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Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Dominique Tapsoba, un Burkinabè dans la neige canadienne

Publié le lundi 19 février 2007 à 09h15min

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Dominique Tapsoba

Il a le rire franc de l’homme heureux d’avoir réussi ses rêves et ses ambitions. Mais, que l’on ne s’y trompe pas, il aura fallu à Dominique Tapsoba, du travail, de la persévérance et du courage pour être l’éminent chercheur et le consultant adulé qu’il est aujourd’hui. Comme toutes les success stories, son histoire commence forcément un jour, par une opportunité. Arrêt sur un bon vivant à qui le succès et la réussite ne montent pas à la tête...

Il était une fois, un jour de 1997, un Sahélien qui débarque dans la savane enneigée québécoise. Et, alors qu’il était impatiemment attendu à l’Institut national de recherche scientifique en eau (Inrs-Eau), il fut accueilli par une... tempête de neige. « Tiens, tout le monde doit être terré, bien au chaud, chez lui », se dit-il, en s’enfermant dans sa chambre. Oh que non ! Ce jour-là, justement, tout « son » monde l’attendait de pied ferme. On scruta en vain l’horizon de manteau blanc, se demandant sans doute si ce Noir ne s’est pas perdu quelque part dans la neige, avant de se décider à s’enquérir de ses nouvelles.

Et voilà Dominique Tapsoba obligé d’affronter la neige, de mettre le pied à l’étrier aussitôt venu, pour répondre présent, sous les hourras de ses collègues. Quoi, n’était-il pas venu jusque-là pour défier la neige et entreprendre des études post-doctorales en hydrologie statistique ?
Ainsi commença le riche et exaltant parcours canadien de Dominique Tapsoba, ce fils du sahel qui rêvait, déjà tout petit, de « travailler dans le secteur de l’eau ».

Sa passion pour l’eau remonte à cette époque de sa tendre enfance où les femmes devaient parcourir des kilomètres pour la chercher. Et puis, comme un signe du destin, le petit Dominique est né au petit matin - il était 3 heures pétantes ! - du 1er août 1965, alors qu’une pluie battante, torrentielle, tombait sur Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. « Quand il pleut, je suis content. J’aime la pluie. C’est la vie, c’est la santé, c’est frais ! », affirme ce natif du Lion, fils aîné de Charles Taspoba, retraité de l’Imprimerie nationale, et de Marie Belem, ménagère.

Si ses parents, qui résident à Dagnoën, un quartier de la périphérie ouagalaise, sont fiers de ce qu’est devenu leur enfant, ce dernier ne fait pas mystère de son profond respect à leur égard. Dominique Tapsoba aime particulièrement à évoquer son sage grand-père, Tiga Rasmané Tapsoba, régent de Dagnoën, dont il était très proche. Il m’a inculqué, avoue-t-il, « la rigueur dans le travail, la persévérance et l’honnêteté ». Du fond de sa tombe, le vieux Tapsoba doit être fier d’avoir appris à son petit-fils à « se fixer un objectif dans la vie et à l’atteindre ».

Il en veut toujours plus...

Son objectif tracé, Dominique Tapsoba s’est donné les moyens de l’atteindre, dans la rigueur, la persévérance et l’honnêteté dans lesquelles il a été moulé par son grand-père. Après l’obtention de son baccalauréat, série D, au lycée Philippe Zinda Kaboré en 1986, il entame des études universitaires en sciences de la nature et en géologie qui le conduiront à l’Université de Toulouse III, en France, où il obtient, en 1991, une maîtrise en géologie fondamentale et appliquée. Il entreprend alors de conquérir le Diplôme d’études approfondies (DEA) en hydrologie/science de l’eau et de l’aménagement à l’Université de Paris XI-Orsay.

Son DEA en poche en 1993, Dominique Tapsoba poursuit ses études grâce à une bourse Orstom (Organisation de la recherche scientifique et technologique d’Outre-mer) et décroche, en 1997, un doctorat en hydrologie statistique, toujours à l’Université de paris XI-Orsay avec la mention « Très honorable ». Là-dessus, Docteur Tapsoba tient à rendre un hommage appuyé à Luc le Barbé et à Éric Elguero, ses co-directeurs de thèse, des Français « qui aiment beaucoup le Burkina », et dont l’amitié lui a été très précieuse.

