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Reconstitution de la Haute-Volta : Naaba Kom II, un indépendantiste avant l’heure

Publié le mardi 7 décembre 2010 à 01h56min

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Le Mogho Naaba Kom II (1906- 1946)

La Haute Volta, aujourd’hui Burkina Faso n’aurait existé que dans les livres d’histoire si certains hommes de divers plans n’avaient pas redoublé de pugnacité d’hommes pour contrer les velléités de l’administration coloniale de suppression pure et simple du territoire. Sont de ces héros de la reconstitution, Mogho Naba Kom II qu’il convient de rendre hommage en ce jubilé d’or de l’accession à la souveraineté nationale et internationale.

Il y a eu l’indépendance octroyée ou acquise de haute lutte (c’est selon) du Burkina Faso en 1960. Quel que soit le scénario retenu, les acteurs de l’accession du territoire à la souveraineté nationale méritent bien la reconnaissance que la Nation toute entière s’apprête à leur témoigner à la faveur du cinquantenaire de l’indépendance du Burkina Faso. Mais avant 1960, ce qu’on pourrait appeler une lutte pour une première indépendance s’est engagée après la suppression du territoire en 1932.

Les fils de la Nation doivent aussi une fière chandelle aux acteurs de cette lutte, qui aboutira à la reconstitution de la Haute Volta en 1949 et permettra ainsi aux héros des indépendances de 1960, de poursuivre la lutte. Sont de ceux là, le Mogho Naaba Kom II (1906- 1946), 34e successeur du trône de Naaba Ouédraogo, le fondateur du Royaume mossi. A la mort du Mogho Naaba Siguiri en 1904, son fils aîné, le prince Saîdou lui succède sous le nom de règne de Naaba Kom II.

Il verra deux événements majeurs, heureux et malheureux, se succéder. Le premier, heureux a été la création de la colonie de la Haute Volta par décret en 1919 comme faisant partie d’un plan de mise en valeur de l’Afrique occidentale française (AOF). Le nouveau territoire est constitué de 3 millions d’habitants, dont plus de la moitié sont de l’ethnie mossi, répartis dans 7 cercles (Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Dédougou, Gaoua, Dori, Fada et Say).

La Haute Volta sera par la suite dissoute « par mesures d’économie » en 1932 et répartie entre ses voisins. Cette dissolution sera vécue comme une humiliation par les Voltaïques et le Mogho Naaba Kom II de voir que leur territoire, pourtant réputé « réservoir de main d’œuvre », avait peu d’intérêt pour l’administration coloniale. Le mécontentement du chef suprême des Mossés était nourri par l’écartèlement « du bloc mossi » que le démembrement du territoire a entrainé. En effet, la région de Ouahigouya était attribuée au Soudan (actuel Mali), celle de Fada au Niger et Ouagadougou à la Côte d’Ivoire.

C’est ainsi que le Mogho Naaba Kom II engagera la lutte pour la reconstitution d’un territoire qu’il identifiait à son empire. Déterminé à obtenir la réhabilitation de la Haute Volta, il suscita un élan sans précédant dans le royaume : les rois de Ouagadougou, Tenkodogo, Yatenga qui ne se rencontraient jamais selon la coutume, se retrouvent exceptionnellement et pour la première fois dans l’histoire des Mossis, pour réclamer le rétablissement de la Haute Volta.

Pour soutenir ses démarches, Naaba Kom II se rendra en personne à Abidjan pour plaider la cause de son territoire en 1938. Selon le témoignage du Larlé Naba Anbga (1907-1980) dans son œuvre intitulée Histoire et coutumes royales des mossi de Ouagadougou, « Naba Kom eut à lutter contre l’abus des transferts des main- d’œuvre, tant vers le Soudan (Office du Niger) que vers la Côte-D’ivoire. Il constata qu’une importante partie de ces travailleurs revenait en mauvaise santé ».

Son plaidoyer lui permettra d’obtenir « une déconcentration » avec la nomination d’un administrateur supérieur pour la Haute Volta et d’améliorer par conséquent la situation du pays. Le destin a voulu que Naba Kom, qui a réalisé l’un des plus long règne sur le trône du Mogho, ne voit pas la réhabilitation de son cher territoire.

Il mourut en 1942 et c’est à son fils Naba Sagha II, de poursuivre l’œuvre du père. Entre temps, au sortir de la 2e guerre mondiale, la métropole concède aux colonies, une administration territoriale dans le cadre de l’Union française. Le territoire peut participer maintenant à la vie politique et les notables voltaïques envoyaient au sénat français Philipe Zinda Kaboré avec la lourde tâche de faire accepter la reconstitution du territoire. Il n’eut pas le temps de le faire. Le plus jeune parlementaire à 26 ans à son époque est emporté par une mystérieuse maladie.

C’est finalement son successeur Henri Guissou qui interviendra à l’Assemblée nationale pour que la loi rétablissant la Haute Volta dans ses limites de 1919 avec Bobo-Dioulasso comme capitale administrative soit adoptée, en attendant « que les rails parviennent à Ouagadougou ». L’année 1947 marque donc l’accession à « la dignité morale pour 3 millions de personnes », une étape très importante dans le processus d’accession à la souveraineté nationale en 1960.

Mahamadi TIEGNA (camerlingue78@yahoo.fr)

Sidwaya

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