FESPACO 2017 : La sécurité mérite d’être ‘’Félicitée’’, l’organisation traine encore des boulets
Les rideaux sont tombés sur la 25e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) ce samedi 4 février 2017. Depuis bientôt 50 ans sans discontinuer, Ouagadougou est le point de ralliement des cinéastes d’Afrique, de sa diaspora, et pas seulement. Le FESPACO a traversé le temps, s’est adapté à des contextes tout en gardant son âme. Cette année, contexte sécuritaire sous régional oblige, l’événement était beaucoup scruté. Le film s’est déroulé sans encombre. Mais il faut le dire, à chaque édition, les mêmes griefs reviennent sur l’organisation. Celle de 2017 a encore mis au gout du jour, ces ‘’petits trucs’’ qui grippent la mécanique. Au fil du temps, cela est devenu la marque peu flatteuse de la biennale du cinéma africain.
Depuis 2013, les grandes manifestations ont changé de visages. Le déploiement sécuritaire est plus important dans la capitale, le temps d’un festival, d’un salon, d’un colloque… ; parce que le contexte sous régional est marqué par les attaques terroristes. C’est la nouvelle donne. Les fouilles sont plus prononcées, les patrouilles dissuasives autour des lieux de rassemblement sont en continu.
C’est dans ce contexte que le FESPACO édition 2017 s’est tenu. Le Burkina Faso, jadis ilot de paix est maintenant, régulièrement cité dans la presse étrangère, tant les attaques terroristes se font répétitives. D’ailleurs, en plein festival, une autre attaque a été perpétrée à Kourfayel, faisant deux morts (http://lefaso.net/spip.php?article75995). Mais cette situation n’a pas empêché les festivaliers de prendre d’assaut les salles de cinéma, de conférence, les foires et autres lieux où le 7e art était fêté.
En tout cas, sur le plan sécuritaire, le FESPACO s’est bien déroulé. Et c’est le lieu de féliciter (comme Félicité, le film de Alain Gomis qui a reporté l’Etalon d’or) la commission sécurité pour avoir bien joué son rôle dans le film du festival. Ils étaient là, des premières lueurs du jour jusque tard dans la nuit. Devant les salles de ciné, sur les espaces festifs ou ailleurs dans la ville, on a vu des hommes aux aguets pour la sécurité des biens, des personnes, des festivaliers, dont certains sont allés danser sur l’avenue Kwamé Nkrumah, précisément à Taxi brousse où un plateau artistique était installé. Tout un symbole, quand on sait que c’est là, en plein cœur de la capitale, que les terroristes avaient frappé le 15 janvier 2016, faisant une trentaine de morts.
Aucun incident majeur n’a émaillé cette édition de la biennale du cinéma africain. Les festivaliers venus des quatre coins du monde ont vécu une fête du cinéma, paisible, sur le plan sécuritaire.
Eternels problèmes
Les éditions se succèdent et se ressemblent sur le plan organisationnel. Les festivaliers ont encore fait cette année l’amère expérience de ces petits problèmes qui grippent tout le reste.
Un simple programme, pour savoir quel film passe à telle heure et dans telle salle, n’était pas disponible. Pour un festivalier, c’est le premier outil dont il faut disposer avant toute autre chose. C’est un problème récurrent au fil des éditions. Et 49 ans après, le FESPACO ne devait plus être à ce niveau.
Cela est pareil aussi pour le programme des différentes rencontres professionnelles. Bien que le problème soit réel et fondé, l’on se demande pourquoi les responsables du FESPACO font la sourde oreille. Il suffit de voir les festivaliers, les étrangers particulièrement, en colère pour comprendre leur mécontentement quant à leur désorientation, surtout dans une ville qu’ils ne connaissent pas.
Se réinventer pour périr
Les premiers responsables ont estimé que l’édition 2017 du FESPCAO était celle de la relance. Le maire de la ville de Ouagadougou, hôte du festival, l’avait d’ailleurs souligné lors de la cérémonie d’ouverture le 25 février dernier. Il faut redonner au festival, son éclat d’antan, comme dans les années 1980, avait dit en substance Armand Pierre Beouindé.
« …comme chaque édition, il y a beaucoup d’imperfections. Je pense que le FESPACO a besoin de se réinventer, peut-être que la jeune génération devrait s’exprimer un peu plus pour que ses aspirations soient prises en compte. C’est bien que les anciens revisitent notre festival avec un regard nouveau, neuf, cela nous permettra de nous renouveler et d’aller un peu plus loin », nous confiait le réalisateur Boubacar Diallo : http://lefaso.net/spip.php?article75969
Il faut donner une nouvelle vision au festival. Les pratiques qui ont fait leurs preuves dans les années 80 et 90 sont dépassées de nos jours. Ce n’est pas pour rien si le numérique a fini par être admis à la compétition officielle, après moult résistances. Il faut être en phase avec l’évolution de son temps. Du sang neuf dans l’équipe dirigeante ne ferait aucun mal, bien au contraire. Les outils et les techniques ont évolué, et à l’expérience des ainés, il faut adjoindre la fougue et le savoir-faire de la jeunesse.
C’est un impératif, qui permettra de donner une nouvelle dynamique à un vieux festival. Le leadership du FESPACO est de plus en plus disputé en Afrique. Des festivals nés longtemps après, dans la sous-région, en Afrique centrale et au Maghreb prennent des galons. Edition après édition.
La capitale de cinéma africain comme on présente Ouagadougou, on le sait tous, est juste une façon d’entretenir une vieille gloire, et flatter l’égo. Sinon, Ouagadougou est un petit poucet devant Lagos en termes de production cinématographique. Il faut donc des projets d’envergures et audacieux pour continuer à exister. Pourquoi pas une chaine de télévision du FESPACO pour la promotion des films en compétition officielle de la biennale, et partant de tout le 7e art africain et de sa diaspora ?
Tiga Cheick Sawadogo
Lefaso.net