Mais le « Dominique-qui-aime-l’eau-et-la-pluie » ne comptait pas s’arrêter en si bon chemin. Il en voulait encore plus. Et le destin s’est chargé de combler cette ambition. En effet, alors qu’il était prêt à rentrer chez lui, au Faso, il décroche une bourse d’excellence de la Francophonie pour entreprendre un post-doctorat.

Il se retrouve à la Chaire industrielle en hydrologie statistique à l’Institut national de recherche scientifique en eau (Inrs-Eau)/Université du Québec à Québec. C’est ainsi qu’il débarque au Canada le 1er avril 1997. Le chauffeur de l’autobus 13 se souviendra encore longtemps de ce Noir sympathique qu’il prenait toujours plaisir à attendre à l’arrêt 1927, en face du Manoir du Spagheti sur le Chemin Saint Louis à Sainte-Foy.

Homme simple et exceptionnel

Aujourd’hui, c’est loin tout ça ! Dominique Tapsoba, désormais citoyen canadien, mais profondément fier de sa nationalité burkinabè, s’est établi dans ce pays de froid et de neige où il est, au-delà de la qualité de ses compétences professionnelles, une curiosité. Une curiosité venue du Sahel burkinabè, qui travaille au quotidien à Hydro-Québec qui l’a recruté depuis 2002, à quantifier la neige tombée et à en déduire le volume d’eau disponible pour alimenter les turbines hydroélectriques.

Hydro-Québec, il faut le souligner, est le plus grand producteur d’hydroélectricité au Québec et l’un des plus grands en Amérique du Nord. Cette grosse entreprise, qui emploie 19 000 salariés permanents - dont seulement une poignée de Noirs dans la recherche - dispose de 53 centrales hydroélectriques, 25 réservoirs d’eau... En somme, dit avec justesse Dominique Tapsoba, « l’eau est pour hydro-Québec, ce que le sang est pour l’organisme ».

Chercheur, consultant, expert, chargé de cours à l’Université du Québec à Montréal... Dominique Tapsoba poursuit sa destinée. Sa compagne, Christine Longchamps, qui vit et travaille à 250 kilomètres de lui, s’entend très bien avec son fiancé. C’est vrai que toujours de bonne humeur, bon vivant, amoureux de bons westerns et de films qui relatent des faits vécus, Dominique Tapsoba a tout pour séduire.

Son sens de l’humour, et sa passion pour la cuisine où, de l’aveu de Christine, sa compagne, il est « formidable », en font un homme à la fois simple et exceptionnel, qui met un point d’honneur à entretenir l’amitié et à s’offrir un bon gueuleton. « J’adore cuisiner et j’aime bien manger le riz avec la sauce d’arachide. Mais je ne déteste pas un bon plat de tô à la sauce gombo », avoue-t-il dans un grand rire.

Par Serge Mathias Tomondji

Fasozine

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Vos commentaires

  • Le 19 février 2007 à 13:22 En réponse à : > Dominique Tapsoba, un Burkinabè dans la neige canadienne

    j suis conten pour M. Tapsoba, mais son cas me laisse un peu perplexe:d’un côté, sil a été passionné par l’eau, jimagine qu’il revait de pouvoir la dompter au burkina. D’un autre côté, aurait-il eu tous les moyens, le soutien et la marge de manoeuvre pour le faire chez lui ?
    En tout cas l’intérréssé pourrait donner son avis. Mais bon vent à lui. Cest toujours un plaisir de voir un compatriote qui reussit à l’étranger

    • Le 19 février 2007 à 20:46, par Bambio En réponse à : > Dominique Tapsoba, un Burkinabè dans la neige canadienne

      beh ouai, le lecteur a raison,en effet ! Ce serait bien si Dominique Tapsoba arrivait à "civiliser" cette eau chez nous ici. Nous en avons vraiment besoin,nous,ici.
      Mais, je reste fier de ce burkinabè frère et lui souhaite bon vent.

