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Georges Fadoul Ouédraogo : "Dans chaque communauté, il y a des bienfaiteurs et des malfaiteurs"

Publié le lundi 4 décembre 2006 à 07h38min

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Georges Fadoul Ouédraogo

Les journalistes de la rédaction des Editions Sidwaya ont reçu en invité de la rédaction, le mardi 21 novembre dernier, le président directeur général du groupe Fadoul Afrique, monsieur Georges Fadoul. Quatre heures d’horloge auront paru insuffisantes pour éplucher les préoccupations des journalistes. Tant notre invité s’est montré réellement loquace. Un record !

Mais la qualité de l’invité, les débats autour des questions d’actualité, de la personnalité du jour ont fait oublier que le temps continuait sa marche inexorable vers l’infini.

Homme de cour, toujours entre deux avions, Fadoul reste un homme attaché à l’amitié, aux relations sans exclusive. Il faut seulement l’approcher pour s’en rendre compte. Ce contact donc a permis de découvrir davantage un homme présent dans tous les strates de la vie surtout économique de notre pays, dans neuf autres pays africains et sur la scène internationale.

Avec plus de dix-sept mille employés, le groupe que dirige Zouhair Michel Fadoul (l’aîné de la famille) mérite plus que jamais son appellation de Fadoul Afrique. Notre invité est un homme qui passe volontiers des questions socioéconomiques aux préoccupations politiques, culturelles et historiques avec une aisance insoupçonnée et une pointe d’analyse assez poussée.

Sidwaya (S.) : Le 22 novembre (NDLR : l’entretien s’est déroulé le 21 novembre), c’est la fête nationale du Liban. Que représente cette date pour vous ?

Georges Fadoul (G.F.) : Le 22 novembre marque en effet la fête de l’Indépendance du Liban. Un petit pays par sa superficie (environ 10 400 km2) mais grand par ses hommes et riche de sa culture et de sa civilisation vieille (6 000 ans). Entre 10 et 11 millions de Libanais qui ont quitté le Liban et se sont installés aujourd’hui partout dans le monde, l’ont fait pour diverses raisons. Contre 3 millions ou 3,5 millions restés au pays. Le pays a été et est toujours le carrefour de beaucoup de conflits.

Nous vivons la politique libanaise à l’étranger. Toutes les institutions qui fondent un Etat indépendant, un président de la république, un Premier ministre, une Assemblée nationale, une armée nationale sont bien en place. Mais, sans être un politicien, je constate avec ce qui se passe au Liban qu’il s’agit d’une indépendance amère. Même militairement, je ne crois pas que le Liban soit aujourd’hui indépendant. Si les Français ont quitté le Liban après lui avoir accordé l’indépendance en 1943 , de nos jours encore, il y a de nombreux soldats étrangers sur le sol libanais : les Israéliens, les Syriens, les Nations unies. Certainement nous sommes fiers d’être indépendants mais à chaque commémoration de cette date importante dans l’histoire de notre pays, on se demande à quand une vraie indépendance pour le Liban.

S. : Est-ce que le peuple libanais vivant au Burkina va fêter l’événement ?

G.F. : Je suppose que la communauté libanaise de Ouagadougou donnera un cachet particulier à la hauteur de l’événement à cette date anniversaire. Pour ma part je ne suis pas membre actif de cette communauté, compte tenu de mes nombreux déplacements. Par contre, nous avons des cadres qui participent aux activités de la communauté. Néanmoins nous lui apportons toujours notre soutien dans l’organisation de ses activités. La question libanaise est très complexe. Il y a plusieurs tendances au sein des communautés libanaises vivant à l’étranger

S. : En septembre dernier, il y a eu le conflit entre la branche armée du Hezbollah du Liban et Israël. Comment avez-vous vécu ce conflit ?

G.F. : Je ne suis pas un politicien. En plus, je vis au Burkina Faso et non au Liban. Je n’ai pas bien perçu les motivations de la guerre qu’Israël a menée contre le Hezbollah. Est-ce le kidnapping de deux soldats israéliens ? Je ne crois pas trop dans la mesure où la guerre s’est terminée sans que les deux otages ne soient rendus à Israël. Personnellement, je ne saurais expliquer cette guerre. J’ai l’impression qu’on veut coûte que coûte briser ce modèle de vie confessionnelle qu’est le Liban. Quand j’étudiais au Liban, j’avais des amis autant catholiques que musulmans. Il n’y a pas de différence entre l’islam et le catholicisme, il s’agit du même Dieu.

On ne peut pas sur la base de considérations religieuses vouloir détruire le Liban. Je pointe un doigt accusateur également contre la communauté internationale qui ne fait rien pour éviter ou arrêter à temps ces conflits à cause des intérêts non avoués. On ne guérit pas un mal par le pire. C’est ce qui est arrivé dans la récente guerre entre Israël et le Hezbollah. Comme on ne veut pas la paix au Proche Orient, toutes les méthodes de déstabilisation sont autorisées. Si on veut la paix comme le prétend parfois Israël, on doit pouvoir faire des concessions.

Le président Blaise Compaoré, au nom de la paix dans la sous région, travaille à obtenir de nombreuses concessions dans les négociations sous sa conduite.

Je reste convaincu que la guerre contre le Hezbollah est en réalité un complot parmi tant d’autres. C’était très flagrant. Dès les premiers jours de ce conflit, toutes les grandes puissances se sont contentées de simples déclarations. Je crois à la paix dans cette région. Mais elle ne sera pas pour tout de suite. Je crois que les Israéliens ont compris maintenant que le monde a changé, ou est en pleine mutation. Des enquêtes sont en cours en Israël pour situer les dérapages et les échecs de cette guerre. Des militaires israéliens se seraient débarrassés de leurs tenues pour fuir au cours de cette guerre.

S. : Le CDP, Parti au pouvoir au Burkina Faso a tenu son 3e congrès du 9 au 11 novembre 2006. Que retenez-vous de ce congrès ?

