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Mathias Kaboré, l’unique Burkinabè des Seychelles : « J’ai refusé de renoncer à la nationalité burkinabé pour celle des Seychelles »

Publié le mercredi 18 juin 2008 à 12h07min

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Mathias Kaboré n’a plus rien d’un Moaga. Ni l’accent, ni le teint. L’unique Burkinabé vivant aux Seychelles est bien intégré dans ce petit pays de 85 000 habitants. Chauffeur de bus de transport urbain dans la seconde ville, Pranlin à 15 mn de vol de la capitale Victoria, il est resté Burkinabè dans le cœur. A preuve, il a mis son week-end au profit des Etalons. Son histoire.

Est-ce vrai que vous êtes l’unique Burkinabé vivant aux Seychelles ?

Oui. Je suis là avec ma famille. Nous sommes au nombre de quatre. Entre temps, j’avais eu vent de la présence d’une fillette de mère Libanaise et de père burkinabé. Elle a intégré un orphelinat ouvert par le président des Seychelles. J’ai tenté de la voir. Mais il se trouvait que sa mère est revenue la chercher. Donc ma famille reste l’unique représentation du Burkina Faso aux Seychelles.
Qu’est-ce qui vous a amené aux Seychelles si loin de votre pays natal ?

Depuis 1989 je vis ici. En réalité j’ ai quitté le Burkina Faso en 1978. Je suis allé à Beyrouth. De là, j’ai rallié la France.

C’est là-bas que j’ai rencontré la femme avec qui je me suis marié en 1980. Nous sommes partis vivre un bout de temps en Espagne. En 1986, je suis rentré au pays. Pendant mes années d’aventure, j’ai acquis un terrain que j’ai mis en valeur. En rentrant j’étais loin de me douter que ma maison est devenue la permanence du secteur n° 22. Je me suis entendu dire qu’on m’avait donné en lieu et place un autre terrain vide en face. J’ai été obligé d’utiliser mes économies pour construire de nouveau. Les parents de ma femme m’ont aider à m’installer aux Seychelles.

Votre épouse est donc Seychelloise ?

Oui. Je suis parti vivre dans le pays de ma femme. La vie s’est révélée meilleure ici pour moi.

Que faites vous comme activités ?

Je suis conducteur de bus dans le réseau urbain de transport public.

La vie est très chère dans votre pays d’accueil...

La vie est chère partout. J’ai l’habitude de dire aux Seychellois que pour un pain vendu à 10 sous, si vous ne les avez pas, cela voudrait dire que la vie coûte chère. La vie est chère ici mais les revenus sont assez consistants. Personnellement, mon salaire me permet de vivre décemment. Peut-être parce que mes deux filles ne sont plus sous ma charge. Mariées, elles travaillent.

Avez-vous acquis la nationalité seychelloise ?

Quand je suis arrivé, j’ai fait 5 ans de chômage. On ne voulait pas me donner du travail, vu que je n’étais pas Seychellois. Un ami m’a conduit chez le président de la République pour que je puisse exposer mon cas. Le président m’a posé la condition de la naturalisation avant l’obtention du travail. Mais le drame était que cette naturalisation me faisait perdre ma nationalité burkinabé. J’ai refusé. Après, un référendum a été tenu. La nouvelle constitution autorisait le cumul de deux nationalités. J’ai bondi sur l’occasion pour obtenir une double nationalité. En prime, j’ai été attributaire d’une parcelle.

Est-il facile pour l’étranger que vous étiez de voir le président de la République ?

Très facile. Dans chaque quartier, il existe un bureau au siège du parti au pouvoir. On enregistre les demandes d’audiences avec le chef de l’Etat. Selon un programme précis, il passe hebdomadairement dans chaque quartier pour rencontrer les gens qui le désirent et qui sont programmés. Mais pour mon cas, je l ’ai rencontré dans son domaine.

Comment la population se comporte-t-elle envers vous ?

Il y a des gens qui posent des actes méprisables très isolés. Mais la population en général est très amicale. Elle adore les étrangers.

Le Moaga que vous êtes se retrouve-t-il dans la cuisine de son épouse seychelloise ?

Ça fait 20 ans que nous vivons ensemble. Je suis habitué.

Vous comptez rentrer un jour au pays ?

Pour être franc, quand je quittais le Burkina Faso, j’avais juré ne plus y remettre pieds. Mon grand frère m’a même insulté à ce propos, me traitant de fou. Et je suis parti. J’ai coupé tous les ponts. Pendant 7 ans, je n’ai donné de mes nouvelles à personne. Ma famille ne savait pas où j’étais. Des gens ont commencé à dire que j’étais mort. En 1996, j’ai débarqué au Burkina. Puis une année après, je suis rentré encore. Depuis lors, j’ai changé d’avis. Je songe rentrer définitivement un jour. Mais il va falloir que je prenne d’abord ma retraite.

Quel sentiment face à la victoire des Etalons dans votre pays d’accueil ?

Le vendredi, la veille du match, mes collègues me disaient que le lundi suivant le match, j’arriverai au service la tête bien basse. Ils juraient de nous battre. Je leur ai dis qu’ils n’en n’étaient pas capables. Mais j’avoue que quand les Seychelles ont marqué le deuxième but avant nous, je voyais déjà le sort que mes collègues me réserveraient. Mais ouf, tout s’est bien passé. Merci aux Etalons.

Interview réalisée aux Seychelles par
Jérémie NION
envoyé spécial

Sidwaya

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