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Burkina/Entrepreneuriat : Anatole Zabre, l’étudiant en droit devenu aviculteur et agriculteur

Publié le mardi 17 septembre 2024 à 22h27min

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Burkina/Entrepreneuriat : Anatole Zabre, l’étudiant en droit devenu aviculteur et agriculteur

Juriste de formation, aviculteur et agriculteur dans la vie, Anatole Zabre est l’incarnation de la détermination et de la persévérance. En plus d’être un bosseur, il n’hésite pas à tendre la main à des personnes déplacées internes. Portait d’un jeune entrepreneur promis à un bel avenir.

Du haut de son mètre 85, Anatole Zabre est âgé de 31 ans. De teint ébène, les traits fins, c’est « un garçon choco » (terme utilisé dans le jargon des jeunes pour désigner un bel homme). Mais ce n’est pas son allure de mannequin qui tape à œil. Il s’applique corps et âme à la tâche. Enfant, il rêvait d’embrasser une carrière d’avocat. Une fois le baccalauréat en poche, il va s’inscrire en faculté de droit. Il y restera jusqu’au master 1. En troisième année de licence, il a une idée brillante : faire de l’élevage. Il se lance alors dans l’élevage amateur de poulets et de lapins de 2017 à 2018, tout en suivant les cours. Anatole Zabre se rend compte du potentiel de cette activité. Plus tard, une opportunité inattendue va frapper à sa porte. Il est sélectionné pour jouer dans le film « Le bonnet de modibo » du réalisateur Boubacar Diallo.

Anatole Zabre sur le site de son poulailler.

C’est sa première expérience cinématographique. Ce rôle va lui permettre « de se faire un peu de sous ». Plutôt que de dilapider son argent, il décide de l’investir dans l’élevage de poulet de chair. C’était en 2019. Il passe rapidement d’une production de 200, 300, 400 à 500 têtes. Anatole Zabre décide alors de sursoir à ses études et se consacre entièrement à l’élevage. La demande est forte. Il peine à satisfaire sa clientèle. Il multiplie alors l’achat de poussins.

Une vue de la ferme.

Malheureusement, l’espace dédié à l’élevage ne peut que contenir 2 000 têtes. Il lui faut donc un terrain plus large pour mieux rentabiliser. Grâce aux conseils de ses proches et de sa mère en particulier, il va songer à acquérir un terrain plus vaste dans une zone périphérique de Ouagadougou. Il tombe sous le charme de Pabré (région du Centre). Là-bas, il se procure un terrain d’un hectare et demi. En attendant un investissement conséquent pour transférer son site, il ajoute une autre corde à son arc en devenant aussi exploitant agricole.
Mais le jeune homme est confronté à un obstacle. Des ruminants viennent se servir et piétinent ses cultures. Il est donc obligé de mettre une clôture pour préserver sa récolte. Aussi, il fait construire un forage. Cet investissement le retarde. Il doit reporter le transfert du poulailler. Une fois son espace clôturé, sur une surface d’un hectare, Anatole Zabre va produire plusieurs types de cultures telles que l’arachide, le haricot, des épinards, de l’amarante, etc. Il a, en plus de cela, réalisé un verger avec une cinquantaine de manguiers. Il a également en projet de planter des citronniers.

Anatole Zabre, au téléphone avec un client qui souhaite être livré en poulets.

Un chemin parsemé d’embuches

Qui dit entreprenariat dit difficultés. Dans le domaine de l’aviculture, la bête noire est la grippe aviaire. « En 2021, c’était la période de la grippe aviaire. On a pris toute les dispositions nécessaires, mais il y a eu une infection. La maladie est venue à un moment où on avait des poulets qui étaient en phase de finition. On a perdu 2 000 sujets. C’était une perte importante qui a porté un coup dur à notre activité. Cette perte nous a mis en retard sur plusieurs mois. Nous étions en défaut de payement avec certains de nos partenaires (fournisseurs) et clients. Par la grâce de Dieu et avec l’appui de la famille, on a réussi à sortir la tête de l’eau », a relaté le brave Anatole Zabre.

Anatole Zabre donnant des instructions à son assistant.

Heureusement, sa résilience lui a permis de remonter la pente. Durant les trois trimestres de l’année 2024, il a retrouvé sa production d’antan. L’entrepreneur a confié qu’il a utilisé cette mauvaise expérience pour améliorer son activité. Autre difficulté dans l’aviculture, c’est la disponibilité des poussins et des intrants, à cause de la crise sécuritaire et de la forte demande au niveau national. Par chance, souligne-t-il, ses fournisseurs font des efforts pour le livrer dans la mesure du possible.

Une âme généreuse en quête perpétuelle du savoir

Le philosophe Socrate disait ceci : « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien ». Anatole Zabre est un autodidacte dans l’élevage et l’agriculture. Il ne cesse de se former, se remet constamment en cause et s’illustre par son humilité.

Des PDI travaillent sur le site à temps partiel pour subvenir à leurs besoins.

« Au début, les formations n’étaient pas aussi diversifiées et vulgarisées. Aujourd’hui, il est facile d’avoir des informations sur le net. Mais il faut savoir trier les informations. Je m’intéresse beaucoup à la documentation et aux recherches. Je vais souvent à la bibliothèque de l’Institut de l’environnement et de recherche agricoles (INERA) et sur les pages YouTube qui donnent des astuces. Je me suis également procuré des livrets. J’ai eu la chance de participer à plusieurs formations », a-t-il fait savoir.