G.F. : Je n’étais pas au Burkina pendant le congrès. D’après les informations que j’ai lues à travers la presse, le congrès s’est très bien déroulé et tous les militants se seraient exprimés. De grandes décisions auraient été prises. Je n’ai pas les détails du déroulement de ce 3e congrès.

S. : Etes-vous membre d’un parti politique ?

G.F. : J’ai beaucoup d’amis dans tous les partis. Jusqu’à présent, on ne m’a pas offert la carte d’un parti politique.

S. : Si on vous offrait une carte, est-ce que vous la prendrai ?

G.F. : (Rires). Je la prendrai avec tous les partis. J’ai un avis toujours personnel. Ce qui fait la force du parti au pouvoir, c’est la présence des autres formations politiques en cela c’est le jeu démocratique qui gagne. Depuis 38 ans (1968) que nous sommes au Burkina (Haute-Volta), nous ne sommes en partenariat avec aucun parti politique, mais avec l’Etat.

Il faut que tous les partis politiques discutent dans l’esprit d’un combat intellectuel et de performance.

Je le dis et je le répète, on ne doit pas militer dans un parti politique, même le parti pouvoir comme le CDP pour accéder à un poste. Sinon le parti se sclérose et court à sa perte. Du reste, un parti fut-il au pouvoir ne peut pas satisfaire tous ses militants. Par contre les militants doivent être disponibles pour engranger d’autres victoires pour leur parti.

S. : A l’étape actuelle de la crise ivoirienne, quelle est la situation de l’économie dans ce pays, vous qui y avez des entreprises ?

G.F. :Le Groupe Fadoul est déjà dans dix (10) pays dont la Côte d’Ivoire et emploie 17 000 personnes. Ce qui constitue pour nous à la fois un honneur et une fierté. Notre credo en entreprise n’est pas forcément ce que nous réalisons comme chiffre d’affaires, mais également le nombre d’emplois que créons. Il ne s’agit pas de voir par exemple ce que l’entreprise nous rapporte au Burkina, mais ce que nous apportons au Burkina. En Côte d’Ivoire, il y a un conflit et c’est malheureux d’autant plus que ce pays pèse pour 40% à 45% dans l’économie sous-régionale. Tout ce qui se passe en Côte d’Ivoire a ses effets négatifs sur toute la région. Le Burkina et le Mali semblent être les plus touchés. Mais la crise trouvera bien une solution. En Côte d’Ivoire, le Groupe Fadoul y est effectivement présent. Le groupe croit à l’intégration, à l’unité africaine.

Pendant la crise en Côte d’Ivoire, le Groupe Fadoul s’est développé, mais en reprenant les entreprises à ceux qui ont voulu tout abandonner et rentrer dans leur pays. Le fait de rester, signifie qu’on n’a pas cessé de croire au pays. Au Burkina Faso, c’était la même chose. Ceux qui, dans les années 90 trouvaient le pays difficile, sont rentrés et le groupe Fadoul rachetait leurs entreprises. Ces rachats ont été faits surtout avec des opérateurs privés et non avec l’Etat.

Feu le président Félix Houphouët Boigny a ouvert son pays à tout le monde parce qu’il savait que c’est de cette manière qu’il développerait la Côte d’Ivoire. Il a eu raison.

Le Burkina, j’en suis sûr, appelle de tous ses voux la paix dans ce pays. Je suis persuadé que la paix reviendra dans l’intérêt de nous tous.

S. : Le président du Faso effectue actuellement une visite à Taiwan. Pensez-vous que par rapport à la Chine populaire (Pékin), quatrième puissance mondiale, Taiwan peut apporter quelque chose au Burkina ?

G.F. : Je suis un opérateur économique et je parle en tant que tel. Taiwan, est membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). C’est donc un pays indépendant qui a fait ses preuves. Il a enregistré d’énormes progrès. Taiwan fait partie, des dix-sept (17) pays au monde économiquement puissants. Le Burkina a intérêt à ouvrir ses bras à tout pays qui est prêt à collaborer avec lui et profiter de son expérience. Aucun pays au monde ne peut se développer en autarcie. L’ouverture avec les autres peuples permet de s’enrichir de leur savoir-faire. Le Burkina a besoin de Taiwan comme des autres pays dans son processus de développement. Son approche avec Taiwan est tout à fait normale. Si le pays peut s’inspirer du modèle de Taiwan pour réussir, pourquoi pas ?

Chaque pays a ses particularités et si un pays connaît des avancées dans des domaines qui peuvent constituer pour nous des modèles, il n’y a pas de raison que nous ne nous servions pas de ses expériences. Taiwan est un exemple de réussite et je crois que le Burkina doit s’en inspirer. C’est très important. Taiwan, était un pays pauvre il y a moins d’un demi siècle. Mais aujourd’hui il a émergé. Et c’est par la volonté du peuple taïwanais qu’il a atteint ce stade de développement.

S. : Bruxelles a abrité les journées européennes du développement en présence de dix-sept (17) chefs d’Etat africains. A quoi doit s’attendre l’Afrique de ce genre de rencontre ?

G.F. : Je l’ai dit tantôt. Toute personne qui tend ses bras vers vous en respectant votre dignité doit être bien accueillie. L’Europe veut le développement de l’Afrique et veut l’aider dans ce sens. Il faut l’accepter. Si l’Afrique peut aussi lui apporter son soutien et sa collaboration dans ce qu’elle fait, c’est à l’honneur de ce continent qui est le berceau de l’humanité. C’est une forme d’échanges qui instruit. D’ailleurs, je pense que l’Europe a une grosse dette envers l’Afrique.

Et si l’Europe s’intéresse un peu plus au continent africain, c’est un peu pour s’acquitter de cette dette là. Mais elle doit le faire en respectant notre dignité. L’Afrique est confrontée à de nombreux conflits. Si le modèle européen d’intégration avec cette union qui met les peuples dans une même dynamique surtout dans un contexte de paix et de stabilité peut servir de modèle à l’Afrique pour son essor, ce serait une bonne chose.

