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Centre d’isolement d’Ebola à Yagma : les habitants ne veulent pas être « les damnées » de Ouagadougou

Publié le jeudi 4 septembre 2014 à 02h56min

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Centre d’isolement d’Ebola à Yagma : les habitants ne veulent pas  être « les damnées » de Ouagadougou

Le Burkina se prépare à la riposte du virus Ebola qui sévit dans la sous-région ouest-Afrique. Le nouveau centre de santé et de promotion sociale de Yagma au milieu des habitations, et longtemps attendu, a finalement été retenu pour accueillir d’éventuels cas de maladies qui se présenteraient dans la capitale. Mais après avoir accueilli les sinistrés du premier septembre 2009, la population refuse cette fois que leur quartier soit le « dépotoir » de Ouagadougou surtout qu’elle n’a pas été consultée avant. Depuis lors, dans la cité mariale, on rumine sa colère, on met en garde et on attend de voir.

Yagma, la cité mariale, le 2 septembre 2014. Il est 10h passé dans cette bourgade située à une dizaine de km de la capitale burkinabè. Sous les arbres, dans les kiosques à café ou les moulins à grains, un seul sujet anime les discussions : Ebola. La veille, les populations ont reçu la visite d’une délégation venue de Ouagadougou pour une sensibilisation sur le virus Ebola. Il faut se préparer au pire parce que c’est Yagma qui va accueillir les éventuels cas de malades du virus selon le plan de riposte des autorités nationales. C’est ce qu’a décidé le gouvernement sans avoir informé les autorités locales.
Sur place on est déboussolé, du maire jusqu’au citoyen lambda. Ledit centre, conçu initialement pour répondre aux besoins des populations est bâti sur des hectares avec plusieurs bâtiments hermétiquement fermés pour le moment. A la porte de certains, des affiches sur les mesures préventives de l’épidémie. Pour le moment, c’est un silence lourd qui y règne.

Des mises en garde et un refus en chœur

« Quand le médecin est venu hier (Ndlr.1er septembre), il nous a dit de ne pas refuser d’accueillir des malades d’Ebola si toutefois, ils étaient envoyés dans le centre d’isolement, parce qu’à notre arrivée ici en 2009, les autochtones ne nous avaient pas refusées. Mais nous n’étions pas malades quand on venait ici ! Nous avons nourri beaucoup d’espoirs parce que quand nos enfants tombent malades, on a des problèmes pour rejoindre le centre de santé qui est très loin d’ici et inaccessible. Le centre était donc un soulagement. Ils doivent construire un centre en brousse et loin des habitations et nous laisser notre centre de santé. Quand on le construisait, on n’avait jamais entendu parler d’Ebola et à la fin on veut le consacrer à Ebola. Ce n’est pas un centre d’Ebola. Il y a l’argent d’Ebola et ils veulent le partager entre eux et nous brimer. Ils disent qu’ils veulent nous aider et maintenant ils entendent nous tuer pour retirer les parcelles », c’est la colère exprimée presqu’au bout des larmes par Habibou Zongo qui nous a hélé pour faire passer ce message. Le point de vue de cette mère est partagé par une bonne partie des personnes que nous avons rencontrées. Sinistrés du 1er septembre comme autochtones.

Arouna Sana, un des gardiens du CSPS, « La population n’est pas d’accord et il faut l’écouter. Nous n’avons pas la force du gouvernement, mais nous pensons qu’il faut qu’on trouve un autre site. Nous en tant que gardien, nous sommes à la porte d’Ebola. Je dis souvent que nous sommes déjà morts, parce que si les malades doivent passer devant nous, nous serons les premières victimes ». « C’est simplement de la force qu’on veut nous faire, rien d’autre » rajoute pour sa part Karim Ouédraogo.

L’érection du CSPS avait suscité des espoirs. Depuis l’installation des sinistrés en 2009, le problème d’accès à la santé était une doléance tout le temps exprimée aux autorités. C’est avec joie et soulagement que les populations avaient accueilli la construction du centre de santé. « Nous sommes loin de Ouagadougou. Depuis que nous sommes ici, nous souffrons. Quand un enfant est malade, quand une femme doit accoucher, on souffre parce qu’il faut aller à Bissighin ou à Paul VI. Dès la pause de la première pierre du CSPS, on a dit que c’était pour nous, jusqu’à ce qu’il finisse et on nous annonce maintenant que ça sera un centre d’isolement de la maladie Ebola », tempête Séni Zoungrana. Selon lui, la population n’acceptera jamais cette décision qui s’apparente à un manque de considération à son égard, et elle serait prête par tous les moyens à manifester son mécontentement. « Beaucoup ont dit que si on force pour amener des malades d’Ebola ici, ils n’épargneront pas le centre de santé. Ils vont le bruler, le domicile du maire non plus ne sera pas épargné. Nous voulons prévenir pour que le maire soit au courant ».
Le ton est donné et surtout les jeunes n’entendent pas se « faire voler » le CSPS qu’ils ont longtemps attendu. La maison de Hamado Taonsa fait face au CSPS et il a peur pour lui-même et pour sa famille. « Je demande pardon à nos autorités. Si c’est parce qu’il n’y a pas de moyen pour construire un centre il faut lancer un appel à la solidarité nationale ».

