9e conférence du MANSA : Pour jeter un regard interdisciplinaire sur les études Mandé
Le Burkina abritera en juin 2014, la 9e conférence du MANSA (Mande Studies Association) autour du thème : « le monde Mandé et la mondialisation : défis et perspectives ».Le comité d’organisation est dirigé par le Pr Alain Joseph SISSAO, nouvellement élu membre de conseil consultatif du MANSA. A travers l’entretien qu’il a accordé au Faso.net, le Pr SISSAO donne des éclairages sur la conférence à venir, mais également sur l’Association MANSA. Ce, au moment où le président de cette société savante séjourne au Burkina.
Présentez-vous aux lecteurs du Faso.net ?
Je m’appelle Alain Joseph Sissao, je suis directeur de recherche à l’Institut des sciences des sociétés, et directeur adjoint chargé des programmes à l’INSS. Je suis chercheur en littérature africaine notamment sur les aspects liés aux rapports oralité/écriture. J’ai été élu membre du conseil consultatif du MANSA lors de la dernière réunion d’affaires de l’Association à Baltimore en Maryland aux USA.
Dites-nous ce qu’est le MANSA ?
Le MANSA, c’est l’Association des études Mandé. Cette association a été créée en 1986 et compte près de 400 membres. Ce sont des enseignants, des chercheurs, des étudiants de toutes disciplines, de tous continents avec une proportion de 42% d’Amérique du Nord, 30% en Europe et le reste des chercheurs se trouvent aussi bien en Afrique qu’en Asie qu’en Amérique latine. Il s’agit des personnes qui s’intéressent aux Manding et à leurs voisins.
Que faut-il entendre par Mandé ?
Les Mandé dont le nom brasse une multitude de peuples, d’ethnies, de clans réunis au sein d’ensembles territoriaux vastes peuvent constituer en Afrique de l’Ouest un des lieux d’interrogation de cette quête. Leur histoire, vieille de plusieurs siècles, remonte à l’empire du Ghana dont la fondation date d’au moins le VIIIIème siècle de notre ère. Cet empire a construit une culture, une civilisation qui a servi de socle à ce que nous pouvons appeler aujourd’hui la civilisation mandé.
C’est donc la culture Manding qu’on peut retrouver dans un certain nombre de pays de l’Afrique de l’Ouest et même au-delà. Ce sont des pays comme le Mali, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Burkina Faso, la Guinée, la Sierra Léone… Les travaux sont axés essentiellement sur la société, l’histoire, la géographie, l’anthropologie, la linguistique, la littérature, l’éducation et l’environnement, etc.
Le MANSA existe depuis près de 30 ans, quels sont ses objectifs ?
La MANSA est une association qui a des objectifs. C’est notamment contribuer au développement des études et des recherches dans toutes les disciplines sur les populations Mandé et leurs voisins ; permettre le rapprochement et la collaboration des chercheurs, enseignants, étudiants de ce monde Mandé là. L’objectif, c’est aussi de valoriser les résultats de ces études sous forme d’articles, d’ouvrages, de livres, de rapport ou de toute autre forme de document. Il s’agit aussi d’épauler les collègues qui habitent et travaillent en Afrique parce que les collègues qui travaillent sur leur propre culture, parfois, n’ont pas cet accompagnement qu’il faut. Cette association a justement ce souci de les accompagner dans le renforcement et la valorisation de leurs travaux.
Quelles sont les activités menées par le MANSA jusque-là ?
Le MANSA mène plusieurs activités. En termes d’acquis, il y a l’organisation des conférences annuelles en Amérique du Nord chaque année. Il y a aussi l’organisation de conférences internationales aussi bien à Bamako (la dernière du 27 au 29 juin 2011), à Banjul, à Conakry, à Leiden (Hollande), à Paris, à Lisbonne. Le MANSA a aussi organisé des congrès internationaux, tous les trois ans, alternativement en Afrique et en Europe. Il y a aussi eu la publication d’articles de conférences notamment des conférences qui ont essayé de faire le point sur les études Mandé. A cela, s’ajoute un travail de sponsoring des communications des membres africains sélectionnés pour se rendre à ces conférences, en termes d’appui à ces chercheurs. Il y a eu aussi l’envoie d’articles, de livres et toute autre forme de documents issus des activités de recherche sur le MANSA.
Le MANSA a une revue scientifique « MANDE STUDIES », qu’elle édite. Cette revue est animée par un staff qui permet d’animer ses différentes rubriques.
42% des membres du MANSA viennent de l’Amérique du Nord, pourtant quand on parle de Manding, c’est bien en Afrique. Comment expliquez-vous cette situation ?
Parce que l’initiative de création de cette association est partie du continent américain, avec des chercheurs aussi bien européens qu’africains. C’est ce qui explique cette proportion. Dans cette dynamique, il y a eu aussi le fait qu’il y ait eu plus de chercheurs anglo-saxons qui travaillaient sur la culture Manding. Mais, il y a aussi un problème d’information. Il y a des chercheurs africains qui travaillent sur la culture Manding mais qui ne connaissent pas l’association.
Vous parlez tantôt de Mandé, tantôt de Manding, quelle est la différence ?
Ça renvoie plus ou moins à la même chose. Le Mandé, c’est l’espace géographique, le Manding c’est l’entité.
Que comptez-vous faire pour que l’Association soit aussi connue en Afrique qu’elle l’est en Amérique du Nord ?