L’Europe également a connu des pages sombres avec de nombreux conflits, les Balkans sont là pour nous le rappeler ou les guerres entre certains Etats, mais aujourd’hui, tout cela relève du passé. Alors que le présent de l’Afrique est toujours émaillé de conflits, Côte d’ivoire, Tchad, Centrafrique, Corne de l’Afrique etc. Je reste convaincu que notre continent peut surmonter toutes ces difficultés et profiter de l’expérience de l’Europe.

S. : comment, selon vous, résoudre la question du coton ?

G.F. : La question du coton ne peut pas se résoudre tant que les pays du Nord avec les Etats-Unis en tête continueront à subventionner leurs cotonculteurs. Il y a comme une forme de paradoxe dans les relations internationales. Toutes ces puissances promptes à financer de gros projets de développement dans les pays du Sud, refusent de donner les moyens et l’environnement à des pays pauvres dans un des domaines où ils ont de l’expérience à revendre. C’est le cas avec le coton, c’est le cas également avec d’autres matière première. Fort heureusement les plus hautes autorités de notre pays ont fait de cette question une priorité.

Ainsi le président Blaise Compaoré s’est- il rendu en Suisse où il s’est exprimé au nom des cotonculteurs du Burkina Faso, mais aussi du Tchad , du Bénin et du Mali, les quatre gros producteurs au niveau continental. Il y a quelques jour en vidéo conférence le chef de l’Etat s’est adressé à des partenaires américains. Ce sont des actions qui j’en suis convaincu permettront à notre coton très compétitif de retrouver sa place au plan international et à nos cotonculteurs de jouir pleinement des fruits de leurs labeurs. Toutes choses qui ne feront que contribuer au développement de nos pays.

S. : La saison agricole qui s’est achevée connaît un excédent céréalier de plus d’un million de tonnes. Selon vous, comment un pays comme le Burkina qui a une agriculture pluviale, peut-il gagner la bataille de l’autosuffisance alimentaire ?

G.F. : Le Burkina va gagner cette bataille parce que les Burkinabé sont un peuple courageux, travailleur. Surtout que l’Etat crée un environnement favorable. Le Burkina est d’ailleurs déjà sur la voie de l’autosuffisance alimentaire. Il faut surtout trouver des débouchés ce qui aura pour conséquence de doper la production, mais également réussir la conservation. De sorte que les temps de soudure cessent d’être des cauchemars pour les paysans de notre pays. Maintenant il faut aller plus loin que l’autosuffisance alimentaire et tendre vers l’exportation.

S : les socialistes français ont porté leur choix sur madame Ségolène Royal pour la présidentielle de 2007 en France. Quelle peuvent être les chances de madame Royal ?

G.F. : A mon avis les français aiment le changement. Surtout que c’est la première fois qu’il y a une femme qui émerge et qui va défendre les couleurs d’un grand parti à la présidentielle. Rien que pour cela, les français sont obnubilés. Selon les informations à notre disposition et les diverses lectures sur la vie politique française, madame Ségolène Royal traîne comme handicap, une connaissance pas toujours pointue des questions internationales.

Mais son choix comme candidate socialiste après les primaires tient de beaucoup d’autres considérations. La France a toujours été un modèle de démocratie. Il faut respecter le choix des socialistes et souhaiter que la présidentielle connaisse un bon retentissement afin d’éviter le scénario (catastrophe) de 2002 qui avait vu l’arrivée au second tour de l’extrême droite.

S : Votre épouse est consul honoraire du Burkina Faso au Liban. Comment le choix des autorités s’est porté sur elle ?

G.F. : Le choix de mon épouse comme consul honoraire du Burkina Faso au Liban relève des plus hautes autorités de l’Etat burkinabé. Notamment le président du Faso M. Blaise Compaoré qui est le premier responsable de la diplomatie. Je profite de vos colonnes pour remercier monsieur Blaise Compaoré pour cet honneur fait à toute la famille Fadoul. En outre, le choix de mon épouse résulte de la convergence entre, le gouvernement et les ressortissants burkinabé au Liban qui ont témoigné à plusieurs reprises, le soutien que madame Fadoul leur a apporté.

S. : Qui est Georges Fadoul ?

G.F. : Je suis né le 14 septembre 1946. je suis marié et père de quatre enfants. J’ai trois frères et une sour. L’aîné qui a accompagné mes parents au Mali, est décédé. Ma sour Antoinette, elle est l’épouse du directeur de DIACFA librairie monsieur Claude Germain. Mon frère aîné Zouhair Michel est le premier à arriver au Burkina. C’est lui le fondateur du groupe Fadoul. J’ai eu un petit frère qui fut professeur de physique. Il est décédé avec son épouse le 24 décembre 2003 à 23h50 au Liban suite à un incendie dans une crèche. Actuellement nous ne sommes plus que trois : Zouhair Michel, Antoinette et moi.

Il est vrai que les Fadoul sont d’origine libanaise, personne ne peut ignorer ses origines. Mais les Fadoul sont en Afrique depuis longtemps. Mon grand-père est né en 1890 à Conakry (Guinée). Mon père (paix à leurs âmes) est également né à Conakry en 1918 et ma mère à Mopti (Mali) en 1922. Tous les enfants de la famille sont nés à Bamako au Mali à l’exception de Georges Fadoul le seul enfant de la famille né au Liban. Alors que nos enfants sont nés au Burkina Faso et au Bénin. Jusqu’à ma naissance, ma mère n’avait pas connu le Liban., mon père l’y a amenée.

C’est pendant son séjour au Liban alors qu’ elle portait ma grossesse que je suis né un 14 septembre 1946 à Beit- Chebab, une ville de 17 000 à 20 000 habitants où 95% des ressortissants sont en Afrique. Après ma naissance, mes parents sont revenus à Bamako. J’ai été amené à quitter l’Afrique mon jeune frère et moi sur avis de médecin pour cause de paludisme chronique. On s’est retrouvé pensionnaires chez les moines au Liban.

C’est ainsi que j’ y ai fait mes études dès l’âge de huit ans (1954) jusqu’en 1971. Je suis diplômé de l’Ecole supérieure d’ingénieurs de Beyrouth d’où je suis sorti major. L’ambassade de France m’a alors accordé une bourse pour une spécialisation en France à l’Ecole supérieure d’électricité à Paris. A la fin de ma spécialisation, j’ai été affecté à l’Université du Liban où j’ai enseigné de 1972 à 1975 à l’école d’ingénieur le système informatique.

