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Gérard Simon, ancien ambassadeur de France au Burkina : "Le Burkina est sur le chemin fécond d’un Etat de droit démocratique"

Publié le vendredi 19 mai 2006 à 08h03min

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S.E.M. Gérard Simon

Monsieur Gérard Simon a été ambassadeur de France au Burkina de 1992 à 1995. Il en a gardé des souvenirs exceptionnels et pour lui, cette dernière étape d’une longue carrière consacrée au continent africain lui permet de faire des comparaisons "largement en faveur du Pays des hommes intègres".

Son témoignage est le premier d’une série que Lefaso.net vous propose dans le cadre d’un dossier sur les relations franco-burkinabè, réalisé à l’occasion des rencontres 2006 de la coopération décentralisée qui auront lieu à la fin du mois à Belfort dans le sud de la France.

Arrivé à Ouagadougou le 21 Décembre 1992, j’ai présenté mes lettres de créance au Président Blaise Compaoré dès le 12 Janvier suivant. Le discours que j’ai prononcé en la circonstance n’a pas été une simple allocution académique, comme il est généralement d’usage. J’ai exprimé, avec une sincère conviction, tout l’attachement que m’inspirait ce pays ami et son peuple et me suis engagé à soutenir, par tous mes moyens, leur marche vers le développement. Depuis lors et en dépit des nombreuses années écoulées, je ne me suis jamais départi de cette ligne de conduite.

Cette mission constituait la dernière étape d’une longue carrière consacrée, pour l’essentiel, au continent africain. Les multiples expériences vécues me permettaient d’établir des comparaisons largement en faveur du ‘’Pays des hommes intègres‘’. Lorsque le moment est venu de "demander la route", au terme de mon séjour officiel, le 11 Novembre 1995, j’avais cumulé, à tous les niveaux, tant de liens d’estime et d’amitié que ni la distance ni le temps n’ont pu les rompre jusqu’ici.

En toutes circonstances, je me suis comporté autant en Ambassadeur de France qu’en Représentant du Burkina Faso sans, pour autant, éprouver le moindre problème déontologique. Je considérai, en effet, que ‘’Ce qui est bon pour l’un est bon pour l’autre‘’.Il est vrai que mes autorités de tutelle parisiennes m’ont laissé toutes libertés et initiatives. Il faut dire, aussi, que je n’ai jamais sollicité auprès d’elles la moindre instruction avant d’agir. Mais les relations de confiance établies avec le Gouvernement burkinabé et le Chef de l’Etat étaient alors si fortes et le dialogue si facile que nous étions toujours en phase.

Ce séjour a été pour moi fécond en évènements marquants :
- Peu après mon arrivée, en Janvier 1992, je suis intervenu personnellement à la demande du Premier Ministre pour apporter une médiation dans la grave situation de crise ouverte à l’Université. J’ai alors engagé un dialogue soutenu avec les étudiants qui se sont rangé à mes raisons et ont accepté de mettre fin aux marches répétées qui dégénéraient dans les rues de Ouagadougou. Il est évident qu’à cette occasion je n’ai demandé aucun aval à Paris car j’avais bien conscience d’outrepasser quelque peu la mission normale d’un Ambassadeur.

- Je dirais aussi que ma ‘’Sensibilité africaine‘’ m’a tout naturellement conduit à porter estime et respect aux Chefs coutumiers et en particulier au premier d’entre eux : Sa Majesté le Moghro Naba qui, à mon instigation, a été invité par le Président François Mitterand à assister aux cérémonies du 14 Juillet 1994 à Paris. Cette marque d’attention, honorant les traditions et la culture burkinabé, a contribué à mieux m’intégrer dans la société et les valeurs profondes de ce pays attachant.

- J’ai également pris une part active mais discrète aux cotés des autorités burkinabé et du Chef de l’état qui n’a pas ménagé ses patients efforts pour parvenir au paraphe, le 11 Juillet 1993 à l’hôtel Silmandé d’un accord entre les protagonistes de la crise togolaise.

- Il m’a été donné, également, d’accompagner les interminables et épuisantes tractations ayant permis d’aboutir au paraphe d’un accord signé le 15 Avril 1995 après une médiation complexe entre les membres de la rebellion Touareg du Niger et la mouvance présidentielle.

En toutes ces circonstances, il m’a été permis de constater le rôle diplomatique positivement actif joué par le Burkina-Faso dans la sous région et en Afrique. Nombre de Burkinabé ont pu se sentir fier de voir le Président Blaise Compaoré, seul Chef d’état africain, coprésider, aux cotés du Président Chirac, le défilés du 14 Juillet 1995 sur les Champs Elysées.

J’avoue que je partageais leur fierté. Dans un contexte moins particulier, le choc de la dévaluation du franc CFA survenue le 12 Janvier 1994, a marqué le début le début d’une banalisation de nos rapports avec l’Afrique francophone que je déplore. Cet événement a été aussi l’occasion de manifester notre solidarité avec les populations inquiètes et désemparées.

Depuis ma prise de fonction à Ouagadougou, le 21 Décembre 1992, je n’ai cessé d’entretenir des relations empruntes d’intérêt et d’attachement affectif pour le Burkina-Faso.

Dix années se sont écoulées depuis la fin de ma mission et, lorsque je retourne au Burkina Faso, aussi souvent qu’il m’est possible, je constate que les mutations accomplies depuis lors sont impressionnantes en tous les domaines. De toutes les capitales africaines, Ouagadougou est incontestablement une de celles qui s’est le plus transformée ces derniers temps.

Une telle métamorphose reflète la vitalité de l’économie burkinabé conduite par un Gouvernement et un Président pragmatiques, efficaces, gérant au mieux des ressources naturelles modestes mais dont ils tirent le meilleur profit. Ce prodige de développement, par rapport à d’autres pays africains bien mieux nantis, tient aussi, il faut le souligner, à la qualité des hommes et femmes de ce pays sahélien qui font preuve d’un courage au travail peu commun tout en entretenant un esprit de tolérance générateur d’une harmonie sociale bien rare quant on connaît le nombre et l’atrocité des conflits d’ordre confessionnel qui déchirent le monde.

Toutes ces raisons nourrissent ma confiance dans l’avenir du Burkina Faso. Ce pays maintient un taux de croissance du PIB élevé, de l’ordre de 5% soit près du double de son taux de croissance démographique, tout traçant un chemin fécond vers un Etat de droit dont le caractère démocratique est incontesté.

Aussi il m’importe, comme à tous ceux citoyens burkinabé et amis qui partagent ces espoirs, de voir, comme ce pays le mérite, son image encore mieux reconnue aussi bien en France que sur la scène internationale.

Propos recueillis par Cyriaque Paré

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