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« Yaaba » Emilienne, dolotière depuis soixante ans !

Publié le lundi 4 septembre 2006 à 07h07min

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Voila soixante ans que Mme Emilienne Compaoré est dolotière ! Six décennies qu’elle vend du « tchapalo », cette boisson locale faite à base de mil. Pour cette experte du dolo, mener une telle activité aussi longtemps ne peut relever que de la volonté de Dieu.

Même si la « yaaba » (grand-mère en langue nationale mooré) ne souhaiterait pas qu’une femme s’adonne à ce commerce, parce que très éprouvant et très peu rentable, elle se dit comblée, car elle réussit à satisfaire ses besoins et à tisser de nombreuses relations humaines.

L’histoire de cette septuagénaire est semblable à celle de la majorité des femmes de son époque. N’ayant pas eu la chance de connaître les joies de l’école, ce qui lui aurait permis sans doute d’avoir un niveau social plus élevé, comme elle le confesse elle-même, Emilienne est devenue dolotière.

Mère de dix enfants, dont six ont malheureusement rejoint les ancêtres, cette chrétienne pratiquante dit s’en remettre à Dieu. Pour elle, tout ce qui lui arrive n’est que la résultante de la volonté du Tout-Puissant. Malgré le poids de l’âge, usée par le temps et la fatigue, cette magicienne de la fabrication de la bière de mil reste néanmoins très active.

La préparation et la vente du dolo, boisson qu’affectionnent de nombreuses personnes, sont des activités exigeantes et astreignantes. En effet, pour cuire la bière de mil, il faut compter un travail intense d’environ trois jours. Malgré ces contraintes, « Yaaba » Emilienne met du cœur à cuire le dolo et à le servir à sa nombreuse clientèle. Elle jure même être prête à... « rebeloter » si jamais elle devait recommencer sa vie.

C’est simple, les revenus de son activité lui permettent de vivre décemment et d’assurer l’éducation à ses enfants.
Sis au secteur 29 de Ouagadougou, le cabaret de Emilienne Compaoré ne désemplit pas. L’ouverture a lieu dès les premières heures de la matinée. Quant à la fermeture, elle est fonction du dernier client. Pas d’heure fixe. « Souvent, nous restons très tard dans la nuit. Ne dit-on pas que le client est roi ? » Des clients s’asseyent ainsi sous le hangar, à longueur de journée, calebasses à la main, et savourent leur bière locale, moyennant 50 F CFA la calebassée.

Toutes les couches sociales se retrouvent au cabaret de « Yaaba » : pauvres et riches, jeunes et vieux, élèves et étudiants, chefs d’entreprises, manœuvres, médecins... Tout le monde s’y croise pour se « ressourcer ». C’est une aubaine pour la « vieille » dolotière car, avoue-t-elle, « être toujours entourée de gens, c’est la meilleure des richesses, et Dieu me l’a donnée ! »

Quel est donc le secret du succès de « Yaaba » Emilienne ? « Dieu, l’expérience, la qualité, l’hygiène des lieux... », répond-elle avec assurance. Surtout, ne lui demandez pas son chiffre d’affaires. Elle vous répondra avec beaucoup de malice : « Entre cinq cents et mille francs CFA par jour... » On peut cependant se rendre compte, au rythme où les calebassées se succèdent, qu’on est bien loin du compte. Que voulez-vous, certaines personnes, de par leur éducation, sont très réservées et ne dévoilent pas leurs secrets au premier venu, surtout quand il s’agit de « liguidi » (argent).

Et si, dans les parages, vous êtes attirés par cette odeur assez spéciale mais très agréable du « dolo » n’hésitez pas ! N’oubliez cependant pas de prévoir un mouchoir : dans ce lieu, comme dans les milliers de cabarets dont regorge Ouagadougou, notre capitale bien-aimée, vous rirez à vous couper le souffle. C’est là, en effet, que la plupart des gens noient leurs soucis. Et puis, l’ambiance, agrémentée par des histoires drôles, des propos taquins, des proverbes, des anecdotes... en fait une véritable école de la vie !

Par Serge Vanié

Fasozine

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Vos commentaires

  • Le 9 septembre 2006 à 13:34, par NOAGAPREMIER En réponse à : > « Yaaba » Emilienne, dolotière depuis soixante ans !

    MERCI POUR CET ARTICLE LE FRERE.C’EST HORS DU COMMUN ET CA NOUS PERMET DE REVIVRE DES REALITES DE NOTRE F.A.S.O.N’EST PAS CA AUSSI OUAGADOUGOU ?D’AUTRES A LA GAZETTA D’AUTRES CHEZ MAMY EMILIENNE, CHACUN SES COINS DE DELIRE..............

  • Le 9 septembre 2006 à 18:11 En réponse à : > « Yaaba » Emilienne, dolotière depuis soixante ans !

    Portraits de personnes simples, vie riche et remplie... on ne peut que vous encourager à continuer avec ses portraits qui sont fabuleux et enrichissants pour tous. Bon courage.

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