S. : Comment est né votre groupe ?

G.F. : Tout a commencé avec mon frère aîné Zouhair Michel qui le premier s’est installé au Burkina en 1968 après la chute du régime de Modibo Kéïta suite au coup d’Etat de Moussa Traoré. A son arrivée à Ouagadougou, il a d’abord habité dans la cour de El hadj Oumarou Kanazoé (à l’ex auto gare). Il s’est ensuite intéressé à la vente des pièces détachées à la différence de notre père qui faisait dans le commerce du tissu au Mali. Zouhair Michel licencié en mathématique a également enseigné cette matière dans un établissement secondaire à Ouagadougou. D’ailleurs de nombreux cadres parmi lesquels des ministres sont ses anciens élèves.

Avec la chance et la volonté de réussir, il a diversifié ses activités en fondant de nouvelles sociétés ou par la reprise de sociétés telles que la SCOA, CAMICO, BROSSETTE et les autres. Ces sociétés forment actuellement la DIACFA avec ses différentes divisions (accessoires, automobiles, matériaux, librairies, industries) et plus tard avec l’acquisition de SOGETEL, SEA (Mercedes) etc. Nos domaines d’activités se sont développés à l’industrie, la représentation, distribution , dans le domaine de l’automobile, des matériaux de construction, d’hydraulique, l’informatique et le téléphone.

Au Burkina Faso, le groupe s’est développé et à créer des entreprises dans d’autres pays tels que la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo, le Cameroun, la Centrafrique, le Nigeria, le Mali, le Portugal etc. En 1974 nous avons commencé les activités des bâtiments et travaux publics. Technibois, une entreprise installée ici à Ouagadougou depuis 1963 avait des difficultés. Le directeur de l’entreprise monsieur Joseph Berthezen qui connaissait bien mon frère zouhair Michel lui a proposé de la reprendre. Technibois était une référence dans son domaine d’activité Le domaine d’intervention.

Mon frère a accepté à condition que monsieur Berthozen reste dans l’entreprise entant que directeur technique et cela pour préserver le savoir-faire. Le domaine d’intervention de l’entreprise concernait les seconds ouvres, c’est-à-dire qu’elle faisait les portes, les meubles, les faux plafonds, tout ce qui est aménagement, sauf l’électricité et la plomberie. C’est en ce moment que la famille m’a demandé de revenir.

Je suis rentré en 1976. Mon épouse Farida Boueri est ingénieur du génie civil, elle a fréquenté l’école supérieure d’ingénieur de Beyrouth. Elle est d’ailleurs l’administrateur délégué du groupe. Elle nous a accompagnés dans le développement du groupe. Quand je suis venu, en plus des seconds ouvres qui étaient les activités de Technibois, j’ai commencé à faire de la construction. Je suis ingénieur et j’ai vécu un peu le système des préfabrications en France. Et lorsque Zouhair Michel a voulu lancer le projet de la réalisation de l’hôtel Michaël, j’ai souhaité assurer la construction. Et on a fait tout le plancher avec le système OMNIA.

Le groupe Fadoul a été le premier à lancer le système des nervures que l’on utilise pour les planchers au Burkina en 1977. L’hôtel était la première grande construction avec 7000 m2 de superficie. A l’époque, il y avait très peu de dalles à Ouagadougou. Fadoul Technibois n’était pas encore dans le bâtiment parce que nous étions des sous traitants agréés par UDEC et Dragages. Malheureusement quand ils soumissionnaient ils ne nous sou traitaient pas suffisamment. Alors on s’est également lancé dans le bâtiment en tout corps d’état. Notre premier chantier a été le siège de la Sonabel.

Nous avons commencé à nous développer dans le domaine. Après ce premier chantier tout corps d’état qui a été bien apprécié, nous avons soumissionné et obtenu d’autres chantiers tels la Caisse autonome d’investissement, l’Office national des céréales, l’Office national du commerce, la Caisse générale de péréquation, la Caisse nationale de sécurité sociale etc.

Petit à petit, les gens ont constaté que nous avons baissé les prix au Burkina Faso. Ils n’avaient plus les mêmes marges et ils ont commencé à quitter. Avec nos collègues des entreprises Sol Confort, et les autres, nous nous sommes mis dans le bâtiment pour en être les premiers promoteurs.

Avant nous, El hadj Kanazoé avait réalisé la construction du siège de l’ex-CEAO aujourd’hui occupé par l’UEMOA. Mais a préféré se diriger vers les travaux de génie civil. Il y a ensuite eu un boom dans le secteur suite à un décret qui obligeait chaque propriétaire d’un magasin ou d’une boutique ou d’une parcelle autour du marché central de construire un R+2 et cela dans un rayon de 500 mètres.

C’est Zouhair Michel qui était derrière cette décision lors de rencontres qui ont eu lieu à la Chambre de commerce en son temps. C’est ce qui a conduit à la création de la Caisse autonome d’investissement (CAI).

Le développement est toujours positif pour celui qui décide d’entreprendre et d’aider les autres à se développer. Par exemple, les sours de l’Eau Vive nous ont fait appel à l’époque pour la construction de leur siège et elles ont payé sur une période de 7 à 8 ans. ainsi le bâtiment, a évolué jusque dans les années 1990.

Il y a eu ensuite une récession. Nous nous sommes ensuite mis dans la construction des châteaux d’eau et l’adduction. Le château de Bolomakoté (1500 mètres cubes) a été notre premier chantier à Bobo-Dioulasso en 1991. Nous avons ensuite réalisé les barrages de Niofila et Tourni et nous nous sommes lancés dans ce nouveau domaine de barrages, ponts et pistes rurales.

