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Lettre ouverte à Nestorine Sangaré : Attention aux amalgames, Madame la ministre !

Publié le mardi 21 janvier 2014 à 17h22min

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Lettre ouverte à Nestorine Sangaré : Attention aux amalgames, Madame la ministre !

Je viens échanger avec vous sur vos propos tenus dans votre discours lors de la présentation de vœux des femmes et filles du Burkina à notre première dame, madame Chantal Compaoré.

Je vous félicite naturellement pour les efforts accomplis dans votre ministère et soulignés par vous.En revanche, j’ai été beaucoup surpris par certains points de votre discours qui me posent un petit souci. Parlons-en.

Voyez, madame la ministre, il y a trop d’amalgames dans votre discours et son contexte. Pour être franc avec vous, je serais un jury que je vous décernerais tout de suite les médailles de bronze, d’argent et d’or, et rien qu’à vous seule ; médailles qui sont généralement décernées à au moins trois personnes. Pourquoi ?

La médaille de Bronze : tout d’abord, vous adressant à la première dame, vous dites en substance ceci, et je vous cite : « Sachez que si 2014 sera une année de violence, la population ne sera pas épargnée et ce sont encore les femmes et les filles qui en pâtiront.

Madame Chantal Compaoré, si les malédictions qui vous sont adressées à vous et à votre famille proviennent de tous côtés, sachez que les bénédictions le sont encore plus. Les femmes vous souhaitent donc la paix, le courage et la persévérance pour cette année. »

De bons vœux imprégnés de sincérité et de fidélité et je vous comprends. Ce qui me gêne par contre, c’est l’amalgame que vous glissez délibérément à Chantal Compaoré en confondant la relation entre « un peuple et son président » et « un peuple et la famille de son président ».

Madame la ministre, il vous aura certainement échappé que les fameuses malédictions provenant de tous côtés à l’endroit de la famille présidentielle dont vous parlez, si cela était avéré, ne sont que la résultante logique de l’obstination du CDP et partant, du Président à ne pas respecter, et encourager un principe simple que notre peuple s’est fixé et que vous connaissez certainement : article 37, en l’occurrence.

Je ne sais pas ce que vous pensez à titre strictement personnel de cette disposition de notre constitution et des velléités et autres ambitions du CDP et du président qui ne sont invisibles que pour ceux et celles qui ne veulent pas les voir.

Mais ne perdez jamais de vue que si les gens maudissent tant la famille présidentielle comme vous le prétendez, c’est certainement parce que un seul homme, un seul système veut s’asseoir purement et simplement sur un principe démocratique clé. Je ne doute pas que vous êtes loyale dans vos relations et que vous le direz à notre président.

La médaille d’argent. Vous faites une véritable confusion entre le ras-le-bol d’une partie importante de l’opinion contre les ambitions d’un homme (même pas l’homme en question mais ses ambitions) et un hypothétique ras-le-bol contre la famille de Madame Chantal.

Non, madame la ministre, les burkinabè ne souhaitent pas de malheur à la famille présidentielle. Madame Chantal Compaoré est une brave femme, épouse du Président avec son monde, son quotidien, ses réalités et son combat, comme de millions d’autres femmes burkinabè, en définitive.

Madame Chantal Compaoré et sa famille ne sont donc pas en cause dans ce débat qui passionne et inquiète les Burkinabè.

L’influence qu’elle puisse avoir ou non sur son mari dans le débat et l’opportunité d’une re-candidature ne relève que de la vie de couple, de la vie privée donc et n’intéresse nullement les Burkinabè au point de lui souhaiter un quelconque malheur.

Médaille d’or. Madame, entre nous, et c’est le dernier mais aussi le plus gros amalgame : à cette cérémonie, vous parliez en tant que ministre burkinabè de la promotion de la femme et du genre ou en tant que madame Ernestine Sangaré, citoyenne commune avec ses opinions et positions personnelles tout à fait légitimes ?

Manifestement, vous parliez en tant que ministre de la promotion de la femme puisque vous avez pris un réel plaisir à énumérer les acquis engrangés à la tête de votre ministère, ce dont je vous félicite, du reste.

Alors madame la ministre, dans ce cas, cela est très grave ; très grave car les ministres quand bien même ils viennent parfois des logiques partisanes, une fois ministres ils doivent toujours se soustraire à la logique partisane et se conformer au devoir républicain.

Un ministre parle au nom de la république, non au nom d’un parti, non même en son nom personnel, quand il est dans l’exercice officiel strict de ses fonctions. Du coup, un ministre qui travaille à dresser les citoyens les uns contre les autres est quelque chose d’inadmissible.

J’en profite pour attirer votre attention sur le fait qu’il ne faudrait pas en faire plus qu’on ne vous demande et le chantier de la promotion de la femme et du genre est bien vaste, et les responsabilités de ministre sont si exigeantes qu’il n’y pas de temps à consacrer à des sorties aussi peu honorables.

En tant que ministre avec toute la lourde responsabilité qui va avec, contentez-vous d’exercer votre travail avec professionnalisme et rigueur comme bon nombre de vos collègues et de millions d’autres fonctionnaires burkinabè qui ont leurs positions partisanes mais font leur devoir d’abord, avec la stricte retenue et neutralité.

Quand vous serez dans une réunion de quartier de votre parti ou à la Cour, en tant que citoyenne militante, vous direz tout ce que vous voudrez. Et personne ne s’en offusquera.

En conclusion, et à ce stade, je vous suggérerais de présenter officiellement vos excuses ou, à tout le moins, de vous expliquer sur le dernier amalgame car vous n’avez pas honoré votre fonction et à travers elle, les burkinabè. Un ministre est contraint à une certaine discipline, à une certaine éthique.

Je vous suggérerais aussi de ne pas manquer de rappeler au Président ou à vos collègues du CDP que les engagements sont faits pour être respectés et l’article 37 doit donc être respecté. Je considère en effet que l’amitié sincère ou la reconnaissance envers une personne n’est pas incompatible avec le devoir de dire la vérité. Le peuple vous en saura gré.

Recevez l’expression de mes meilleures salutations et de ma haute estime.

Gnienhoun Abdoulaye Nazaire

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