      • Le 23 février 2007 à 04:45, par Mickey En réponse à : > Dominique Tapsoba, un Burkinabè dans la neige canadienne

        Je suis un autre Burkinabè à l’étranger. Je ne connais pas Monsieur Tapsoba Dominique, mais je voudrais, en réponse aux interrogations de mes prédécesseurs, dire qu’ils sont nombreux les Burkinabè qui font la fierté d’autres pays aujourd’hui et pourtant ils auraient pu être très utiles au Faso où il manque énormément de cadres. Plusieurs raisons expliquent cette situation. Tout en reconnaissant le mérite de certains professeurs honnêtes, méritants et très ouverts, je m’en vais dénoncer l’irresponsabilité de certains aînés qui bloquent l’insertion des jeunes chercheurs ou autres experts : certains jeunes chercheurs ont soutenu de brillantes thèses de doctorat et ont voulu servir le pays mais malheureusement, on ne leur a pas laissé la place et ils ont été obligés d’aller vendre leurs talents ailleurs. Les recrutements à l’université (pour ce qui est de l’U.O que je connais) n’ont pas toujours suivi les règles de l’art : certains dossiers malgré leur qualité sont tout simplement refusés, soit parce que la tête du candidat ne plaît pas à tel professeur chargé d’examiner le dossier, soit parce que ledit professeur est soucieux de conserver ses heures supplémentaires qu’il pourrait perdre suite à l’engagement d’un nouveau professeur... A cela s’ajoute quelques fois l’imposition des dossiers des candidats qui ont des "bras longs" ou qui sont politiquement appuyés au détriment des dossiers les plus méritants. A défaut d’être totalement rejetés, certains jeunes docteurs traînent pendant longtemps comme si on voulait les mettre à l’épreuve et les faire "respirer la poussière de Ouaga" pendant plusieurs années avant de les recruter. A cela s’ajoute la lenteur administrative pour les recrutements à la Fonction publique. Je crois que la classe vieillissante de fonctionnaires (qui contaminent malheureusement les jeunes qui y entrent) qu’il y a actuellement à la Fonction publique ne réussira jamais à moderniser leur service quels que soient les milliards qu’on y mettra.

        Certains intellectuels voyant l’accueil qui a été réservé à leurs collègues au pays ont tout simplement renoncé à rester au pays ou à y rentrer. Découragés, certains n’ont même jamais essayer de déposer de dossier pour travailler au pays. Ils ont alors décidé de vendre leurs compétences sur le marché international du travail où on accorde beaucoup d’importance aux diplômés hautement qualifiés et où les salaires sont beaucoup plus élevés.

        Je suis certain que beaucoup de cadres burkinabè qui se trouvent dans des pays étrangers ou dans des organisations internationales se retrouveront dans ce que je dis. Ce que nous faisons ailleurs, nous aurions pourtant aimé avoir l’opportunité de le faire pour le développement de notre pays.

        • Le 24 février 2007 à 01:07, par Un Burkinabe de la Diaspora En réponse à : > Dominique Tapsoba, un Burkinabè dans la neige canadienne

          Felicitations et bon courage à Dominique Tapsoba. Je suis tpojours fier de voir la réussite d’un des notres en occident. Cependant j’encourage nos frères à penser à notre cher Burkina qui a besoin de tout notre appui pour enfin sortir du peloton de queue.

          Il faut egalement que nous soyons solidaires et que nous communicons l’information juste et encadrons (mentoring) nos jeunes frères afin qu’ils puissent saisir les multiples opportunités qui sont disponibles si on connait les rouages et si on a un network.

          Nous devons également créer un network de Burkinabè de la diaspora afin de nous entraider car nous tendons à nous isoler et nous nous mefions de nos frères ; j’ai récemment contacter un de nos frères au Canada pour avoir des informations complémentaires sur l’Université où il enseigne, car mon fils y postulait, mais malheuresement n’ai pas eu de reponses, il a peut être cry que je voulais lui envoyer mon fils !!!!! ce qui etait très loin de mes intentions.

          Les Beninois, Ghanaiens et autres Sénégalais sont beaucoup plus solidaires, ce qui expliquent en partie leur succès en Occident.

          Je suis bien encouragé par le nombre grandissant d’etudiants et surtout d’étudiantes burkinabé que les parents envoient étudier dans les Ameriques. Pour la plupart elles sont très consciencieuses et se battent pour réussir. Nous devons soutenir ces jeunes et les encourager à terminer rapidement et rentrer au pays s’ils ne trouvent pas une situation légale dans leur pays d’acceuil.

          L’example de Dominique démontre encore une fois que seul le travail mène à la réussite. Comme disent les americains, "there is no free lunch". (il n’y a rien de gratuit, chacun a ce qu’il mérite)

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