Il y a l’organisation des conférences sur le continent africain tous les trois ans. L‘objectif de ces conférences, c’est de permettre aux africains de pouvoir connaitre exactement ce que c’est que le MANSA et d’y adhérer éventuellement. Donc, c’est pourquoi l’association se donne toujours comme priorité d’organiser une conférence dans un des pays africains, obligatoirement, tous les trois ans. L’objectif, c’est de pouvoir résoudre ce problème d’information et ce problème d’adhésion des africains par rapport à l’association.
En juin 2014, le Burkina abrite la 9econférence du MANSA, de quoi il sera question ?
Effectivement la prochaine conférence du MANSA va se tenir au Burkina, probablement à Bobo-Dioulasso du 18 au 22 juin 2014. Comme vous le savez, Bobo représente pour le Burkina Faso, le berceau, ou « le foyer ardent » du monde Manding par la langue le dioula qu’on y parle mais aussi le brassage des cultures autour de cette langue véhiculaire. Cette conférence va permettre de réfléchir sur « le monde Mandé et la mondialisation : défis et perspectives ».Il s’agira, à l’aube des trois décennies de l’association de s’interroger sur l’apport réciproque que le monde Mandé a eu avec les autres civilisations, de part et d’autres. Les thématiques qui seront développées se composent de 11 axes. Il s’agira de voir comment toutes les rencontres que le monde a eues avec le monde oriental et occidental ont produit au fil du temps des influences réciproques sur les trois cultures et civilisations. Les 11 axes se déclinent comme suit :
1- Espace mandé et rencontre avec le Monde de l’Orient
2- Espace mandé et rencontre avec le Monde de l’Occident.
3- Espace mandé et immigration orientale et occidentale
4- Espace mandé et brassage culturel dans d’autres espaces oriental et occidental
5- Musique mandé et influences sur la musique orientale et occidentale
6- Littérature mandé et influence sur la littérature orientale et occidentale
7- Arts (vestimentaires, culinaires) mandé et influence sur l’art oriental et occidental
8- Architecture mandé et rencontre avec l’architecture oriental et Occidental
9- Politiques de développement Mandé, oriental et occidental
10- Espace mandé, et histoire coloniale orientale et occidentale
11- L’urbanisme mandé, oriental et occidental.
Qui peut participer à cette conférence ?
Tout le monde peut y participer. Nous avons déjà lancé l’appel à communications. Libre à tout chercheur du monde entier qui veut soumettre une communication de le faire. Comme la conférence se tient au Burkina, cela donne plus d’opportunités à des chercheurs burkinabè qui veulent présenter des communications de le faire.
Le président du MANSA séjourne à Ouagadougou actuellement, dans quel cadre s’inscrit cette visite ?
Effectivement le président du MANSA, le Pr Kassim Koné de l’Université de Cortland aux USA est là actuellement dans le cadre de la préparation de la 9e conférence. Il est là pour la prise de contact avec les autorités burkinabè pour la tenue de cette rencontre. Donc, c’est essentiellement des rencontres avec les responsables de l’Institut des sciences des sociétés (INSS), des du ministère de la recherche scientifique et de l’innovation (MRSI) et ses services rattachés notamment la Direction Générale de la Recherche et de l’Innovation (DGRSI), des responsables de l’université de Ouagadougou et aussi avec des acteurs culturels du monde Mandé, des membres du MANSA qui se trouvent aussi bien à Ouagadougou qu’à Bobo-Dioulasso.
Vous avez été élu, récemment, membre du conseil consultatif du MANSA, comment se fait l’élection au sein de cette instance et en quoi consiste votre rôle ?
L’élection se fait par les membres du MANSA. Le conseil consultatif du MANSA, c’est en quelque sorte un comité scientifique. C’est nonobstant votre dynamisme et votre engagement dans cette association que vous êtes choisi par le comité qui se réunit. C’est à l’unanimité que j’ai été choisi à la dernière réunion d’affaires de l’association à Baltimore en Maryland aux USA. Mon rôle, ce sera d’appuyer le président ainsi que tout le staff du MANSA pour l’organisation des rencontres scientifiques mais aussi pour l’animation scientifique des revues et toute autre activité qui permettra au MANSA de se faire connaître.
Avez-vous un appel à lancer pour la réussite de la 9econférence du MANSA ?
C’est d‘inviter tous ceux qui veulent faire de cette manifestation un espace de rencontre, de partages et d’émulation d’idées, toutes les personnes qui veulent présenter des communications à venir à cette conférence. C’est une conférence ouverte aussi bien aux chercheurs, universitaires ainsi qu’aux non-universitaires. Ce n’est pas une association uniquement éclectique, mais aussi d’utilité sociale qui fédère les cultures, les peuples pour montrer leurs racines communes. Mais, c’est une association qui a une prise avec la réalité. Il ne s’agit pas de faire de la recherche déconnectée du social, mais d’intégrer les acteurs sociaux à cette rencontre. Donc, tous ceux qui s’intéressent d’une façon ou d’une autre au monde Mandé ou à la culture Manding sont les bienvenus. Mais aussi, ceux qui veulent venir montrer les liens entre le monde Mandé et les autres peuples, au niveau du Burkina (Moaaga, Peulh, Bobo, etc…) sont les bienvenus. Au niveau de l’Afrique, cette conférence est ouverte à tous les chercheurs, à tous ceux qui veulent promouvoir les valeurs de la culture Mandé ainsi que les ferments communs qui façonné la stabilité des peuples africains de l’Afrique de l’Ouest.
Interview réalisée par Moussa Diallo
Lefaso.net