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Mobilisation pour les élections couplées : Attention à la dérive politico-associative

Publié le vendredi 27 juillet 2012 à 00h51min

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Pour combattre l’abstentionnisme électoral chronique dont souffre la politique burkinabè, tous les remèdes seraient-ils bons pour soigner le mal ? Lorsque les électeurs se font désirer comme la présidentielle en a fait les frais en novembre 2010, il est probablement légitime de prendre le taureau par les cornes. Mais si une « organisation de la société civile » -comme s’en défend la Fédération associative pour la paix et le progrès avec Blaise Compaoré (Fedap/BC)- a le droit d’appeler ses adhérents à se faire enrôler pour les prochaines élections législatives et municipales, peut-elle en revanche œuvrer pour une « victoire » de son champion sans verser dans une dérive politicienne ?

La question est d’autant plus brûlante qu’elle concerne une organisation qui est liée à la personne du président du Faso. Une personnalité qui, au regard de la loi électorale, n’est pas autorisée à être candidate aux consultations électorales auxquelles le Faso se prépare à travers les premiers enrôlements biométriques. Le Blaiso national ne pouvant pas faire valoir ses droits à être élu député ou maire, on peut considérer que son fan-club ne devrait pas trop s’agiter. Du moins pas lui assurer quelque victoire que ce soit.
Mais entre l’appel à s’enrôler et l’incitation à « assurer une victoire éclatante pour... au soir du 2 décembre », il n’y a qu’un pas.

Et certains responsables du grand rassemblement des passionnés de l’Enfant terrible de Ziniaré ne s’embarrassent pas de faire le pas. Et cela d’autant plus allègrement qu’ils ont le crachoir face à une foule surexcitée par les déhanchements du djandjoba. Pour haranguer des hommes et des femmes acquis à la cause, on s’accorde une liberté de ton qui trahit en réalité ce qu’on n’était pas supposé dire tout haut. C’est ainsi que naissent des dérives qui s’amoncellent comme des nuages sur une démocratie burkinabè qui a déjà du mal à la clarté de son débat et de ses acteurs.

La tentation de cette dérive politicienne qui guette la Fedap/BC n’est pas pour déplaire ou nuire seulement aux partis d’opposition dont les leaders sont trop peu feuillus et paumés pour susciter un quelconque fan club. Dans ce pays où le militantisme politique et l’adhésion associative sont massivement motivés par des arrière-pensées tubedigestivistes, on n’est pas étonné de constater que cette organisation charrie visiblement plus de moyens et mobilise parfois plus de monde que le giga-parti au pouvoir. C’est un secret de Polichinelle que de relever que c’est moins les timides regroupements des partis d’opposition qui empêchent le parti au pouvoir de dormir que la présence encombrante de la Fedap/BC dans la sphère politique.

On a beau la purger de certains de ses membres influents qui siègent désormais au sein du Secrétariat exécutif du parti présidentiel, elle ne garde pas moins la main et surtout une importance politique -au sens propre comme au figuré. Si le président de l’Assemblée nationale s’est senti obligé d’accorder une audience officielle au tout nouveau président de la Fedap/BC, c’est bien la preuve qu’elle ne fait pas que compter. La Fédération pèse lourdement sur l’échiquier politique national et tient à le faire savoir à l’opinion nationale.

Pour revenir à la rivalité désormais légendaires entre ces deux « épouses » du président, force est de constater que l’avènement des élections législatives et municipales couplées est une occasion d’un duel souterrain pour savoir laquelle compte finalement le plus. L’arbitre de ces scènes de ménage politico-associatives qui ne font que commencer n’est personne d’autre que François Compaoré, le « petit président » himself, qui occupe le poste stratégique de Secrétaire chargé des organisations associatives. Lors de la sortie politique qu’il a effectuée dernièrement à Bobo-Dorosso, la capitale de la région des Beaux-Bassins, il n’a pas manqué d’appeler ses camarades militants à se faire massivement enrôler pour les prochaines élections, tout en précisant, lui au moins, qu’ils peuvent aller voter pour le parti de leur choix.

Mais de quel choix dispose vraiment ceux qui se réclament de la Fedap/BC par rapport aux législatives et municipales prochaines ? Difficile de trancher. Car, si l’on peut croire que les fedap/Bcistes ne voteront pas seulement pour le CDP, il n’est pas moins facile de savoir à quel parti de la majorité présidentielle ils vont donner leur suffrage. Une certaine logique voudrait que le giga-parti y engrange l’essentiel de sa pêche aux voix, mais cette organisation a ses raisons politiques que le Roczilla ignore ou feint d’ignorer.

Certaines langues trop pendantes pensent même que la Fedap/BC n’hésiterait pas à battre campagne pour ses propres « candidats » aux législatives et au municipales. Ce qui suppose que si les noms de ces derniers ne sont pas retenus officiellement par le CDP, il risque d’avoir des frictions, des grincements de dents et, au pire des cas, des pertes de voix. Au regard des enjeux qui se profilent à l’horizon, et sur lesquels nous reviendrons, la saison de désignation des heureux éligibles pour les élections à venir risque d’être corsée. A l’allure où va la mobilisation des troupes, ce sont les généraux qui ont le plus mouillé le maillot qui vont avoir le dernier mot. Et si la Fedap/BC n’entend pas jouer les seconds rôles comme cela se dessine maintenant, il faudrait peut-être s’attendre à un chamboulement des cartes. Décembre, c’est seulement dans 4 mois. Qui vivra verra. Certainement !

F. Quophy

Journal du Jeudi

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