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Abbé Ferdy HIEN : Un prêtre- musicien au grand talent !

Publié le lundi 4 août 2008 à 09h37min

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L’abbé Ferdy Hien est l’auteur de l’album « hommage à la jeunesse » disponible depuis mars 2007 sur le marché discographique. A Ouagadougou, la dédicace est intervenue le 18 juillet 2008 au Centre National des Arts du spectacle et de l’Audiovisuel (CENASA). Sa musique qui semble provenir des tréfonds de son âme est un savant dosage des différents styles qui accrochent actuellement (Zouk, rap, slow, couper-décaler…) Cette mosaïque de tendances répond à un objectif spécifique : être réellement en adéquation avec les préoccupations de la jeunesse. Pour L’Abbé Ferdy Hien, la musique peut en effet être un puissant moyen pour inculquer des valeurs cardinales aux jeunes.

Qui est l’abbé Ferdy HIEN ?

Abbé Ferdy HIEN, à l’état civil HIEN MWINBEGOURE Ferdinand est né le 30 mai 1972 à Diébougou, dans la province de la Bougouriba. Ordonné prêtre le 30 décembre 1999, il est envoyé en mission dans la paroisse de kampti (Province du Poni) où il a travaillé comme vicaire pendant 8ans (1999 à 2007). Depuis septembre 2007, il est envoyé par son évêque, Mgr DABIRE DER Raphaël à l’université de Ouagadougou pour y étudier les arts du spectacle.

Comment est née cette passion pour la musique ?

Ma passion pour la musique est née, j’allais dire, tout naturellement. Dès mon bas âge, j’avais du plaisir à écouter des mélodies qui sont agréables à l’oreille. Cela m’a forgé très tôt une sensibilité musicale et une capacité à me représenter intérieurement la musique de façon exacte. Très tôt, j’ai eu de l’attrait pour les instruments de musique. Le premier instrument de musique auquel je me suis intéressé est le balafon et ce avec la complicité de mon papa qui est lui-même un excellent joueur de balafon. Et plus le temps passait, plus ma passion pour la musique se précisait et se renforçait. Je me suis vite rendu compte, pendant ma formation au séminaire, que j’avais beaucoup de facilité à apprendre les chants, le solfège, les instruments modernes de musique (guitare, flûte, piano…) Alors j’ai décidé de m’adonner sérieusement à la musique jusqu’à nos jours.

Aujourd’hui de plus en plus de prêtres s’adonnent également à la musique. Prêtrise et musique sont-elles consubstantielles selon-vous ?

C’est vrai, aujourd’hui de plus en plus de prêtres s’adonnent à la musique, mais très peu peuvent y faire véritablement carrière. La musique demande d’importants investissements en temps, en énergie et en finances. Il n’est pas toujours facile aux prêtres musiciens, principalement absorbés par les tâches pastorales, de s’adonner librement à la musique ; et pour le faire, il faut que l’évêque décide de faire de la musique un secteur d’activité pastorale qu’il confie à un musicien.
Quant à savoir si prêtrise et musique sont consubstantielles, je répondrai non ! Le sacrement de l’ordre ne confère pas automatiquement au prêtre une aptitude à faire de la musique. Chaque candidat au sacerdoce arrive avec les qualités humaines qui au cours de la formation, peuvent être confirmées. C’est ainsi qu’on peut trouver des prêtres qui chantent très bien, d’autres passablement, et d’autres enfin incapables de chanter juste. La plupart des prêtres musiciens, ont renforcé leur talent dans les séminaires, car dans ces maisons de formation, on accorde beaucoup de soin à la formation musicale. Cela est d’autant plus vrai que la liturgie, faite visiblement de rites, de chants et de musique, est au cœur de la formation spirituelle des candidats au sacerdoce.

Que vous inspire le foisonnement de musique d’inspiration religieuse que l’on constate de nos jours au Burkina Faso ?