Le plus grand pont au Burkina, celui de Bagré long de 140 m ; nous l’avons fait sans même dévier la rivière en utilisant un lanceur de poutres (nouvelle technique au Burkina). Cela est une fierté pour nous. Plus tard nous avons commencé la construction de routes, en aucun moment nous avons voulu faire la concurrence avec El hadj Omarou Kanazoé. Mais nous avons constaté que la demande était forte. Nous avons alors avec son appui et celui de l’Etat commencé par les routes en terre, puis le bitume. Ce n’est qu’en 1999-2000 que nous avons démarré la première route à Ouagadougou (Ouaga-Saponé- Léo) phase I et II.

A la fin des années 90, le président Blaise Compaoré a encouragé les entreprises nationales à s’ouvrir à l’extérieur. Cela nous a encouragé à l’occasion de la coupe d’Afrique des nations de football CAN 2002 au Mali à entreprendre des travaux dans ce pays frère. Cette opportunité a marqué notre retour à Bamako après 1968. Nous avons profité pour construire avec Sol Confort et Décor l’ambassade du Burkina Faso au Mali. Après, nous sommes allés au Bénin et en Côte d’Ivoire.

S. : Vous dites que vous obtenez beaucoup de marchés. Est-ce que parfois vous n’avez pas recours à la corruption pour les avoir ?

G.F. : Franchement, je voulais éviter de parler de ce sujet. Mais comme la question m’est posée, je ne ferai pas dans la langue de bois. D’ailleurs les Fadoul ont un franc parler qui parfois dérange. Du reste, nous pouvons à haute et intelligible voix dire ce que nous pensons en toute transparence et en toute sérénité. Si J’avais imaginé un seul instant que la question allais faire partie des débats, je serais venu ici ce matin avec des documents y relatifs.

Au moment où je vous parle, nous avons deux plaintes à l’inspection d’Etat alors que nos avocats sont en possessions d’autres dossiers et les plaintes seront bientôt formulées et déposées chez qui de droit. Si vous êtes le moins disant, vous avez l’expertise qu’il faut, la célérité dans l’exécution de vos marchés de quelle concurrence avez-vous peur au point de recourir à la corruption pour obtenir des marchés ?

Or toute modestie bue, nous pouvons affirmer que, nous avons toujours été parmi les meilleurs techniquement, les moins chers et les plus rapides. Il y a des soumissions pour lesquelles le groupe Fadoul Afrique était le moins disant sans pourtant avoir obtenu le marché. Je ne saurai vous dire le pourquoi. L’exemple du bâtiment de la douane est illustratif. Avec 180 millions de francs CFA de moins que les autres nous étions les moins disants. Selon toute vraisemblance nous n’avons pas eu le marché parce que les brochures que nous avions jointes au dossier n’étaient pas en langue française.

Nous avons contesté auprès de la Commission de règlement des litiges à l’amiable. Nous l’avons fait souvent. C’est la même chose pour ce qui est des véhicules. Nous avons Nissan , Mercedes, Mitsubishi, Renault. Si nous sommes représentant de ces marques de véhicules, c’est parce que les constructeurs nous font confiance. Comment se fait-il que 70% du marché est contrôlé par une marque concurrente par le biais de caractéristiques techniques exigées dans le marché public qui favorise une marque et empêche le libre concurrence. L’Etat est notre partenaire et il est là pour créer un environnement sain et propice pour le développement durable et empêcher le favoritisme. La compétition est ouverte et que le meilleur gagne.

S. : Mais n’est-ce pas parce que vous êtes trop moins disant que certains de vos chantiers restent inachevés comme celui du siège du FESPACO ?

G.F. : Non pas du tout ! Nous avions un lot et on l’a terminé. Le projet n’a pas continué à cause de problèmes technique et financier. Malgré que nous avons proposé le pré financement des travaux, ils ont préféré surseoir. Même dans ma dernière rencontre avec le ministre de la Culture il y a un an, j’avais proposé de couvrir la salle de conférences rapidement. Bien que nous soyons moins disant, nous avons toujours terminé nos marchés avec la même qualité.

S. : Et le cas du château d’eau de Dori ?

G.F. : Nous avons mis trois à quatre mois pour terminer le château d’eau de Dori,. Malheureusement, il y a eu un incendie qui a endommagé le coffrage et personne n’a su comment. D’ailleurs, le fond était coulé et on n’avait d’ailleurs plus besoin de coffrage qui devrait normalement être enlevé. Il faut reconnaître que parfois, il y a des difficultés sur certains chantiers. Elles peuvent être d’ordre technique. Le chantier du château d’eau de Dori est achevé et est en cours de réception.

S : Quelles sont alors les raisons qui font durer les travaux de votre chantier à Fada ?

G. F. : Pour Fada, nous avons soumissionné en groupement avec une entreprise allemande dénommée Wiemer et Trachte. Notre offre était de deux milliars huit cent millions. Notre concurrent était à 3,4 milliards.

Le financement prévu par nos partenaires européens était de deux milliards. Avec la société allemande, nous avons ramené notre offre à 2,2 milliards. Au vu de l’enveloppe, il y a vait toujours un gap de deux cents millions. Par crainte que le projet de ne se réalise pas et pour accompagner l’Etat dans ce projet de développement, Fadoul Technibois a concédé deux cent millions de sa propre part pour permettre aux travaux de démarrer.

Le retard accusé sur le chantier relève de la conjugaison de facteurs qui dépent pas toujours de nous.

On n’apprend pas trois fois. Cela fait trois ans que le Groupe Fadoul ne peut plus avoir un marché dans le secteur de l’hydraulique à cause du chantier de Fada. Pourquoi ? Parce que simplement nous avons voulu accompagner l’Etat. Jusqu’à présent on m’a fait payer plus de cent millions de pénalités, en plus des deux cent millions. Ce n’est pas grave. Fadoul ne va pas s’appauvrir ou s’enrichir avec ce chantier. Nous avons relevé beaucoup de que nous avons gagné et c’est une fierté pour nous.