Une décision venue « d’en haut »

Le secrétaire général du ministère de la santé en rencontrant les journalistes le 25 aout pour une sensibilisation et la présentation des mesures de riposte du Burkina, a noté que le CSPS de Yagma a été retenu comme centre d’isolement en cas de malades d’Ebola. Mais, même le premier des citoyens de Yagma, le maire de l’arrondissement 9, n’a pas été informé au préalable. Constant Ouédraogo dit avoir été informé par les populations qui ont appris la nouvelle à la radio et qui ont fait une délégation pour venir le voir. Il pensait inaugurer officiellement le CSPS le 1er septembre 2014, 5 ans jour pour jour après les inondations de 2009. « J’ai dû rencontrer les populations pour dire que nous n’avons pas été associés à la prise de décision », nous a confié le maire de l’arrondissement. « Si on veut appliquer les textes de la décentralisation, on aurait pu nous saisir avant de prendre une telle décision » ajoute-il. Tout en évitant de tirer sur les autorités, Constant Ouédraogo estiment cependant que s’ils avaient été consultés « compte tenu de la situation spécifique de cette zone, qui est réservée aux sinistrés et à l’approche du 1er septembre, on aurait eu des arguments pour convaincre les autorités sanitaires de trouver un autre site. Quand les populations se remémorent des tristes événements de 2009, elles se considèrent comme des laissés pour compte. Quand nous les avons rencontrés, nous leur avons dit que nous ne sommes pas contents. Mais qu’est-ce que nous pouvons faire ? ». Une question qui traduit une impuissance face à l’autorité « d’en haut », qui n’a consulté personne avant toute prise de décision de cette ampleur.

Une pilule de plus dure à avaler

L’installation des sinistrés sur le site de Yagma en 2009 avait été accompagnée par une kyrielle de promesses pour améliorer les conditions de vie des populations. Le bitumage d’une route reliant Ouagadougou, l’arrivée de l’électricité, de l’eau, du bus, création d’emplois pour les jeunes... Les nouveaux venus avaient fini par se convaincre « qu’à quelque chose, malheur est bon ». Ils avaient tout perdu à cause de la furie des eaux, mais avaient commencé à regagner espoir au vu des promesses. Ils comprendront plus tard que c’étaient des « promesses politiques » selon les mots de Moumouni Ouédraogo, le délégué des sinistrés de Badnogo à Yagma.

Le centre de santé était l’une des doléances des sinistrés. Ils ont donc l’impression que l’une des rares promesses tenues après des années, pourrait être détournée à d’autres fins. « On a déjà trop de problèmes pour qu’on veuille nous ajouter Ebola. Nous n’avons même pas de travail et on espérait que le CSPS allait nous aider. Nos connaissances ne voudront même plus venir de Ouaga pour nous rendre visite. Nous serons isolés du reste de la ville. Cela fait 5 ans que nous sommes ici et elles nous ont promis beaucoup de chose. Qu’il nous tue une bonne fois pour toute », martèle le jeune.

Les anciens sinistrés comme les autochtones pensent avoir été oubliés par le gouvernement et ne décolèrent pas depuis qu’ils ont appris que le CSPS, au milieu des habitations, a été retenu comme centre l’Isolement en cas d’Ebola, une maladie contagieuse. Le délégué des sinistrés espère pour le bien de tous, que Ouagadougou et le Burkina n’enregistrera jamais un cas d’Ebola, et que ce centre n’accueillera pas de malades. Le maire, lui, s’en remet à Dieu et à la sensibilisation. La population, elle, rumine ses ressentiments et s’apprête à manifester son mécontentement au cas où.

Tiga Cheick sawadogo
Photos : Bonaventure Lawasselea Paré
Lefaso.net

Encadré 1

Qu’est-ce que le virus Ebola ?

La maladie à virus Ebola est un type de fièvre hémorragique. Elle est causée par une infection due à un virus de la famille des filoviridés, le virus Ebola, qui tire son nom d’une rivière du nord de la République démocratique du Congo, où il a été repéré en 1976. Le virus se propage ensuite d’homme à homme par contact direct (peau lésée ou muqueuses) avec des liquides biologiques (sang, salive, sueur, sperme,
vomissures, matières fécales) de personnes infectées. En Afrique, les rites funéraires au cours desquels les parents et amis du défunt sont en contact direct avec la dépouille jouent souvent un rôle dans la transmission du virus. L’agent pathogène peut aussi se transmettre par contact indirect, par exemple avec des objets comme des seringues contaminées. Des personnels de santé ont souvent été infectés en traitant des cas suspects ou confirmés, lorsque les précautions anti-infectieuses n’ont pas été strictement appliquées. Une personne n’est pas contagieuse tant que les symptômes ne se sont pas manifestés. Selon les centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC), il est ainsi « très improbable » que le virus Ebola se transmette parmi les passagers d’un avion ou d’un train, puisqu’un contact direct avec des sécrétions corporelles est nécessaire. La plupart des personnes infectées vivent avec des malades qui ont des symptômes ou sont membres du personnel médical qui les soigne. L’organisation mondiale de la santé (OMS) a déjà recensé plus de 1.552 morts sur 3.069 cas détectés au Liberia, en Guinée, en Sierra Leone, au Nigeria et au Sénégal où un premier patient a été confirmé.

Source : Internet

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