Celui qui refuse qu’on l’appelle « patron » compte cinq employés permanents (trois femmes et deux hommes) dans sa ferme et son poulailler. Originaire de Barsalogho (région du Centre-Nord), il porte assistance, à sa petite échelle, à des Personnes déplacées internes (PDI).

Anatole Zabre s’est dit peiné de ne pas pouvoir faire plus pour les PDI.

Des PDI qui ont trouvé refuge à Pabré travaillent à temps partiel dans sa ferme. Anatole Zabre a même autorisé un couple de PDI qui a deux enfants à s’installer dans ce qui était auparavant son dortoir. En plus d’avoir un toit gratuit, le couple est rémunéré parce qu’il effectue des tâches dans la ferme. Souvent, d’autres PDI viennent prêter main forte pour labourer la terre ou enlever les mauvaises herbes, en échange d’argent.
« On a fui Arbinda (région du Sahel) à cause des terroristes. Pour avoir de quoi se mettre sous la dent, on vient travailler dans la ferme. Grâce à lui, on a quelque chose en poche de temps en temps », a confié une personne déplacée à qui il fait appel périodiquement.

Daouda Kinda est l’assistant de Anatole Zabre.

Daouda Kinda travaille avec Anatole Zabre depuis plus de deux ans. Il a confié que, dans l’ensemble, « c’est une personne facile à vivre ». Seulement, il est très rigoureux. Daouda Kinda dit comprendre cette posture. Car, a-t-il souligné, il faut de la rigueur pour que l’activité se développe.

Anatole Zabre collabore la plupart du temps avec des personnes plus âgées que lui. Il affirme qu’en général, elles le respectent. Pour lui, le respect doit être mutuel. Il faut respecter ses collaborateurs, travailler dans un environnement sain et préserver les relations humaines. Toutefois, il faut faire preuve de rigueur lorsqu’il s’agit du travail. Comme tout entrepreneur, il a été confronté à la mauvaise foi de certains employés.

« Lorsque tu viens chez nous, on paye des formations afin que tu puisses renforcer tes capacités. On a par exemple des collaborateurs qui nous ont lâchés du jour au lendemain après les formations. Il y a aussi ceux qui n’exécutent pas les tâches après les formations. Ce qui représente une perte considérable pour nous. On a des collaborateurs qui démissionnent pour aller mettre en place leurs propres sites. Il y a ceux qui subtilisent les poulets pendant l’abattage. Au niveau des cultures, l’année passée par exemple, on avait un employé qui venait se servir », a-t-il narré.

Anatole Zabre est en phase d’essai pour pratiquer la pisciculture.

Pour contrecarrer toute menace, il effectue des contrôles de manière régulière dans la ferme et le poulailler. Ce qui n’est pas sans conséquence. Entre les va-et-vient avec son pick-up ou sa moto, il dépense beaucoup en carburant. Mais ce sacrifice lui permet de mieux lutter contre les vols. Même s’il admet que les malhonnêtes trouveront toujours d’autres méthodes pour s’adapter.

Réinvestir pour atteindre ses objectifs

Anatole Zabre a confié que depuis le début de cette aventure (l’agriculture), il ne se fait pas de bénéfices conséquents. La raison, il réinvestit tous ses bénéfices dans l’achat de matériels, la main-d’œuvre, la construction d’infrastructures, etc. Il a opté pour ce choix parce qu’il espère ainsi développer son business à long terme. Ambitieux, Anatole Zabre s’est fixé un objectif : figurer parmi les 1 000 plus gros producteurs de poulets dans la sous-région ouest-africaine. Il a conscience que la réalisation de ce rêve sera parsemée d’embuches. Surtout qu’il ne bénéficie pas pour l’instant d’un accompagnement financier et technique de l’État et des projets. Ce qui ne l’empêche pas d’être optimiste.

Anatole Zabre s’implique dans les travaux de la ferme.

Aux jeunes qui souhaitent se lancer dans l’entreprenariat, il faut d’abord, selon lui, être passionné par le domaine qu’ils vont choisir.
« Aujourd’hui, les gens font l’entreprenariat parce que c’est à la mode. Il faut faire l’entreprenariat parce que c’est ce qu’on veut faire. Il y a des gens qui sont dans l’entreprenariat parce qu’ils ont un diplôme dans un domaine ou parce qu’ils ont vu qu’une personne a réussi dans l’entreprenariat. Le départ est déjà mauvais sans la conviction. Si vous ne développez pas votre capacité à supporter les coups durs, vous allez échouer », a-t-il dit.

Lire aussi : Grippe aviaire au Burkina : « Si l’on n’arrive pas à contrôler cette maladie, c’est un véritable drame qui s’apprête à frapper les éleveurs », Anatole Zabre

Ensuite, il faut accepter de commencer petit. Puis, il faut être discipliné dans la gestion financière de l’entreprise. « L’argent de votre entreprise n’est pas votre argent. Surtout lorsqu’il s’agit d’une petite entreprise », a insisté Anatole Zabre.

Aussi, il faut avoir le bon réflexe d’actualiser ses connaissances à travers la documentation et les formations. Enfin, il faut faire abstraction des propos de certains proches qui peuvent vous conduire au découragement. Il faut s’entourer de personnes qui vous tirent vers le haut à travers des conseils.

Samirah Bationo
Anita Zongo (stagiaire)
Lefaso.net

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