Technibois est le fleuron des entreprises dans la sous-région. Pour la petite histoire, lors de l’investiture du président du Faso, j’ai eu le plaisir d’accompagner le représentant de l’Emir du Koweït. J’étais dans la salle et assis parallèlement avec les différents présidents invités. Le président Amadou Toumani Touré du Mali s’est adressé à ses pairs et leur a recommandé Fadoul en cas de besoin de réalisation d’une route. Parce que à la CAN 2002 au Mali, nous avons réalisé la route qui passe devant l’hôtel de l’Amitié. Cette route avait été faite par d’autres sociétés étrangères plusieurs fois et se déégradait continuellement.

Mais depuis qu’on l’a faite en 2003 elle est toujours en bon état. Pour tous les ouvrages que nous avons réalisés, on peut peut-être nous reprocher quelquefois l’organisation du travail, mais jamais la qualité. Nous commençons à avoir de l’expertise dans l’organisation. Vous le constaterez sur la construction de la route Ouagadougou- Kongoussi. Nous avons promis la fin des travaux quatre mois à l’avance. Chaque année, dans le domaine des routes, nous acquerrons de l’expérience.

S. : Expliquez-nous pourquoi on lie la plupart du temps les activités des Libanais à la corruption ?

G.F. : Dans chaque communauté, il y a les bienfaiteurs et les malfaiteurs. On parle de la corruption un peu partout. Ainsi comme dans tant d’autres communautés, il existe bel et bien des libanais qui n’accordent aucune importance aux règles édictées pour la pratique licite de telle ou telle activité. Ils sont tentés des fois de contourner les services des douanes et des impôts. Certains ont évolué par des moyens illicites en cherchant de l’argent facile. Pendant la guerre du Liban, entre 1977 et 1986 de 400 000 à 500 000 libanais vivaient en Côte d’Ivoire contre actuellement 100 000. Ils se sont faits beaucoup d’argent. Je ne pense pas que le phénomène est aussi important.

Une fois, j’ai dit à un groupe de Libanais qui avaient des problèmes avec les citadins que chaque personne a ses forces et ses faiblesses. Je les ai invités à travailler et à être des partenaires de l’Etat et lui rendre ce qui doit lui revenir. D’autre part, on ne peut pas tirer profit sans un minimum d’efforts. Mais à côté de ces compatriotes qui cherchent à utiliser la courte échelle, il y a ceux et celles qui chaque jour participent honnêtement, avec dévouement au développement de leur pays d’accueil qu’ils servent avec fierté. En Côte d’Ivoire vous avez les Khalil, les Abinader, les Fadoul qui chaque année financent à coup de milliards des avances sur impôt et les Libanais actuellement sont parmi les leaders du développement en Côte d’Ivoire.

S. : L’on a remarqué que depuis le début de la crise ivoirienne, beaucoup de Libanais et de Syriens se sont installés au Burkina Faso ? Quelle est votre appréciation ?

G.F. : Mais c’est normal qu’aujourd’hui le Burkina Faso accueille des Libanais, ou des Syriens. Quand un pays est en guerre, ses habitants migrent vers des zones pacifiques, où il y a la quiétude et où ils peuvent mener à bien leurs activités. L’essentiel c’est de pouvoir continuer à travailler honorablement. Les principes du travail sont connus ; il ne faut pas voler. Le fait qu’il y a une récession en Côte d’Ivoire menace les affaires et les gens n’y vont plus comme cela. A Abidjan, il n’y plus de place pour les petits.

Au Burkina Faso, il n’y a pas de grosses structures de supermarchés, ils ont pensé qu’en s’y installant, il y a un choix propice pour faire du commerce. Mais pour cela, ils ne pouvaient pas venir ici vendre des produits burkinabè pour des Burkinabè. Ils sont obligés de chercher des produits qui ne sont pas chers : chinois, indiens. Et vous aurez remarqué que les Indiens mêmes commencent à envahir le marché. L’essentiel, c’est que tout le monde respecte la réglementation, les droits de l’Etat. Le Burkina Faso ne sera pas contre leurs initiatives tant qu’ils seront un partenaire dans le développement.

S. : Vous parlez de participer au développement alors qu’à une période donnée certains de vos employés se sont plaints du traitement qui leur est réservé au point d’aller en grève.

G.F. : (Rire) C’est vrai certains employés ont observé un mouvement de revendication. Mais depuis, c’est un épisode oublié, classé. Et puis tous les grévistes travaillaient dans les ateliers de bois et de ferrailles. Des ateliers qui représentent à peine cinq cent millions de francs par an sur vingt milliards. Actuellement nos activités sont concentrées dans les secteurs des adductions d’eau potable et des routes, pas dans le bâtiment. L’oisiveté comme on le dit est mère de tous les vices. Dans le cas d’espèce ceux qui sont allés en grève n’ont plus à proprement parler grand chose à faire dans leurs ateliers. Ils s’ennuient donc je les comprends. Dans ces ateliers on situe à environ 700 000 frs de vol de matériel chaque jour que le coq chante.

Je voudrais en même temps répondre à un article paru dans vos colonnes il y a quelques mois où il était question d’un collectif d’employés du groupe Fadoul Afrique licenciés réuni par M. Dieudonné Nikiéma qui se faisait passer pour leur porte parole. Ce monsieur a occupé deux postes et à chaque fois, ses supérieurs n’ont pas voulu de lui pour faits de pertes de matériels. Comme personne n’en voulait, je l’ai gardé chez moi pendant un an. Mais moi je n’en avais pas besoin. Il y a un autre monsieur qui a par voie de presse a prétendu que M. Fadoul a fait venir un spécialiste de Béton et l’a écarté. J’ai voulu en savoir davantage sur ce Yacouba Sanogo.

Son histoire a commencé avec la construction du château d’eau de Bolomakoté à Bobo-Dioulasso. Nous avons acheté du matériel ayant servi à la construction de la Basilique qui comprenait une grue des échafaudages et une pompe à béton. Nous étions alors en quête d’un conducteur de la pompe.

Un jour, un homme m’accoste et me dit qu’il était conducteur de pompe à Béton. J’ai donc dit à M. Berthozen qu’il a là, la personne qu’il fallait, donc de mettre la machine en état. Après avoir vainement tenté de la démarrer , Yacouba Sanogo m’a avoué plus tard qu’il cherchait juste à travailler. On l’a mis comme chauffeur sur un camion pour chercher du gravier.