De nos jours la musique religieuse prend de l’ampleur et en tant que prêtre musicien c’est un sentiment de fierté et de satisfaction que m’inspire ce foisonnement de musique d’inspiration religieuse. Au moins nous ne sommes pas absents de la scène, pourrait-on dire. Selon mon inspiration, la musique religieuse répond à un triple besoin :
D’abord l’expression de la foi en Dieu, l’expression de certaines convictions religieuses. Tout change, tout évolue, et les chrétiens sentent aussi la nécessité d’exprimer leur foi à travers des moyens de plus en plus modernes.
La musique religieuse correspond ensuite à une sensibilité. Les chrétiens écoutent de plus en plus la musique religieuse à domicile, dans les lieux de travail, dans les voitures. Ils ont soif d’une musique utilitaire, une musique qui nourrit leur foi, une musique qui éduque leur sensibilité spirituelle.
Enfin l’expression d’un ras le bol. Le foisonnement de la musique profane surtout étrangère est un fait indéniable. Certaines gens se lassent d’entendre toujours les mêmes sonorités, les mêmes cadences largement dominées par les variétés ivoiriennes et congolaises et veulent rompre avec cette monotonie, ils ont soif d’entendre autre chose, d’où leur préférence pour la musique religieuse.
En somme, le foisonnement de la musique religieuse au Burkina Faso m’inspire un proverbe dagara qui ceci : « Il est difficile à un lièvre poursuivi par plusieurs chiens de se sauver ». Toutes les musiques religieuses poursuivent le même objectif global : crier Jésus-Christ sur les ondes et plus on est nombreux à le faire, plus on a des chances de réussir.

Votre premier album ‘’ Hommage à la jeunesse’’ est disponible sur le marché discographique depuis mars 2007. Il y a eu une série de concerts à travers le pays. A Ouagadougou, la dédicace est intervenue le 18 juillet 2008 au CENESA. Quelle est l’histoire de cette œuvre ?

La production d’un album ne se limite pas seulement à la réalisation d’une cassette. Des efforts doivent être faits pour que l’œuvre produite soit connue du grand public et quelle soit largement et facilement distribuée. C’est ainsi que depuis la sortie de l’album en mars 2007 jusqu’à nos jours un ensemble d’initiatives ont été prises pour lui garantir une distribution fluide et une bonne promotion. Une première stratégie de distribution a été d’abord, disons-le, la valorisation d’un circuit de proximité (parents, amis et connaissances) ensuite j’ai mis à profit le circuit d’Eglise en multipliant les postes de vente dans les paroisses. Les premières œuvres dupliquées (750 K7) ont été exclusivement distribuées dans et par les paroisses du diocèse de Diébougou.
Le deuxième tirage de K7 et de CD a connu une distribution plus large à travers l’ensemble du pays. A l’heure actuelle les œuvres sont entreposées à la Radio Maria et dans certaines paroisses de la ville de Ouagadougou. Beaucoup d’actions ont été également menées pour la promotion de l’œuvre. Quatre concerts dédicace tenus dans le Sud-Ouest du pays. A Diébougou le 18 mai 2007. A Gaoua le 25 mai 2007. A Kampti le 25 mai 2007. A Dissin le 02 juin 2007. Nous avons également pu bénéficier d’émissions radiodiffusées à Diébougou (Radio Unitas) et à Gaoua (RTB, Radio Evangélique). Le titre 1 de l’album « Jeunesse, témoin d’espérance »a fait l’objet d’un clip diffusé sur les chaînes de télévision et sélectionné parmi les ‘’Clips D’or 2008’’ de la RTB Côté concerts, nous avons été à Koudougou le 29 mars 2008, à Kaya le 03 mai 2008, à Yako le 24 mai 2008. Le 11 mai 2008, nous avons fait une prestation en live à la ‘’Nuit de la lumière’’ à la maison du peuple de Ouagadougou.

Dans quelles conditions techniques avez-vous travaillé cette oeuvre ?

L’histoire d’un album commence toujours par la composition des chansons. Je n’ai pas eu de difficulté à ce niveau ; il m’a simplement fallu rassembler des chansons que j’avais déjà composées lors des grands rassemblements paroissiaux, diocésains et nationaux de jeunes.

Puis l’étape du toilettage des chansons, une étape nécessaire avant la prémaquette où l’artiste se fait une première idée de son œuvre. Là, mon talent de guitariste m’a été d’une aide précieuse. Je me suis fait une idée de l’allure de mes chansons après les avoir jouées, enregistrées et réécoutées plusieurs fois. Vint l’étape du studio. Nous avons choisi tout naturellement le studio SAAO. C’est un studio de Radio Maria qui est attentif à promouvoir la musique religieuse. Entrer en studio n’est pas une mince affaire. Il m’a fallu mobiliser du temps, des énergies et des finances et m’armer de patience et d’endurance. La virtuosité de mon technicien de studio, monsieur Isaïe SOULGA, m’a permis d’aller vite et bien. C’est lui qui s’est occupé de la programmation et ensemble nous avons habillé les titres. Pour la pose des voix, compte tenu de mes modestes moyens financiers et du peu de temps dont je disposais, j’ai travaillé avec un chœur très limité de deux chanteurs (Serge Somda et Linda Somda) et moi-même lead vocal tantôt faisant partie du choeur. Les aptitudes musicales certaines de ces deux chanteurs et leur disponibilité m’ont permis d’atteindre de bons résultats quant à la vocalique. Enfin, Monsieur SOULGA s’est attelé à l’arrangement et au mastering de l’album en s’appuyant sur ses compétences et son expérience. L’enregistrement de l’album a duré à peu près six mois, mais non de façon continue. Les séances d’enregistrement ont été entrecoupées par mes obligations pastorales qui de beaucoup étaient les plus importantes.

Lors des 23ème Journées Mondiales de la Jeunesse qui se sont tenues du 15 au 20 juillet 2008 à Sydney en Australie, le Pape Benoît XVI a exhorté les jeunes du monde entier à cultiver l’amour du prochain, le sens de la responsabilité et à œuvrer inlassablement à l’avènement d’un monde meilleur. Quel message souhaiteriez-vous adresser à la jeunesse à travers cet album qui lui est exclusivement dédié ?

Le message véhiculé par mon album n’est pas si différent de l’exhortation adressée aux jeunes par le Saint Père à Sydney : amour du prochain, sens de la responsabilité, instauration d’un monde meilleur. Mon album poursuit un double objectif auprès des jeunes.

D’abord une prise de conscience : je voudrais que les jeunes en écoutant cet album qui leur est exclusivement dédié, prennent conscience qu’ils sont les forces vives de la société et que rien ne peut se faire sans eux. Les jeunes doivent se sentir responsables de l’avenir de la nation et de l’Eglise- famille de Dieu. Cette prise de conscience doit ensuite les engager sur un chemin d’action. Dans ma chanson « Jeune catholique, où sont les œuvres de ta foi ? », j’ai insisté sur la nécessité pour les jeunes d’accompagner leur foi avec des œuvres, des actions concrètes. Mon souhait est qu’ils s’engagent toujours d’avantage dans la construction de notre pays, de notre église- famille et du monde à travers la recherche et le maintien des valeurs humaines fondamentales dont je me suis fait le héraut dans mes chansons : le mariage, la paix, la culture, l’unité, la solidarité, la justice, la fraternité et tout cela dans l’espérance de voir surgir un monde meilleur, un peuple de sauvés.

Avec une mosaïque de styles, votre musique véhicule beaucoup de rêves et d’émotions. Mais aujourd’hui, de nombreuses valeurs sont en déperdition. Pensez-vous réellement que la musique puisse contribuer à réveiller ou à entretenir certaines d’entres elles au niveau de la jeunesse notamment ?

