Burkina /Médias : De Norbert Zongo à Henri Sebgo, l’histoire d’un nom de plume retracée par Dr Cyriaque Paré
C’est sous le thème « Conscience historique et reconnaissance africaine : Idéaux fondamentaux de la pensée de Norbert Zongo » que s’est tenue, du 13 au 15 décembre 2023, le colloque interdisciplinaire en hommage à Norbert Zongo. Durant ces trois jours, ce sont plus de 133 communications, en lien avec les idéaux de l’illustre journaliste d’investigation, qui ont été dispensées. Dr Cyriaque Paré (INSS/CNRST) faisait également partie des panelistes avec un exposé centré sur le nom de plume de Norbert Zongo, « Henri Sebgo ».
Parcours du combattant d’un apprenti journaliste, de Carrefour Africain à L’Indépendant (Borry Bana) et les grands combats de Henri Sebgo sont, entre autres, les points sur lesquels Dr Paré a construit sa communication. Il a retracé le parcours professionnel de Norbert Zongo, les grands dossiers qu’il a traités dans ces journaux, jusqu’au fatal dossier David Ouédraogo, et les grands combats qu’il a menés.
Le communicateur a, d’entrée de jeu, précisé qu’il a eu Norbert Zongo comme maître de stage à Sidwaya où il a été affecté en septembre 1991 après sa formation professionnelle au CFPI (aujourd’hui ISTIC). Il a aussi travaillé avec Henri Sebgo quand celui-ci animait l’hebdomadaire La Clef pendant qu’ils étaient tous les deux à Sidwaya. Sa présentation (issue d’un travail de recherche en cours) a été l’occasion pour l’élève de rendre hommage au maître en cette période d’anniversaire de son assassinat il y a 25 ans.
Qui est Henri Sebgo ?
A cette question, le communicateur rappelle que c’est sous ce nom de plume que Norbert Zongo s’est fait connaître à travers ses écrits dans plusieurs journaux privés du pays, principalement le Journal du jeudi, La Clef et L’Indépendant, même si Norbert Zongo avait déjà eu à signer quelques articles avec "Sebgo" quand il a débuté sa carrière professionnelle aux Éditions Sidwaya (alors direction générale de la presse écrite) en janvier 1987.
Quel a été le parcours de l’homme ? Dr Paré rappellera que malgré sa passion pour le journalisme, c’est d’abord vers le métier d’instituteur qu’il s’oriente. Et c’est en janvier 1980 que Norbert Zongo est reçu à l’Institut supérieur de presse de l’Entente (ISPE) de Lomé où, malheureusement, il ne passera qu’une année académique. Il devra interrompre sa formation en mars 1981 pour des raisons politiques car soupçonné d’écrits séditieux contre le régime de Gnassingbé Eyadema. De retour au pays, il est incarcéré à la gendarmerie de Paspanga où il passera un an. Cette mésaventure ne le dégoûte pas pour autant de sa vocation de journaliste, selon le chercheur.
C’est finalement en 1983, que Norbert Zongo passe avec succès le test d’entrée à l’École supérieure des sciences et techniques de l’information (ESSTI) de Yaoundé. De cette école, il sortira en 1986 nanti d’un diplôme de journalisme.
Plus que jamais la flamme de sa vocation se ravive et à son retour de Yaoundé, il prend service le 12 janvier 1987 à la direction générale de la presse écrite (aujourd’hui Éditions Sidwaya) en attendant d’être intégré à la Fonction publique. Mais il devra plutôt signer un contrat avec l’État car lors de son intégration, Norbert Zongo avait plus de 35 ans et ne pouvait donc pas être intégré comme fonctionnaire permanent.
A entendre Dr Paré, Norbert Zongo a débuté ses écrits dans Carrefour Africain à partir du N° 957 du 17 octobre 1986 au N° spécial CEDEAO de mai 1990. Sa signature "Sebgo" est relevée au bas de trois articles de Carrefour Africain (les N° 1012, 1013 et 1016 de novembre 1987). Dans Sidwaya, on relève sa signature à partir du N° 812 du 13 juillet 1987 jusqu’au N° 2089 du 28 août 1992.
Il précise par ailleurs que la signature Henri Sebgo naîtra véritablement dans l’hebdomadaire satirique le Journal du jeudi dans lequel il collabore d’octobre 1991 à janvier 1992 et dont Boubakar Diallo était le directeur de publication.
Ce dernier fit la connaissance de Norbert Zongo au sein de la rédaction de Sidwaya où il collaborait également. Boubacar Diallo raconte que le premier papier que Norbert Zongo a publié dans le Journal du Jeudi était signé "Sebgo" (JJ n°04 du 17 au 23 octobre 1991). Selon lui, il a fallu ajouter un prénom car certains lecteurs l’ont confondu avec le journaliste René Sebgo de la radio nationale. Il précise que c’est finalement Norbert lui-même qui a proposé le prénom Henri. « On a donc adopté ensemble ce qui allait devenir un label : Henri Sebgo dès la semaine suivante », a expliqué Boubakar Diallo, cité par Cyriaque Paré.
Après des désaccords avec le directeur de publication du Journal du jeudi, Norbert Zongo décide de passer à La Clef, un autre hebdomadaire dont le projet était porté par Saturnin Ky, journaliste de la radio nationale. La Clef voit le jour en février 1992 et Norbert Zongo y restera jusqu’en février 1993. Mais suite à des mésententes avec le directeur de publication, Henri Sebgo estimera que c’en est de trop et que le nomadisme circonstanciel est bien fini : « Borry Bana ». Il crée alors son propre journal, L’Indépendant, dont le n° 00 paraît le 3 juin 1993.
Mais il sera contraint de quitter définitivement la Fonction publique du fait de son implication dans des journaux privés où étaient publiés des articles qui ne plaisaient pas toujours aux puissants du moment. Après avoir refusé de rejoindre Banfora où il avait été affecté comme correspondant de l’AIB, son contrat avec la Fonction publique sera rompu par une décision signée du ministre de la Fonction publique.
« Après ces péripéties, Norbert Zongo a estimé que la course était terminée et qu’il fallait enfin se poser chez soi, en créant son journal à lui. Il l’animera ainsi du N° 00 du 3 juin 1993 au N° 275 du 15 décembre 1998, qui paraîtra à titre posthume, puisque l’infâme drame de Sapouy est intervenu deux jours plus tôt », confie Dr Cyriaque Paré.
Concernant les grands combats de Henri Sebgo, ce sont, entre autres, la liberté de la presse pour laquelle il militera pour la création de la SEP (Société des éditeurs de la presse privée dont il a été le premier président), l’affaire OFNACER, l’or de Niangologo, l’affaire CEMOB, l’affaire Tan Aliz, les élèves de Garango, les parcelles de Ouagadougou, l’affaire CIMAT, le dossier Hyacinthe Kafando, l’implication du Burkina dans la guerre du Libéria, le dossier David Ouédraogo qui lui sera fatal, etc.
Prince Omar
Lefaso.net