Nous avons donc décidé que désormais, tous les chantiers disposeront de leur compte bancaire, procéderont aux recrutements de leur personnel qu’ils peuvent reconduire ou remercier après les travaux. Cela a permis de rehausser le salaire des ouvriers, soumis à un régime productif. Le chantier leur versait des primes. Personne n’a le temps de papoter. Est-ce que sur les chantiers de route nos employés ont déjà grevé ?

S. : De façon générale, l’on trouve que les Libanais ne paient pas bien les salaires. Qu’en dites-vous ?

G.F. : Comme je vous l’ai dit, je ne suis pas un membre actif de la communauté et je ne suis pas au courant. Ce que je sais c’est que le groupe Fadoul Afrique ne connaît pas ce genre de problème. Les salaires chez nous sont publiés. Les employés sont déclarés à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Pour les primes, il faut produire pour les avoir. Les gens racontent ce qu’ils veulent. Tous les employés sont soumis à une grille salariale bien claire et réglementaire.

S : Ceux qui vous connaissent disent que dans votre vie de tous les jours, Dieu est omnipotent. Est-ce exact ?

G. F. : Dans la vie vous savez, chacun a sa croix à porter. Et lorsque je dis aux gens que je suis né le jour de la fête de la Croix, personne n’y prête attention. Celui qui affirme qu’il n’y a pas de croix à porter, il ment. Ça peut être ton cousin, ton neveu, une personne que le bon Dieu a placé à côté de toi pour te faire souffrir.

Mais tu le fais volontiers avec plaisir sans contester. Parce que c’est ton sort. L’essentiel est d’arriver à le faire avec sérénité, sans se plaindre. Là, tu auras rendu service à ton créateur car avant tout, nous sommes complémentaires. Ma conviction dans la vie c’est que je suis conscient que le bon Dieu a envoyé des prophètes pour prêcher l’amour, la paix, etc. Je connais aussi des gens qui ont travaillé comme nous, mais ils n’ont pas atteint notre niveau. Cela veut dire que Dieu favorise certains et il revient à ceux-là de le faire à leur tour ; car Dieu les surveille aussi. A certains moments, on a entendu parler de la renommée de certaines familles et ensuite c’est la disparition totale.

S : Dites-nous quelle place occupe le social dans le groupe Fadoul Afrique ?

G. F. : La porte de Georges Fadoul reste ouverte à tout le monde. On tape et on rentre. Je ne sais pas dire non. Malgré les difficultés que toute entreprise peut rencontrer, j’ai souvent dit oui à plusieurs sollicitations venant de partout. Chaque fois que des actions sont menées dans le sens de la construction du pays, Fadoul peut les soutenir. Chacun doit jouer son rôle dans la société, travailler à faire mieux et non détruire ce que les autres ont construit.

Nous, nous accompagnons l’Etat parce que nous sommes convaincus que l’Etat ne peut pas tout faire surtout dans les provinces. C’est avec fierté que nous le faisons.

C’est moi Georges Fadoul qui gère le volet social du groupe. Je suis porté à cela. Et le jour où je dirai que je ne peux pas aider, c’est que ce jour, le bon Dieu aura décidé que c’en est fini pour moi. C’est ma conviction. Ainsi depuis de longue date nous avons été sensible à la question sociale mais de façon occasionnelle. C’est en 1994 que nous avons commencé réellement à structurer, voire organiser ce volet qui ressemble un peu à une fondation. Par exemple nous avons toujours été au côté de Madame Chantal Compaoré avec son association Suka dont nous sommes membre d’honneur tout comme avec les parents d’enfants encéphalopathe.

Depuis donc 1994, nous nous sommes organisés de sorte que chaque année le groupe reçoit les demandes d’aide de la fin d’année jusqu’au mois de janvier. Par la suite nous intervenons et c’est pratiquement dans tous les secteurs, social, sportif, culturel, religieux, communautaire etc. Cette année par exemple, nous avons pris sur nous de construire quatre mairies dans les communes rurales. Dans le cas d’espèce, nous offrons tous les matériaux la main d’ouvre est assurée par les populations concernées.

Depuis 1994, nous estimons annuellement notre aide entre 200 et 250 millions. Nous venons en aide souvent à certaines personnes mais dans le cadre humanitaire et de santé. En dehors du social, nous consacrons entre 40 et 50 millions aux activités professionnelles, les différentes associations. Dans les projets de construction d’écoles par exemple dans les villages, il y a des programmes peu avancés, car jugés peu rentables pour obtenir un financement, après une enquête socioéconomique. C’est là que nous, nous intervenons pour construire une, deux ou trois classes.

S. : Est-ce que vous continuez de soutenir le sport ? On sait qu’une équipe porte votre nom !

G.F. : C’est vrai. Le sport, c’est toute une histoire pour nous. Nous sommes intervenus dans le domaine du sport avant le social. Le sport était un de nos objectifs. C’est le domaine à mon avis, le plus sain. Un vrai sportif est animé d’autres motivations à savoir la compétition, le défi. Tout son état d’âme est modelé pour faire face au résultat. Il n’a ni peur ni honte de perdre. C’est l’esprit de combativité.

Pour nous, le sport est la meilleure école. Il épargne les enfants de certains vices et est source d’épanouissement. Nous avons commencé avec le cyclisme. M. Francis Ducreux et Adama Diallo ont amené un Français, René Grelin qui était payé à l’époque comme ingénieur, pour initier les coureurs aux techniques du vélo car notre objectif, c’est d’aider les autres à être indépendants. C’est dans ce sens que nous avons créé le Tour du Faso. C’est notre bébé. Nous étions arrivés à notre limite avec ce Tour. Impliquer le tour de France n’a pas été une décision facile à prendre. Mais il fallait une main professionnelle derrière notre Tour. Aujourd’hui, nous en sommes fiers, vu l’audience qu’il a au niveau international. Je suis sponsor et partenaire, j’ai donc un droit de regard sur la gestion du Tour.

