LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Ce sont nos choix qui montrent qui nous sommes, bien plus que nos capacités.” Joanne K.Rowling

SNC 2024 : Daouda, le slameur silencieux qui veut marquer les esprits

LEFASO.NET

Publié le mardi 23 avril 2024 à 21h20min

PARTAGER :                          
SNC 2024 : Daouda, le slameur silencieux qui veut marquer les esprits

Arrivé en troisième position dans la catégorie « Slam » à la dernière édition, Daouda Lallogo, alias Daouda le slameur silencieux est de nouveau en lice à cette 21e édition de la Semaine nationale de la Culture, prévu du 27 avril au 4 mai 2024. Étudiant en deuxième année de droit privé à l’université Thomas Sankara, le jeune slameur, originaire du Namentenga, entrera en scène, le 2 mai à la Maison de la culture Anselme Titiama Sanon. Il compte dompter les mots et l’immense salle avec son titre « Effort de paix » et un autre titre qu’il compte tenir au chaud.

C’est sous un soleil de plomb que nous rencontrons Daouda, le slameur silencieux, dans l’enceinte de l’université Thomas Sankara, à une trentaine de kilomètres de Ouagadougou. Le mercredi 17 avril, à dix jours de la Semaine nationale de la Culture, le jeune slameur est zen, décontracté avec la tête pleine de projets.

« Je vais à la SNC sans crainte. Je connais la scène et je sais comment ça se passe », nous lance-t-il avant de confier n’avoir pas voulu participer cette année à cette grand-messe de la culture burkinabè.

« Je me suis dit que je devais pousser les plus jeunes. J’ai donc inscrit un jeune artiste que j’encadrais pour le compte de la région du Centre-est, mais il a été disqualifié lors des sélections parce qu’il avait beaucoup mordu sur le temps. Ma région d’origine, c’est le Centre-nord. Comme il n’y avait pas de slameur dans le Namentenga, j’ai été contacté par le directeur provincial de la culture qui m’a encouragé à participer. Je suis allé avec mon instrumentiste, mais celui-ci a eu un décès et a dû s’absenter. J’ai donc fait mon slam sans instrument alors que généralement j’aime utiliser le kundé, la kora ou la flûte sur scène. J’ai été retenu pour la finale face à cinq ou six autres candidats », rappelle le jeune slameur qui promet à ses fans mouiller le maillot pour remporter le premier prix dans sa catégorie, le slam.

Daouda Lallogo et son défunt frère Guebrila Lallogo

La destinée

Originaire de Belga, dans la commune de Boulsa, province du Namentenga, Daouda Lallogo est un passionné de lecture. Son goût pour la lecture le conduit à pratiquer l’art de la représentation à l’école primaire et à l’église. Son frère, Guebrila Lallogo, professeur de français, passionné des planches et fondateur de l’atelier Plume des enfants, va jouer un rôle de catalyseur dans sa jeune carrière. Et c’est toujours avec la gorge nouée qu’il parle de ce dernier, arraché à son affection, le 2 décembre 2023 .

Daouda Lallogo vient de loin. À force de courage, il a su se forger un mental à toute épreuve, qui lui permet d’exceller dans son art et dans les études. « Ce n’est pas simple d’allier les cours avec le slam mais il faut avoir de la volonté, être organisé et rigoureux. », note le jeune slameur, fier d’avoir toujours fait partie de la crème depuis le secondaire.

« Ma famille ne pouvait que m’accompagner au regard des bonnes moyennes que j’avais en classe de Terminale. Elle voyait en moi quelqu’un de responsable », raconte Daouda Lallogo qui a été bercé dans son enfance et son adolescence par des artistes de renom. Ombr Blanch qu’il considère comme le précurseur du slam au Burkina Faso, Malika la Slameuse, Nathanaël Miningou, le Prim’s parolier Youssoupha et le mâle alpha du rap burkinabè, Smarty.

Le jeune slameur ne veut pas faire de la figuration à cette 21e édition de la SNC

À l’instar du dernier, le jeune slameur dit s’inspirer de tout ce qu’il se passe autour de lui. Son engagement dans le domaine communautaire et humanitaire auprès d’organisations non gouvernementales se ressent dans ses écrits. C’est donc naturellement que des thèmes comme la bonne gouvernance, la violence faite aux femmes, l’égalité, l’éducation, le leadership des jeunes, émaillent ses textes slamés en langue mooré et dans la langue de Molière.

Les débuts avec les Slameloq

Élève, Daouda Lallogo faisait partie du groupe “Les Slameloq”, créé en 2017 et qui a sorti en 2020, un album intitulé “La table ronde”. À l’époque, les thématiques abordées intéressent Plan Burkina qui offre une opportunité de résidence artistique d’une semaine au groupe, avec Malika la Slameuse comme coach.

Malheureusement, le groupe ne fait pas long feu. « Nous étions des élèves à l’époque au moment de la pandémie à coronavirus. J’étais le seul garçon au sein du groupe. Et comme le groupe était beaucoup sollicité pour les prestations, certains parents ont tout de suite pensé que le slam et le show-bizz allaient détourner leurs enfants du droit chemin. Ils ont donc interdit à leurs filles de fréquenter le groupe. C’est ainsi que nous avons décidé d’évoluer en solo, Inès la slamignol et moi. », se souvient Daouda Lallogo.

