Fidèle HIEN à Hermann YAMEOGO : Lettre ouverte à un vieil ami
Bonjour Hermann,
J’espère et souhaite que cette lettre te trouve en parfaite santé. Acceptes que j’utilise le style familier, qui est celui qui a toujours prévalu entre toi et moi depuis 1992, pour te parler ; je serai en effet plus à l’aise.
Tu sais très bien que tu as été plus qu’un ami pour moi pendant plus de 15 ans. Tu sais pourquoi et
comment nos chemins, sur le plan politique, se sont séparés en septembre 2005, mais n’est du reste pas l’objet de la présente. Tu sais aussi que malgré cela et depuis cette date, avec toi et tous les autres, les aînés comme Dabo, Bambara et les plus jeunes dont Salif, nous sommes restés des amis, car c’est comme ça que je le ressens. Les épreuves personnelles que tu as vécues il y a quelques années, je les ai ressenties comme si nous avions toujours continué de partager les moments communs.
Depuis près de 10 ans donc, et en dehors de quelques coups de fil, plutôt rares avec toi il est vrai, je te suis, toujours avec la même attention ; et certainement un peu plus depuis que tu es le Co-président du Front Républicain.
Hermann et la rhétorique politique je connais bien ; je te connais aussi bien dans ta relation avec tes convictions et ton engagement. J’ai pratiqué l’opposant, parfois irréductible, que tu as été ; et ma relation avec toi a d’abord été dictée par nos convictions partagées concernant la démocratie et la gouvernance de ce pays, le Burkina Faso ; elle a ensuite été dictée par la loyauté que j’ai en héritage de mon éducation. Au point que bien de gens s’étaient souvent demandé « qu’est-ce que Fidèle fait avec Hermann depuis tout ce temps ? ».
Bref, je t’ai suivi « dans tous tes états » jusqu’à cette date du week-end passé où beaucoup de personnes ont commencé à parler de la sortie de « Hermann qui recommande à Blaise Compaoré de décréter l’Etat d’urgence ». Cela a valu la sortie du Président du MPP au meeting de Koudougou, dans ton fief. Je tombais des nues et, pour ne pas me le faire raconter, je suis allé chercher ton écrit sur la toile et je l’ai retrouvé(1) sur http://news.aouaga.com/h/34989.html. Je l’ai téléchargé, enregistré, lu et relu. Et là, je suis tombé comme on dit « de très haut ».
Je n’ai pas pu m’empêcher d’appeler quelques-uns de nos amis communs restés avec toi à l’UNDD. Je voulais comprendre… Mais j’avoue que je n’ai toujours pas compris ce qui t’arrive.
Sans juger la hauteur de l’argumentaire juridique que tu développes, en tant qu’homme de droit, je ne peux que constater, avec les autres, la suggestion claire faite au PF de recourir si nécessaire à l’état d’urgence pour régler les contradictions juridiques et politiques actuelles qui opposent le peuple Burkinabè à celui qui est encore considéré comme son président.
Hermann, nous avons traversé avec toi des moments de braise du fait de ce même régime ; nous avons reçu des coups ; parfois sans que tu ne nous permettes même d’en donner, alors que nous savions le faire, peut-être même mieux que tu ne le croyais. Il y en a qui ont fini par partir… (comme moi). Mais tu savais très bien qu’il n’y avait rien à redire dessus.
Je t’ai gardé en estime malgré tout ; j’ai aussi assisté au « dépeuplement » de ce contingent de vieux de Koudougou avec lesquels j’ai gardé d’excellents rapports.
Je m’amusais quelque peu à écouter tes nouveaux arguments (je ne te les connaissais pas vraiment avant) de Co-Président du Front Républicain jusqu’à ce 17 octobre 2014 lorsque j’ai fini de lire ta tribune.
Alors je voudrais te demander, qu’est-ce qui t’arrive, Hermann ? Le départ de Marie Claude suffit-il pour te faire tomber si bas ? As-tu pensé au moins à elle un instant en enfilant ta robe d’avocat d’un jour pour, épée au vent, pourfendre la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance et offrir ainsi à Blaise Compaoré d’user des pouvoirs exceptionnels pour régler un conflit qui est avant tout juridique et éthique avec son peuple, le tien, le mien ?
En prenant de telles positions, as-tu pensé un instant à tous tes compagnons restés avec toi, par loyauté pour les plus anciens, que tu exposes désormais à la vindicte de certaines personnes peu éduquées ou tout simplement excédées ? Blaise Compaoré a sans conteste plus de facilité qu’eux de se protéger ! C’est peut-être vrai aussi pour toi…
Rappelles-toi qu’à la dernière réunion du BEN de l’UNDD à laquelle j’ai participé en septembre 2005, tu avais instrumentalisé des jeunes du Bureau pour me traiter « d’homme de Blaise Compaoré » qui veut t’humilier toi Hermann, simplement parce que je voulais que tu te présentes à l’élection présidentielle de la même année. Moi à l’époque « Homme de Blaise Compaoré », où en es-tu aujourd’hui, toi, Hermann ? Et où se trouve ce groupe que tu avais utilisé pour cette besogne ?
Non, Hermann, même ton père ne doit pas être fier de toi là où il est…
Alors, s’il te plait, dis à Blaise de laisser tomber, car il n’y a pas d’issue à ce bras de fer…
Avec mon amitié malgré tout …
Dr Fidèle HIEN
Consultant
1 Les intellectuels Burkinabè devraient (ce n’est pas de la pub !) télécharger et garder cette tribune ; ne serait-ce que pour l’histoire…