En 1985, le président Compaoré, alors ministre de la Justice, et mon frère Zouhair Michel se sont entendus pour soutenir le yennenga club de Ouagadougou YCO et se sont mis d’accord pour que YCO devienne ASFA/Yennenga. C’est ainsi que naquit cette équipe que nous avons aidée à évoluer à côté du président du Faso.

On a aussi pris en charge l’union sportive du Yatenga. C’est nous qui assurons le budget. Aujourd’hui, elle est en Ligue 1. Nous sommes parmi les premiers sponsors de l’EFO, le RCK, l’USI, le RCB qui bénéficient de notre appui, et cela, indépendamment des autres tournois. En plus dans des pays comme la côte d’Ivoire avec l’ASFA MOOSOU, l’équipe de football de Gagnoa qui avec l’aide de mon frère est passée à la première division dans le championnat ivoirien ou le Bénin avec l’ASFA Bénin nous intervenons également par des aides.

S : La super coupe AJSB porte votre nom. Comment est née cette forme de partenariat avec les journalistes sportifs du Burkina ?

G. F. : je suivais les activités annuelles de l’association des journalistes sportifs du Burkina avec beaucoup d’intérêt. Cela fait plaisir de voir des hommes s’investir en temps pour le sports. Alors quant ils m’ont approché, je n’ai vu aucun inconvénient à les soutenir. C’est pour nous une façon d’aider à la fois et le sport, et la presse. Par la suite ils ont bien voulu donner mon nom à la super coupe. Chose que j’ai accepté avec beaucoup d’entrain.

S. : Combien consacrez-vous au sport ?

G.F. : Depuis déjà 10 ans, nous sommes à plus de 240 millions de francs d’investissement dans le sport chaque année. Cette aide va des équipes de premières divisions comme à celles des provinces et concerne aussi bien les équipements que divers autres secteurs, aux Etalons et à la fédération de football.

S. : Vous porter le nom Ouédraogo, est-ce que ce nom figure sur vos papiers ?

G.F. : Oui. Tout ce qui est officiel comme adresse, c’est Ouédraogo Fadoul Georges.

S. : Mais pourquoi pas un autre nom ?

G.F. : Entre 1994 et 1997, j’ai vécu plus à Bobo-Dioulasso qu’à Ouagadougou. J’ai construit un centre de tissage pour les femmes. Elles m’ont donné le nom Traoré, me disant que Ouédraogo était pour mon frère. Et les vieux m’appelaient leur « fils ». C’est signe d’intégration et pour moi, c’est plus significatif que l’argent.

S. : Est-ce que M. Fadoul parle mooré ?

G.F. : Je parle le bambara. J’ai fait une partie de mon enfance au Mali où résidait ma famille. Mais, m’exprimer en mooré me tient à coeur. J’ai même tenté de prendre des cours, mais mes activités intenses ne m’en donnent pas le temps.

S. : Qu’est-ce que vous retenez comme événement qui vous a le plus attristé depuis que vous êtes au Burkina ?

G.F. : Nous avons été frappé par un drame en 2003. Tout le monde était à mes côtés pour témoigner son affection. Ce jour-là, c’est moi qui devait prendre l’avion à la place de mon neveu. Les autorités burkinabè m’ont apporté un soutien exceptionnel. Ils m’ont même trouvé un avion pour le voyage. J’en suis reconnaissant.

S : Qu’est-ce qui vous a le plus marqué votre meilleur souvenir ?

G.F. : j’ai été grandement marqué par la Journée nationale du pardon organisée le 30 mars 2001. En mon sens c’est une journée qui a beaucoup de valeur. C’est une journée de tolérance. Et la tolérance est une grâce offerte par le créateur. La journée nationale de pardon est un moment important dans l’histoire de notre pays. J’ai admiré l’humilité du président du Faso. Il s’est assumé, au nom de la continuité de l’Etat, il a demandé pardon aux burkinabé pour tous les torts pour raison d’Etat dont ils ont été victimes. Seuls les grands hommes ont cette force. Et moi, cela m’a vraiment marqué.

G. F. : Enfin, qu’est-ce que vous pensez des Burkinabè ?

G.F. : Je suis attaché, voire amoureux de ce pays. C’est un peuple travailleur. J’ai senti parfois des gens d’autres pays frustrés lorsque je le déclare. Je n’invente rien. Dieu a voulu que mon frère s’installe ici. On dit d’ailleurs qu’il est le Ouédraogo voltaïque et moi le Ouédraogo Burkinabè. En Côte d’Ivoire, on n’a pas hésité à dire qu’il est le visage caché de Blaise Compaoré. Les journaux ivoiriens écrivent beaucoup de chose sur nous à telle enseigne que nous avons du convoquer une conférence de presse pour cela.

S : quelle appréciation faites-vous de la presse burkinabé ?

G.F. : De façon générale la presse burkinabé est une presse responsable. Elle est un élément moteur dans le développement de notre pays et son action est admirable. La presse ici est constructive et cela est très important.

S : Vous êtes un maillon de premier choix dans la chaîne privée de télévision Canal3. Sa production vous paraît-il satisfaisante ?

G. F. : La télévision est un médium qui exige beaucoup d’effort surtout financier. Et Canal 3 ne fait pas exception. C’est pourquoi nous investissons beaucoup pour cette chaîne. Nous sommes encore loin des objectifs que nous voulons atteindre. Car pour nous, Canal 3 doit être un ciment, doit rapprocher les populations de notre pays et faire en sorte par exemple que les populations de l’Est sachent ce que celles du Nord font. En somme permettre aux Burkinabé de se connaître davantage. Le chemin est long, mais nous gardons espoir. Nous envisageons pour ce faire de créer des programmes instructifs dans tous les domaines. Nous voulons pour me résumer faire de Canal 3 une télévision au service des populations, une télévision éducative.

S : Fadoul envisage-t-il un jour de s’intéresser à la presse écrite ?

G. F. : Pourquoi pas ? Le groupe est partant. Et si les éditions Sidwaya étaient à privatiser, le groupe Fadoul Afrique n’hésiterait pas à postuler pour la reprise (rires).

Sidwaya

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