Auteur de plusieurs titres en featuring avec les Slameloqs ou en solo comme « Le coronavirus », « Bipeelga ni Sida », « Cris de détresse », « L’avenir est jeune », « La main qui sépare », Daouda, le slameur silencieux est aujourd’hui fier de l’évolution du slam au Burkina Faso qu’il estime être dans une autre dimension en Afrique. « De plus en plus, les organisateurs d’événements invitent les slameurs. C’est une musique qui conscientise. Le slam fait réfléchir et le slameur adapte sa composition à votre événement », soutient-il.

Daouda Lallogo posant que les premières autorités de la région du Centre-Nord à l’issue de la montée des couleurs

« Je ne prends pas d’excitant pour dompter la peur »

D’ailleurs, Daouda le slameur silencieux à la chair de poule lorsqu’il se souvient de l’une de ses prestations les plus mémorables : la cérémonie officielle de lancement de la journée de l’arbre en août 2022 à Kaya. Il est désigné pour prester devant le chef de l’Etat d’alors le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, et les membres du gouvernement. « J’étais le seul artiste retenu pour l’événement et j’avais droit à deux passages. Les organisateurs avaient peur que je ne sois pas à la hauteur devant tant de militaires. Ma petite taille ne les rassurait pas. On m’a même demandé si je ne prenais pas d’excitant pour dompter la peur. J’ai répondu que je ne prenais rien. J’ai fait ma prestation et tout s’est bien passé », se souvient-il.

Sésame ouvre-toi !

Depuis la dernière édition de la SNC où il a remporté le troisième prix, Daouda le slameur silencieux note avoir fait quelques scènes. « Ce troisième prix a apporté plus de valeur à mon art. Je suis invité à certaines activités de ma région. Sur recommandation du ministre de l’enseignement supérieur qui m’a vu en prestation à la SNC, j’ai été sollicité pour slamer à un colloque international qui a regroupé des enseignants de l’Afrique de l’Ouest. Le gouverneur de la région m’a invité, le mardi 6 février dernier, pour la traditionnelle montée des couleurs. En novembre 2023, la directrice régionale de la culture m’a appelé pour me dire que le ministre de la culture a demandé de mettre en valeur les lauréats de la SNC à la Semaine scolaire d’éducation à la citoyenneté (SeSECi). On m’a donc invité pour une prestation », souligne Daouda, le slameur silencieux.

Cri de cœur

En dépit de toutes ces prestations, le jeune artiste pense que le ministère ou la SNC devrait soutenir davantage les lauréats de l’événement. « Après la cérémonie de clôture, on retient le premier de chaque catégorie pour une prestation lors de la Nuit des lauréats. Il faut penser aux autres lauréats pour l’animation des plateaux OFF afin de permettre au public d’apprécier leur valeur. À la limite, ceux qui n’ont pas été classés mais qui ont eu les prix spéciaux sont mieux que nous (les lauréats des prix officiels, NDLR). Les structures qui leur ont décerné les prix spéciaux ont promis de les accompagner jusqu’à la production et ils sont d’office des ambassadeurs de ces structures », avance le jeune slameur.

Daouda le slameur silencieux souhaite que le ministère de la Culture et la SNC accompagnent davantage les lauréats de la SNC.

Des projets plein la tête

Après cette 21e édition de la Semaine nationale de la Culture, Daouda Lallogo, compte poursuivre ou mûrir certains projets. Il prépare un album solo baptisé “Le silence des révoltés”. « J’ai déjà travaillé sur les compositions. J’attends juste le moment. Comme vous le savez, chez nous, le slam suit le cours du temps. Lorsque tu écris un texte sur une situation donnée et que la situation change au bout d’un mois, il faut suivre également l’évolution des choses. C’est encore plus intéressant quand les gens vivent une chose qui est d’actualité. »

Daouda Lallogo entend également perpétuer la mémoire de son frère aîné qui lui a mis le pied à l’étrier, en partageant son expérience avec les plus jeunes dans la province du Kourittenga et en instituant le Prix “Guebrila Lallogo 3 Ailes” pour les acteurs et associations évoluant dans la promotion de la culture. « J’ai un projet dénommé “Haya n’zenkd sugri’’ (L’union fait la force). Je l’ai expérimenté le 12 août 2023 et il a été retenu comme meilleur projet dans la région du Centre-est. Je suis en train de voir s’il ne faut pas l’étendre à Koupéla ou à Boulsa. Il y a également le projet “Au clair de lune” que je nourris pour la promotion du conte », projette Daouda Lallogo.

« Sans la paix, il n’y a rien »

En attendant de mettre le cap sur la ville de Sya, le jeune slameur lance un appel à l’union, la solidarité et la cohésion des Burkinabè d’ici et de la diaspora. « Nous n’avons qu’un seul pays et c’est le Burkina Faso. Et nous devons nous attraper, comme l’a dit un président, pour aller ensemble. Nous devons nous battre et être prêts à mourir pour ce pays. Nos devanciers se sont donné trop de peine pour nous. Nos Forces de défense et de sécurité et les Volontaires pour la défense de la patrie se battent pour nous. Nous devons chaque fois, avant d’agir, penser à ces personnes. Œuvrons tous pour la paix parce que c’est ce qu’il y a de mieux. Sans la paix, il n’y a rien », a-t-il conclu.

Fredo Bassolé
Lefaso.net

PARTAGER :                              

Vos réactions (2)

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique