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Crimes économiques au Burkina Faso : Le sursaut de la justice

Publié le mercredi 8 juin 2011 à 04h57min

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Les autorités judiciaires de notre pays ont annoncé avec un renfort de publicité les prochaines assises sur les dossiers de crimes économiques. Une quinzaine de dossiers sont ainsi enrôlés et seront examinés par les instances de la capitale à partir du 14 juin 2011 à Ouagadougou. Dans le contexte actuel, on ne peut que saluer ce sursaut de la justice nationale, d’autant plus que son « inertie légendaire » avait contribué à ancrer au sein de l’opinion qu’elle n’est pas en mesure de rendre la justice attendue sur ces dossiers.

La jouissance effective de la liberté d’expression et de la liberté de presse par nos médias crée les conditions favorables à des investigations sur les fautes de gestion et sur tous les cas de mal gouvernance sur le sol burkinabé. Régulièrement, la presse privée dénonce et stigmatise des « fautes » ou « crimes économiques » ; regrette que la justice ne s’en saisisse pas, fertilisant ainsi la culture de l’impunité. La mal gouvernance engendre des crimes économiques ; des crimes qui, si à leur tour ne sont pas corrigés par la justice, ou sont simplement connus par une justice « injuste » ou, « sous coupe réglée », terreau fertile pour l’impunité, suscitent l’exaspération des Burkinabè et préparent les crises sociales.

La tenue de ces assises sur les dossiers de crimes économiques lèvera donc un coin de voile sur les manquements de gestion de compatriotes à qui la nation a fait confiance mais qui ont eu le mauvais geste qui les conduit devant les juridictions nationales. Ils ne sont pas encore coupables, ils sont accusés de fautes de gestion du denier de l’entreprise ou de leur institution dont ils avaient la charge. Ils sont présumés innocents jusqu’à ce que le juge ne décide du contraire.
Il est heureux de constater que les audiences sont publiques et la responsable du dossier l’a, du reste, rappelé. Cela veut dire que tout le monde peut assister aux débats et on peut même y voir une sorte d’invitation lancée aux citoyens. En outre, cela signifierait que le tribunal ne veut rien cacher à l’opinion.

Il faut saluer, en cela, la quête de transparence du pouvoir judiciaire sur les dossiers en jugement et, en particulier, sur les dossiers de crimes économiques.

Par ces assises, le gouvernement concrétise une des promesses du Premier ministre Beyon Luc Adolphe TIAO, qui, lors de sa première rencontre avec la presse le 28 avril dernier, assurait que les dossiers de crimes économiques seront jugés dans les meilleurs délais. L’histoire de notre pays a connu déjà d’autres assises sur des dossiers économiques sous la IV République. Cependant, les prochaines assises intervenant dans le contexte de crise sociale revêtent une envergure exceptionnelle. En effet, leur tenue effective vient montrer que le gouvernement tient parole. Et le Premier Ministre le répète à chaque opportunité : « je ne veux pas faire de promesses démagogiques ; jugez-nous sur nos actes ; mais donnez-nous le temps d’agir …. ». Avec ces assises, on touche du bois. C’est concret.

Par ces assises, le gouvernement concrétise une volonté de gérer autrement : une gouvernance nouvelle au cœur de son action. Elles viennent en complément à d’autres actions prises qui matérialisent cette quête de meilleure gouvernance. Les mouvements ou la culture de l’alternance dorénavant instaurée à la tête des sociétés stratégiques viennent illustrer cette vision.

Désormais, ces changements ne doivent plus être, à terme, perçus comme une sanction, un désaveu, une quelconque méchanceté contre quiconque, qui pourtant, fait bien son travail. Il faut simplement convenir qu’au bout de cinq à dix ans, il est plus intéressant d’opérer des changements pour impulser une dynamique nouvelle dans le fonctionnement des structures. Ces changements injectent de nouvelles énergies, cultivent et positivent le réflexe de l’alternance, invitent les plus jeunes à se préparer pour la relève et stimulent toutes les générations car, nul n’est susceptible d’échapper à la responsabilité.

Cependant, l’on ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin. Notre capitale a un quartier dénommé « cité de l’impunité ». Pourquoi une telle dénomination ? Chaque jour que Dieu nous offre dans son infinie miséricorde, nous nous étonnons de l’importance des investissements réalisés par certains citoyens. D’où tirent-ils tous ces moyens ?
Approfondir la lutte contre la mal gouvernance suppose aussi, d’investiguer pour laver les honnêtes citoyens de ces supputations malsaines de l’opinion et punir ceux qui se sont rendus coupables d’enrichissements illicites. Ce sera aussi une façon de rendre justice à la population, une façon de restaurer le crédit de l’Etat, le crédit de la justice, l’image de notre pays auprès de nos partenaires techniques et financiers.

Naturellement, c’est une entreprise qu’il faut mener sans a priori car il y a bien d’honnêtes investisseurs qui ont sué sang et eau pour réaliser leur fortune. Ces honnêtes citoyens doivent être réhabilités et rétablis dans leur honneur, protégés s’il le faut. Par contre, les responsables d’enrichissements illicites doivent être amenés devant les juridictions pour être jugés, condamnés et punis. C’est aussi, une forme de restauration de leur bonne citoyenneté. Une bataille de longue haleine mais dont nous ne devons pas faire l’économie. Ne pas la mener expose tous les suspects à la vindicte populaire car comme il se susurre, des victimes ciblées, il y en a eu lors des actes de vols, de vandalismes et de délinquances économiques durant le trimestre de crise que notre pays a traversé.

Noaga H. KOUANDA

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