore lesBurkinabè. La cérémonie a été précédée d’une parade des soldats de la légion étrangère et du dépôt d’une couronne de fleurs sur la tombe du Soldat Inconnu. Elle a été suivie du salut militaire, de l’hymne national et du salut des drapeaux. A la fin de la cérémonie, le Livre d’Or Militaire d’Honneur, exposé aux Invalides, a été signé par l’hôte d’honneur en présence de généraux de l’armée française, de journalistes et d’invités.

Les tirailleurs Sénégalais, un corps d’élite dont l’Afrique peut être fière
Pour mémoire, le corps des tirailleurs africains ou « Force Noire », communément appelés « Tirailleurs sénégalais » a été créé en 1857 par Louis Faidherbe, gouverneur général de l’Afrique Occidentale Française (AOF) pour faire face aux besoins de renforcement des troupes coloniales. Le décret de création a été signé le 21 juillet 1857 à Plombières-les-Bains par Napoléon III. Recrutés dans les colonies françaises d’Afrique de l’Ouest et du Centre, la « Force Noire » était distincte des unités de tirailleurs Nord africains.

Le premier régiment du corps militaire des tirailleurs a été formé au Sénégal au cours de l’année1857. D’autres ont été par la suite formés à Kati au Mali. Au sein de la « Force Noire », il y eut des voltaïques. Les tirailleurs voltaïques ont aidé la France pour le maintien de l’ordre dans les nouveaux territoires occupés par elle, dans les champs de bataille en Europe ou en Asie mineure (Dardanelles) au cours des deux guerres mondiales. Plusieurs d’entre eux y ont perdu la vie.

M. Apollinaire T. Compaoré signant le livre d’or

Dès 1895, au début de la colonisation française, les tirailleurs africains ont été engagés dans des conflits qui ont opposé la France à ses colonies, notamment l’Indochine, puis plus tard l’Algérie et Madagascar. En 1914-1918 lors de la Première Guerre mondiale, ce sont environ 200 000 tirailleurs noirs de l’AOF, y compris les tirailleurs voltaïques, qui se battent pour la France sur les différents théâtres de combat. Les tirailleurs ont fait montre de bravoure et ont mérité les honneurs lors de certaines batailles mémorables :Ypres (Dixmude) en fin 1914, Fort de Douaumont en octobre 1916, Chemin des Dames en avril 1917. Les tirailleurs ont aussi été engagés en Mer Noire, en 1919, lors de l’intervention française dans la guerre civile russe contre les Bolcheviques, sur le front d’Orient, actuels Balkans et contre l’Allemagne.

Les tirailleurs ont permis de reprendre le fort de Malmaison qui était tenu par les Allemands le 23 octobre 1917. Ils ont aussi contribué en 1918 à la victoire déterminante des Alliés sur la Bulgarie. Ceux d’entre eux qui furent en garnison à Perpignan ont été des Héros de la Grande-Guerre en participant aux combats meurtriers de Verdun et de Reims en 1916 et 1918 pour une France-Libre. Entre 1939 et 1944, période de la seconde guerre mondiale, ce sont près de 140.000 Africains qui sont engagés par la France. Les tirailleurs ont participé aux combats en Libye, en Tunisie puis en Italie et encore en Allemagne. Le 18 juin 1940 à Clamecy dans le centre de la France, des tirailleurs africains sont victimes d’un massacre à « fort caractère Cynégétique » Julien Fargettas (2013). 43 d’entre eux dont 2 voltaïques ont pu être identifiés.

A la fin 1940, environ 80.000 tirailleurs sont faits prisonniers de guerre, des prisonniers dits « indigènes », et détenus dans 22 Frontstalags, camps de prisonniers de l’armée allemande situés en France, en zone occupée.
Ainsi, les tirailleurs noirs ont bâti une épopée faite de vaillance, de victoires et de pertes en vies pour la France. En novembre 1944 cependant, une autre page noire s’écrivit : 1.280 tirailleurs rescapés de l’offensive allemande de mai-juin 1940, premiers prisonniers libérés originaires de différents pays de l’Afrique-Occidentale française sont regroupés dans un camps de transit à Thiaroye, près de Dakar. Démobilisés, ils insistent pour entrer en possession de leurs pensions. Le désaccord avec la hiérarchie de l’armée coloniale conduisit à la fusillade des tirailleurs, une fusillade qui fit soixante-dix tués et des centaines de blessés (Voir le film de Sembène Ousmane Le Camp de Thiaroye, 1987).

Après la Seconde Guerre mondiale, de nouveaux tirailleurs recrutés interviennent encore en Indochine (1945-1954), à Madagascar (1947) et en Algérie (1954-1962). Leurs régiments furent définitivement supprimés entre 1960 et 1962 à la faveur des indépendances.

Les pensions des tirailleurs furent cristallisées en 1959 puis en 1960. Ce n’est que le 15 novembre 2006 que le Parlement français a voté la revalorisation des pensions des soldats des ex-colonies, dans le cadre du budget 2007. Au total, seuls 84.000 anciens combattants de 23 nationalités devaient en être bénéficiaires. Beaucoup de combattants voltaïques étaient déjà décédés, après avoir bataillé pour sauver leur « Patrie » d’alors. Ils n’ont laissé à leurs familles, aux fils et filles de leurs Faso natal que des souvenirs d’une bravoure incontestable et des paroles d’un chant entonné par eux au cours de la Seconde Guerre mondiale : « C’est nous les Africains ; Qui revenons de loin ; Nous venons des colonies ; Pour sauver la Patrie ».

Source : RFI (2017)
Lefaso.net

De « retour au pays », les tirailleurs voltaïques « vont éveiller les consciences de leurs concitoyens et contribuer à l’éveil politique » selon Samuel Salo (2015). Comme le rappelait déjà Pr Basile L. Guissou (2010), les anciens soldats voltaïques de l’armée française comme Moogh Naaba Saaga, sergent de l’armée française, ont enseigné aux populations à relever la tête et à recouvrer leur dignité.

Aujourd’hui, en permettant le ravivage de la flamme du souvenir, la France qui a bénéficié des services des combattants africains fait un devoir de mémoire en perpétuant l’hommage aux vaillants tirailleurs. En attendant que le pays de Danton et de Robespierre aille au-delà de cet acte symbolique, les africains doivent garder ce souvenir dans la mémoire collective africaine de façon vive comme cette flamme des Invalides.

Références

Armelle Mabon, Les prisonniers de guerre "indigènes" Visages oubliés de la France occupée, La Découverte, 2010 lire en ligne [archive]

Basile L. Guissou (2010), « la place et le rôle des anciens combattants(1914-18 et 1939-45) dans les luttes pourl’Indépendance politique du Burkina Faso », conférence sur le cinquantenaire de l’armée burkinabè.http://www.basileguissou.org/a/docs/conf_cinq_armee.pdf
Julien Fargettas (2013), « Sind Swartze da ? » La chasse aux tirailleurs sénégalais. Aspects Cynégétiques de violences de guerre et de violences raciales durant la campagne de France, mai 1940-août 1940. Revue historique des armées 271/2013, mis en ligne le 23 juillet 2013, consulté le 12 et le 19 juin 2017. URL : http://rha.revues.org.

Dr. Aoua Carole BAMBARA CONGO
CNRST/INSS
insscarole@gmail.com

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