Le caractère émotionnel de mon album et la diversité des styles qu’il renferme est voulu à dessein : il faut rejoindre les jeunes sur leur propre terrain, dans leurs préoccupations, leurs ambitions pour s’offrir des chances de leur communiquer un message qu’ils prendront la peine, disons plutôt qu’ils éprouveront le plaisir d’écouter.
Les valeurs que nous avons ci-dessus énumérées sont des valeurs aussi bien traditionnelles que chrétiennes. La société et l’Eglise ont le devoir de les inculquer aux jeunes. La musique en tant que moyen de communication joue un grand rôle didactique auprès des jeunes : elle contribue à réveiller ou entretenir en eux le goût de cultiver ces valeurs indispensables pour l’équilibre du monde et si certaines de ces valeurs sont en déperdition, la musique en tant que puissant moyen mnémotechnique et parce qu’elle transcende le temps et l’espace peut contribuer à les fixer dans la mémoire et les consciences et à les pérenniser.

L’un des talons d’Achille de la musique burkinabè demeure le manque de promotion. Quelle est votre stratégie sur ce volet ?

Ma stratégie dans le domaine de la promotion ne saurait être différente de celle communément pratiquée par tous les artistes burkinabé. Mais il faut aller au-delà pour inventer d’autres pistes de promotion. Pour ma part et à moyen terme je souhaite m’appuyer sur le partenariat des radio et télévisions pour assurer à l’œuvre une plus grande audition et publicité, être associé aux opportunités nationales qui promeuvent les artistes dans les espaces de show biz, rechercher la collaboration avec certains artistes pour des featuring ou des co -animations de concert, bénéficier des conseils, de l’expertise, du soutien logistique, matériel et financier des structures ad hoc dans le domaine de la musique et du spectacle du Burkina Faso, réaliser progressivement des clips sur les autres titres de l’album.

Vous êtes en train de vous spécialiser dans les arts du spectacle à l’Université de Ouagadougou. Quelles sont justement vos ambitions dans cet univers ô combien spécifique de l’art ?

Des ambitions ? S’il m’était permis d’en avoir, elles s’inscrivent en droite ligne des ambitions de mon Diocèse d’origine et de celles de mon évêque qui m’a envoyé aux études. Dans une de ses lettres de recommandation il écrivait ceci à mon propos : « Au bout de sa formation universitaire, il sera capable de prendre de nouvelles initiatives d’évangélisation par l’animation théâtrale et musicale ». L’ambition-mère de mon évêque que je partage d’ailleurs entièrement est de voir enfin la culture du sud-ouest en général et la musique du Sud-Ouest en particulier émerger.Avis est donc lancé aux organismes ou associations qui œuvrent pour la promotion de nos cultures de bien vouloir soutenir notre Père Evêque dans la réalisation de cette ambition combien noble.

Interview réalisée par Arsène Flavien BATIONO (bationoflavien@yahoo.fr)
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Vos commentaires

  • Le 24 octobre 2008 à 16:41, par Hien Stanislas En réponse à : Abbé Ferdy HIEN : Un prêtre- musicien au grand talent !

    Quand pour la premiere fois, en 2002, j’ai suivi a la television l’Abbe Ferdinand HIEN, j’etais d’abord surpris. Je me suis dit, mais c’est rare de trouver des pretres musiciens ! Ensuite, son style m’a frappe : j’ai constate qu’il etait libre et gaie, et j’ai immediatement compris qu’il allait a la recherche de la jeunesse. Enfin, j’etais simplement fier que c’etait un jeune Dagara...Bref, ca n’a pas trop d’importance !
    Je suis d’accord avec lui qu’en tant que chretien, il nous faut aller vers la jeunesse lui presenter l’evangile avec le langage qu’elle comprend. Je souhaite qu’il y ait de nouvelles vocations a partir de cette demarche originale au BF. Nous ne devons pas laisser la jeunesse couper et decaler pour ensuite se perdre dans le goufre de l’enfer. Allons vers eux avec avec l’Evangile qui sauve pour ce siecle et le siecle a venir.
    Puisse le Seigneur benir l’entreprise de Ferdinant.

    Pasteur Stanislas HIEN
    stanislas_hien@sil.org

    *Stanislas Hien est aussi secretaire general de la Sous-commission Nationale du Dagara. Il souhaite a cet titre rencontrer l’Abbe Ferdy Hien pour plus de partage !

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